Un fragment plein d'espoirs

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—Comment pouvez-vous en être aussi sûr ?

Voss montra du doigt la gravure délicate qui ornait le dessus du fragment.

—Regarde attentivement. Tu vois ce symbole ? Ce triangle coupé en deux avec un cercle parfait en son centre ?

Adam plissa les yeux pour mieux distinguer les détails.

—Oui, je le vois. On dirait un symbole… Mais je n’ai jamais vu ça avant, à part peut-être sur vos notes.

Voss hocha la tête, un sourire satisfait aux lèvres.

—Exactement, Adam. Ce motif correspond à des gravures que nous avons retrouvées sur d’autres artefacts Esthérian. C’est une signature unique, propre à leur technologie et à leur culture.

Adam se rapprocha, captivé par la découverte. Il observa la gravure avec une fascination grandissante, ses pensées virevoltant entre incrédulité et émerveillement.

—Incroyable… Alors, cela signifie que nous sommes sur la bonne piste.

Eamon hocha vigoureusement la tête, l’excitation brillant dans ses yeux.

—Oui, cela en a tout l’air. Si nous trouvons d’autres fragments comme celui-ci, nous pourrions reconstituer une partie de leur histoire, peut-être même découvrir le chemin menant à une cité perdue. Pour l’instant, ce fragment est notre premier indice concret, et surtout la preuve que leur civilisation s’est bel et bien établie sur ce monde.

Il se redressa, tenant précautionneusement la pierre dans ses mains, et se tourna vers Adam.

—Rapportons ta trouvaille au camp ! C’est une découverte majeure.

Jetant un dernier coup d’œil à son chronomètre, Eamon ajouta avec un ton plus pressé :

—Hâtons-nous, il est presque 16h00. Nos camarades vont commencer à s’inquiéter si nous ne sommes pas de retour à temps.

Près de l’oasis, le campement était presque achevé. Il se dressait entre des arbres de taille moyenne, aux troncs robustes et larges, ornés de feuilles semblables à des raquettes de cactus. Ces feuilles, recourbées vers le haut, semblaient conçues pour capter l’humidité nocturne, une adaptation fascinante à cet environnement hostile. L’oasis elle-même, d’une taille respectable, abritait une étendue d’eau modeste, équivalente à environ un demi-terrain de football. L’eau, d’un vert émeraude profond, contrastait avec les algues noires qui tapissaient ses rives. Peut-être une faune aquatique subsistait-elle encore, s’adaptant tant bien que mal à la fin implacable de ce monde désertique. La vue de cet Eden, rareté précieuse au cœur du désert d’Oberon V, apportait un sentiment de sérénité au groupe d’archéologues.

Le camp de base, constitué de plusieurs tentes, fut établi en un temps record grâce à la technologie avancée du Consortium. Nulle besoin de marteaux ou de sardines pour fixer les structures. Un simple appui sur un interrupteur, intégré à un dispositif circulaire en métal, permettait de déployer instantanément de grandes tentes résistantes. Trois tentes formaient le campement, chacune remplissant une fonction spécifique. La première, une tente spacieuse, était consacrée à l’étude des artefacts collectés, aux briefings des recherches et à l’analyse des découvertes. Elle abritait une grande table de réunion, un tableau holographique de dernière génération, et tout l’équipement scientifique nécessaire aux archéologues du XXVᵉ siècle. Les murs étaient équipés de panneaux modulaires, réorganisables selon les besoins des analyses. La deuxième tente, conçue pour le repos, offrait un confort bienvenu après les longues journées de fouilles. Cinq lits étaient disposés avec soin, chacun équipé d’un matelas anti-gravité garantissant un sommeil réparateur malgré les conditions hostiles du désert. La troisième tente servait de cantine. Compacte mais fonctionnelle, elle était équipée d’une cuisine moderne permettant de préparer des repas chauds et des boissons rafraîchissantes. Des tables pliantes et des sièges confortables complétaient l’installation, offrant un espace où l’équipe pouvait se restaurer et partager des moments de détente.

