Pérégrinations d'Est en Ouest
Une lueur douce et dorée baignait le camp de base, alors que les premiers rayons du soleil traversaient les frondaisons. La rosée du matin perlait sur les tentes, tandis que les larges feuilles des arbres de ce monde étrange avaient capté l'eau de la nuit. Le léger clapotis de la petite rétention d'eau, accompagné par la brise venue du désert, rompait à peine le silence paisible. Une odeur d'humidité flottait dans l'air, apportant une fraîcheur surprenante à ce paysage désertique, paradoxalement empreint d'une beauté brute et indéniable.
Assis sur un rocher, Adam, déjà éveillé depuis un moment, bien avant le reste de l'équipe, contemplait cet univers inhospitalier, à la fois fascinant et inquiétant. Bientôt, ce lieu ne serait plus qu'une vaste étendue aride, asséchée, brûlée par l'implacable lumière de son étoile mère. La moindre trace d'eau disparaîtrait, tout comme cette fraîcheur éphémère. Perdu dans ses pensées, il se demandait ce que la journée leur réserverait. Le campement était prêt, et ils avaient trouvé la veille un fragment métallique intrigant. Était-ce l'indice qu'ils cherchaient ? Ou une simple fausse piste dans ce vaste désert stérile ?
La lumière de l'aube marquait aussi le réveil progressif du reste de l'équipe. Eamon fut le premier à émerger de sa tente, savourant quelques instants de solitude avant de s'assurer que tout le monde soit prêt. Koros, déjà affairé, préparait le repas du midi. Le petit-déjeuner était servi : des fruits exotiques venus des quatre coins du Consortium, des pâtisseries dorées à souhait, et quelques mets salés, suffisamment variés pour combler tous les appétits.
Eamon aperçut Adam, isolé, toujours absorbé par sa contemplation. Il s'approcha doucement pour ne pas brusquer ses pensées.
—Bien dormi ? demanda Eamon, brisant doucement le silence.
Adam, sans détourner le regard de l'horizon, répondit d'un ton distrait :
—Pas vraiment. Ça aurait pu être mieux.
Eamon hocha la tête, compréhensif.
—La première nuit sur un nouveau monde, c'est rarement reposant. L'inconnu pèse, et l'attente d'une découverte importante rend l'esprit agité. Tu n'es pas le premier à mal dormir, surtout dans ces conditions.
Adam resta pensif un instant avant de murmurer :
—Ce n'est pas juste une question de sommeil. Depuis qu'on a trouvé ce fragment, j'ai une drôle de sensation... comme si quelque chose nous échappait.
Eamon laissa échapper un rire chaleureux.
—Cette sensation, tu sais... je l'ai ressentie mille fois. Et à chaque fois, elle précède une grande découverte. C'est peut-être ton instinct qui essaie de te dire quelque chose. Tu devrais t'y fier.
Adam haussa légèrement les épaules, visiblement sceptique.
—Peut-être. Mais qui sait ? On verra bien ce que la journée nous réserve.
Eamon posa une main réconfortante sur son épaule.
—En attendant, viens manger. Un bon repas, ça aide toujours à y voir plus clair. Regarde là-bas, les autres ont déjà commencé. Si tu ne te dépêches pas, il n'y aura plus rien pour toi, et je doute que Koros prépare des secondes parts.
Un léger sourire effleura les lèvres d'Adam. L'enthousiasme d'Eamon, bien que parfois excessif, avait le don de ramener un semblant de légèreté.
—Très bien, j'arrive. Mais ne comptez pas sur moi pour faire la vaisselle.
Eamon éclata de rire.
—Alors ça, c'est une promesse que je ne peux te garantir !
Les deux hommes se dirigèrent vers le campement, tandis que le soleil montait peu à peu dans le ciel, enveloppant le paysage d'une chaleur naissante. Une journée chargée les attendait, et au fond d'eux, tous savaient que ce monde avait encore bien des secrets à dévoiler.
Quelques minutes plus tard, après un repas copieux, le plan de la journée fut établi. Comme la veille, ils se répartiraient en deux équipes de deux : Kiran et Zena exploreraient la zone située à l'est de l'artefact, tandis qu'Adam et Eamon partiraient à l'ouest pour poursuivre leur investigation. Koros, de son côté, resterait au camp pour approfondir l'étude de l'artefact trouvé. Il devait l'analyser minutieusement, comparer les données collectées et tenter de le situer chronologiquement afin de confirmer ou d'infirmer les hypothèses avancées par Eamon.
Le soleil s'élevait lentement dans le ciel, éclaboussant l'horizon de teintes dorées et rosées, annonçant le début d'une nouvelle journée. Les aiguilles des montres affichaient huit heures, marquant le départ des deux équipes de recherche. D'un simple geste de la main, les duos se saluèrent avant de se séparer, chacun équipé d'un intercom pour rester en contact en cas de découverte importante ou de danger imminent.
Kiran et Zena, suivant scrupuleusement les instructions, marchèrent en silence pendant près d'une heure. Le paysage changea progressivement : les dunes dorées du désert cédèrent la place à une vaste étendue de terre rougeâtre et désolée. Ici, le sol, dur et fissuré comme de la poterie brisée, portait les cicatrices de la chaleur implacable du soleil