Kiran était assis au bord de l’eau, ses pensées dérivant avec les légères ondulations de l’oasis. Le crépuscule peignait le ciel d’une palette de couleurs chaudes, où des nuances d’orange, de pourpre et de rose se mêlaient harmonieusement, contrastant avec la fraîcheur relative de l’eau. L’air, chargé d’embruns subtils provenant du lac, était transporté par le vent du désert, accompagné du doux clapotis des vagues contre les rives sablonneuses. Il contemplait ce paysage éphémère, se demandant si, dans des siècles à venir, quelqu’un aurait encore l’occasion d’observer ce même lieu. Cette pensée le plongeait dans une mélancolie douce-amère, alors que l’immensité du désert et l’implacable passage du temps lui semblaient presque tangibles.

Non loin de là, Zena était plongée dans son travail, concentrée à l’extrême, une incarnation d’obsession méthodique. Penchée sur une carte holographique, ses yeux fixaient les données avec une intensité qui traduisait à la fois détermination et frustration. Son esprit était un tourbillon d’idées et de questions : avait-elle laissé passer un détail crucial ? Le Dr. Voss avait-il raison d’être aussi convaincu qu’une découverte majeure les attendait ici, malgré l’omniprésence du sable et du silence ? Le doute, insidieux mais inévitable, s’infiltrait dans son esprit, mais sa passion pour la recherche la poussait à continuer, à creuser plus profondément, littéralement et métaphoriquement. Ses doigts tapotaient frénétiquement sur les commandes de son terminal, espérant que la technologie révélerait ce que son œil daranien n’avait pas encore discerné.

De son côté, Koros, fidèle assistant du Dr. Voss depuis plus d’un siècle, comprenait la tension sous-jacente qui émanait de ces moments de calme apparent. Une équipe d’archéologues en quête de révélations pouvait parfois être son propre pire ennemi : trop de pression, trop d’attente, trop de doutes. Koros savait que les débuts d’une mission étaient souvent marqués par des frustrations, mais il avait appris que la persévérance finissait toujours par payer. Pour alléger l’atmosphère et remonter le moral de l’équipe, il s’attelait à la préparation d’un repas réconfortant. Bien que synthétique, ses talents culinaires étaient presque légendaires parmi les explorateurs. Il avait la réputation de transformer les rations de survie les plus basiques en véritables festins. Ce soir, il préparait un émincé de Corena, une spécialité qu’il avait perfectionnée au fil des années. Les arômes épicés, à la fois riches et envoûtants, se diffusaient doucement à travers le camp, apportant une touche de chaleur et de réconfort au milieu de l’austérité du désert.

Revenant de leurs recherches, Adam et le Dr Voss apportèrent avec eux une trouvaille précieuse : le fragment Esthérian. C’était une preuve tangible de leur présence sur ce monde, mais il portait aussi le lourd fardeau des espoirs de découverte de tout le groupe. Le soleil venait à peine de se coucher, baignant le camp de base dans une lumière dorée et crépusculaire. L’excitation monta rapidement lorsque Voss convoqua l’ensemble de l’équipe pour partager la nouvelle.

—Zena, Kiran, et toi, mon vieil ami Koros ! Rassemblement dans la tente de recherche, j’ai quelque chose d’intéressant à vous montrer, lança Voss, sa voix vibrant d’enthousiasme. Adam a fait une découverte fascinante ! Nous sommes sur la bonne piste, et je suis persuadé que demain sera un grand jour.

Les membres de l’équipe se regroupèrent rapidement autour de lui, leurs visages illuminés par l’excitation. Adam, exténué mais satisfait, posa délicatement le fragment de titanium sur la table centrale de briefing. Sous les lumières artificielles du camp, le morceau de métal scintillait doucement, attirant les regards fascinés de tous.

Zena, généralement absorbée par ses propres recherches, ne put s’empêcher de poser une question, son ton empreint d’une curiosité contenue :

—Cet artefact… il est vraiment Esthérian ? Y a-t-il quelque chose de particulier qui confirme son origine ?

Voss, ravi par l’enthousiasme de son équipe, hocha la tête avec conviction.

—Nous devons encore l’examiner en détail, mais ce que nous avons observé jusqu’ici est très prometteur. Regardez cette gravure ici, dit-il en pointant le symbole sur le fragment.

—C’est une marque caractéristique de la culture Esthérian. Non seulement cela confirme leur présence sur cette planète, mais cela valide également les coordonnées transmises par les archives. Nous sommes sur la bonne voie. De plus, le fait que ce fragment ait été découvert près des grandes dunes au sud, à proximité de la falaise, indique que cette zone mérite une exploration approfondie.

Kiran, incapable de contenir son enthousiasme, déclara avec un large sourire :

—Incroyable ! Enfin quelque chose de concret. Vous pensez que ça pourrait nous mener directement à des vestiges, peut-être même une structure Esthérian ?

Voss, toujours prudent malgré son excitation, répondit avec un sourire.

—Peut-être bien, Kiran. Mais gardons la tête froide. Ce fragment est un début, pas une conclusion. Il ne s’agit que de la première pièce d’un puzzle beaucoup plus vaste. Nous devons rester attentifs, méthodiques et surtout, patients.

Pendant que les autres discutaient, Koros, fidèle à lui-même, écoutait attentivement tout en préparant un nouveau plat pour l’équipe. Sa voix synthétique, légèrement teintée d’un grésillement familier, s’éleva pour ajouter une touche de réconfort :

—Vous avez tous accompli un excellent travail aujourd’hui. Ce soir, nous allons célébrer cette découverte. J’ai concocté un plat spécial qui vous donnera l’énergie nécessaire pour affronter les recherches de demain.

Sous le ciel étoilé d’Oberon V, le camp de base offrait un contraste frappant entre l’effervescence du jour et la tranquillité de la nuit. Le sable, fraîchement refroidi par la nuit, brillait d’une teinte argentée sous les étoiles scintillantes. L’équipe, après une journée de découvertes et de travail acharné, profitait de ce moment de repos bien mérité.

Adam et Kiran se tenaient au bord de l’eau, leurs pieds enfoncés dans le sable fin, tandis qu’ils partageaient leurs impressions et leurs rêves d’avenir. La lumière douce de l’oasis dansait à la surface de l’eau, se reflétant dans leurs yeux et ajoutant une aura paisible à leur conversation.

—C’est incroyable, n’est-ce pas ? murmura Adam, les yeux fixés sur le reflet scintillant des étoiles dans l’eau claire. Qui aurait cru que notre première sortie sur le terrain serait pour chercher des vestiges Esthérian ?

Kiran, les yeux pétillants d’excitation, hocha vivement la tête.

—Oui, c’est presque irréel. Et si tout ce qu’on raconte sur les Esthérian’s est vrai… Imagine ce que nous pourrions découvrir ! Mais dis-moi, Adam, si cette expédition réussit et qu’elle ouvre de nouvelles pistes de recherche sur cette civilisation, qu’est-ce que tu feras ?

Adam resta silencieux un instant, son regard se perdant dans l’infinité du ciel étoilé. Après réflexion, il répondit doucement :

—Je pense que cette expédition pourrait changer beaucoup de choses pour moi. Si elle est couronnée de succès, alors pourquoi pas me spécialiser comme Voss dans l’étude des Esthérian’s. Ce serait un domaine fascinant, un mélange de mystère et de découvertes sans fin. Il se tourna ensuite vers son ami. Et toi, Kiran ?

Kiran sourit, ses yeux fixant l’horizon.

—Honnêtement, je n’y ai pas encore vraiment réfléchi. Mais je sais une chose : ça ne changera rien à mon rêve initial. Je veux explorer des mondes inconnus, être un aventurier, vivre des aventures épiques ! Et, d’une certaine manière, l’archéologie me permet ça. Sa voix s’adoucit légèrement, teintée d’une sincérité rare. Mais tu sais, au fond, ce que je cherche vraiment, c’est découvrir l’histoire de mon peuple et de sa planète d’origine. On sait tous que Neuror n’est pas notre monde natal. Peut-être qu’un jour, je trouverai des réponses…

Il se tourna vers Adam avec un sourire plein d’assurance, serrant le poing avec optimisme.

—Ce qui est sûr, c’est que toi et moi, on deviendra des scientifiques de renom. J’en suis convaincu.

Non loin de là, Zena, enfin détendue après une journée intense, s’était installée confortablement sur un fauteuil de camping, plongée dans un roman policier captivant. Le célèbre auteur hedorien avait su piquer son intérêt avec des intrigues complexes et des personnages profondément énigmatiques. Le contraste entre l’atmosphère haletante du livre et la quiétude du désert lui offrait un moment de répit précieux, loin des préoccupations scientifiques.

Koros, fidèle à son amour pour la cuisine, terminait les préparatifs du repas. Chaque geste de ses mains métalliques était précis et méthodique, alors qu’il ajustait les épices et ingrédients pour perfectionner son émincé de Corena. L’arôme savoureux se diffusait à travers le camp, promettant un festin réconfortant après cette journée de découvertes.

Quant au Dr Eamon Voss, il était toujours absorbé par l’étude minutieuse du fragment de titanium Esthérian. Sa concentration était absolue, et chaque mouvement de son pinceau d’analyse ou de ses instruments était exécuté avec une précision presque religieuse. Il scrutait la moindre gravure et imperfection, persuadé que cette pièce contenait une clé pour déverrouiller les mystères de la civilisation Esthérian.

Alors que les heures s’égrenaient et que le repas avançait, l’équipe se regroupait progressivement autour de la table principale. L’excitation de la récente découverte flottait encore dans l’air, et les discussions alternaient entre spéculations enthousiastes et éclats de rire.

Assis autour de la table, Kiran et Adam semblaient absorbés par leur conversation, leurs visages éclairés par les douces lueurs des lampes de camp.

Kiran, un sourire malicieux aux lèvres, relança la discussion d’un ton moqueur.

—Je veux revenir sur ce fameux caillou. Comment t’as fait pour le repérer ? Il n’a rien de très spécial, non ?

Adam haussa les épaules, un sourire légèrement gêné sur les lèvres.

—Franchement, je ne sais pas. Une sorte d’intuition, je suppose. J’ai vu ce caillou et je me suis dit : ‘tiens, c’est étrange’. Et en le ramassant, j’ai tout de suite remarqué que sa texture était différente.

Kiran éclata de rire.

—Attends, tu es en train de me dire que tu l’as trouvé au pif ? Sérieusement ? Tu te fiches de moi ? Genre, un coup du hasard ?

Adam secoua doucement la tête, amusé.

—Pas du hasard. Plutôt une intuition…

Kiran, toujours taquin, ajouta en plaisantant :

—Tu ne vas pas me dire qu’il t’a parlé, non plus ?

Adam sourit, un éclat dans les yeux.

—J’en sais rien, peut-être bien…

Changeant de sujet, il lança avec un regard espiègle :

—Sinon, Kiran, où en es-tu avec cette fille, Ylveta… ou Ylvena, c’est ça ?

Kiran roula des yeux avec un sourire.

—Ylvena ! Oui, c’est ça. Alors, écoute bien : on doit se voir pour un verre à Neuror dès qu’on rentre. Ça fait un moment qu’on discute, et franchement, elle est géniale. On commence même à parler de projets à plus long terme.

Adam hocha la tête, sincèrement content pour son ami.

—Ça a l’air sérieux, tout ça. Neuror est parfait pour ce genre de retrouvailles. Mais attention, ne laisse pas ça te distraire pendant nos recherches, hein !

Kiran éclata de rire.

—Moi, distrait ? Jamais ! Mais puisque tu fais le malin… Et toi alors ? Tu as quelqu’un dans ta vie, ou c’est toujours le désert total ?

Adam haussa les épaules avec un sourire modeste.

—Pour l’instant, toujours fidèle à moi-même. Et ça fait un bon moment que je n’ai pas mis les pieds sur un monde humain, en fait.

Intrigué, Kiran fronça les sourcils.

—Sérieusement ? Tu n’es pas retourné sur Terre pendant les dernières vacances inter-annuelles ?

Adam baissa les yeux, jouant distraitement avec un mug posé devant lui.

—À vrai dire, j’ai préféré éviter. Rien ne m’y attend vraiment, et je me suis dit que je pourrais mieux utiliser ce temps pour travailler, voyager, et apprendre.

Kiran, un peu plus sérieux, continua :

—Tu ne m’avais pas dit que tu devais revoir un ami proche de ton père ?

Adam hésita, puis commença à répondre :

—Eh bien… oui, mais…

Avant qu’il ne puisse finir, Zena, refermant son roman avec un sourire malicieux, s’approcha du groupe. Elle posa son livre sur le fauteuil et s’installa près de Kiran.

—Alors, qu’est-ce qu’il se passe ici ? demanda-t-elle, son regard passant de Kiran à Adam.

Kiran se tourna vers elle, un sourire en coin.

—Juste en train de découvrir que notre cher Adam est un éternel célibataire, trop absorbé par ses recherches et ses voyages.

Zena haussa un sourcil, l’air intrigué.

—Ah, vraiment ? Ça ne me surprend pas tant que ça. Tu es absorbé par ton travail, tes études… Je comprends. À vrai dire, je suis un peu pareille. Rien ne compte plus pour nous, les Daraniens, que notre avenir professionnel.

Adam sourit en secouant doucement la tête.

—Oui, c’est ça. Je suppose que je suis tellement investi dans ce que je fais que je n’ai pas vraiment laissé de place pour autre chose. Parfois, je me demande si je passe à côté de quelque chose, mais… pour l’instant, ma situation me suffit.

Zena croisa les bras, son regard s’assombrissant légèrement, comme si elle réfléchissait profondément.

—Eh bien, je dirais que chacun trouve son équilibre à sa manière. Pour certains, ce sont les relations, pour d’autres, les découvertes ou les passions. Mais il est toujours bon de se poser la question, de temps en temps, non ?

Kiran, hochant la tête, ajouta avec un sourire complice :

—Oui, c’est vrai. Peut-être qu’un jour, tu trouveras le temps d’explorer d’autres aspects de la vie, Adam. Mais pour l’instant, on dirait que tu es dans ton élément ici, à explorer des mondes oubliés.

Zena, son sourire devenant malicieux, renchérit :

—Et qui sait, peut-être que tu rencontreras quelqu’un d’intéressant au détour de cette aventure. On ne sait jamais où l’exploration peut nous mener.

Adam éclata de rire, appréciant la légèreté de l’échange. —Peut-être bien. Mais pour l’instant, je suis content de vivre cette aventure avec vous tous. C’est une expérience incroyable, et je ne changerais rien à ce qu’on vit en ce moment.

—Bon, les jeunes ! interrompit brusquement Eamon, sa voix grave brisant l’atmosphère détendue. Il se tenait debout, les bras croisés, l’air faussement sévère.

Zena leva les yeux au ciel, un sourire en coin.

—Ah, vous voilà enfin ! Ça fait trente minutes qu’on vous attend pour manger. Elle posa une main sur son ventre en plaisantant. On va finir par mourir de faim !

Eamon esquissa un sourire avant de se tourner vers Koros. —Mon ami, sers-nous ton chef-d’œuvre culinaire. J’ai des choses importantes à vous dire.

Koros se leva avec une précision mécanique, prenant soin de distribuer les assiettes garnies de son émincé de Corena. L’odeur épicée et savoureuse du plat éveilla instantanément l’appétit de chacun, et les murmures d’admiration fusèrent alors que les membres de l’équipe prenaient leur première bouchée.

—Comme d’habitude, Koros, c’est un festin, déclara Kiran avec un sourire sincère, sa queue battant légèrement l’air.

Koros répondit d’un ton monotone mais non dénué d’une pointe de fierté :

—Merci. L’objectif était de maximiser votre satisfaction gustative tout en optimisant vos apports énergétiques pour demain.

Pendant que l’équipe savourait chaque bouchée, Eamon se racla la gorge pour attirer l’attention. Son regard balaya les visages autour de la table, chargé d’une intensité qui fit instantanément taire les discussions.

—Bien qu’il ne s’agisse que d’un simple fragment, je peux déjà vous dire que nous sommes face à une découverte potentiellement révolutionnaire. Mes analyses préliminaires, qui seront vérifiées et répétées par Koros, semblent indiquer que nous avons mis la main sur quelque chose de majeur !

Le Neurorien, bien qu’occupé à mâcher, s’arrêta net et prit la parole, visiblement interloqué par l’annonce du vieux docteur.

—Comment ça ?!

—Tu pourrais avoir un peu de tenue, quand même, chuchota Zena, un sourire amusé aux lèvres.

—Mmmh, c’est vrai, tu as raison. Mille merci au chef, le plat est délicieux ! s’exclama Kiran, finissant sa bouchée d’un air faussement repentant.

L’androïde émit un léger grésillement avant de répondre avec son ton pince-sans-rire habituel :

—Rien de difficile. Seulement l’application d’une équation de saveurs universelle, parfaitement adaptée aux êtres de chair et de sang.

—Trêve de bavardages, jeunes gens ! Je n’ai pas terminé ! reprit Voss avec une certaine autorité, recentrant l’attention sur lui. J’ai méthodiquement analysé cet artefact. L’une des choses les plus importantes était de déterminer à quelle période appartient cet objet : est-il du début ou de la fin de l’ère Esthérian ? Et c’est là que cela devient intéressant. La datation du fragment laisse supposer qu’il s’agit de l’un des artefacts les plus récents jamais découverts.

Un silence palpable s’installa, les membres de l’équipe suspendus aux paroles du docteur.

—Nous savons que les Esthérian’s sont apparus quelque part entre un million et 800 000 ans avant l’établissement du Consortium. Leur civilisation aurait disparu il y a environ 400 000 ans, voire 350 000 ans, dans des circonstances qui restent encore mystérieuses.

Eamon marqua une pause, laissant ses mots s’imprégner dans l’esprit de ses auditeurs avant de poursuivre.

—Mais ici, la date ne correspond pas… Nous sommes plutôt dans l’ordre de 330 000 ans. Soit 20 000 ans plus tard que ce que nous pensions. Si cela se confirme, ce serait une véritable révolution scientifique, et cela redéfinirait bien des choses.

Zena, Kiran et Adam échangèrent des regards incrédules, la stupéfaction se lisant sur leurs visages.

—De plus, les matériaux utilisés pour fabriquer cet objet sont différents de ceux que nous associons habituellement à la technologie Esthérian. Cela suggère une évolution ou une variation technologique à un stade avancé de leur civilisation.

Des murmures emplis d’étonnement parcoururent le groupe, chacun réalisant l’ampleur des implications. Voss, ajustant son monocle avec soin, conclut d’un ton vibrant de passion :

—Si mes analyses sont correctes, nous sommes à l’aube d’une grande découverte. Ce monde pourrait nous révéler comment les Esthérian’s ont disparu, et pourquoi ! Une chose est certaine : cette planète était probablement l’une de leurs dernières colonies.

Une flamme d’excitation brilla dans les yeux de Kiran. Il ne put retenir un large sourire et, emporté par l’enthousiasme, frappa la table de ses poings.

—Incroyable ! Ce monde n’est finalement pas qu’une simple boule de sable !

—Tout à fait , répondit Voss avec un air satisfait, ajustant une nouvelle fois son monocle. Si leur disparition est survenue plus tard que prévu, cela pourrait bouleverser l’histoire même du Bras d’Orion. Imaginez les implications scientifiques, les débats, les nouvelles théories que cela pourrait engendrer.

Koros, fidèle à son calme synthétique, observait la scène sans se laisser emporter par les spéculations. Pour lui, l’exploration et les découvertes n’étaient pas seulement des outils pour avancer, mais aussi des portails vers la compréhension plus profonde des époques révolues. Pourtant, ce soir, pour la première fois, ses calculateurs internes émirent une analyse inattendue. Bien que son corps ne soit composé que de matériaux synthétiques, il ressentit un léger grésillement inédit traverser ses circuits. Une sensation qu’il ne pouvait expliquer, mais qui éveillait en lui une curiosité presque… humaine.

Les trois jeunes, quant à eux, étaient en pleine effervescence, impatients de replonger dans les mystères d’Oberon V. Ils échangeaient des idées, des théories et des hypothèses sur ce qu’ils pourraient découvrir le lendemain. Leur enthousiasme était contagieux, et l’énergie autour du repas semblait presque tangible.

Kiran, rempli de rêves d’aventure, se tourna vers Adam avec un éclat dans les yeux.

—On va faire des découvertes incroyables, tu verras ! Nous ne sommes qu’au début de notre aventure ici, et ça s’annonce grandiose.

Adam, tout aussi enthousiaste, hocha la tête en souriant largement.

—Absolument. Et ce morceau de titanium qu’on a trouvé aujourd’hui… ce n’est que le début.

Au-dessus d’eux, la lumière douce des deux lunes dansait dans un ciel étoilé. Une brise légère et fraîche soufflait doucement, offrant un contraste bienvenu après la chaleur accablante de la journée. Elle caressait les visages fatigués mais rayonnants des membres de l’équipe, créant une atmosphère paisible et propice à la rêverie.

Vers 21h00, Eamon se leva, sa silhouette imposante projetant une ombre rassurante sur le sable. Il s’approcha du groupe, son visage éclairé d’un sourire serein et empreint de sagesse.

—Une grande journée de découvertes et de recherches nous attend demain, déclara-t-il d’une voix grave et posée. Je vous conseille de ne pas trop traîner autour du feu ce soir. Une bonne nuit de sommeil est le meilleur allié du chercheur. Nous reprendrons à l’aube. Sur ce, bonne nuit à tous, et malgré l’excitation de la découverte… essayez de dormir !

Les membres de l’équipe, respectant les paroles sages de leur mentor, se levèrent progressivement et se dirigèrent vers leurs tentes respectives. Leurs esprits étaient emplis d’espoir, tournés vers les secrets que leur réservait Oberon V. La nuit se déploya lentement, enveloppant le camp de base dans une couverture d’obscurité douce et apaisante, ponctuée par le scintillement des étoiles et la lumière froide des lunes.

Koros, en tant que vétéran de nombreuses expéditions, resta encore un moment assis près du feu. Les flammes dansantes projetaient des ombres hypnotiques sur son carénage métallique. Il réfléchissait à l’étrange sensation qu’il avait éprouvée plus tôt, une impression qui dépassait les données et les théories. C’était comme une intuition, une certitude que les événements prenaient une tournure particulière.

Après un long moment de réflexion silencieuse, il se leva et se dirigea vers la station d’accueil où il pourrait recharger ses batteries. Demain serait une autre journée cruciale, et il devait être prêt à affronter ce que le désert leur réservait.

Sous la lumière tamisée des étoiles, le camp s’endormit paisiblement. Chaque membre de l’équipe, confortablement installé dans sa tente, nourrissait l’espoir et l’enthousiasme pour ce qui les attendait. Le mystère d’Oberon V continuait de les appeler, une voix muette et insistante qui semblait émaner du sable ancien. Tous s’endormirent en rêvant que la lumière du jour révélerait enfin les réponses qu’ils cherchaient.

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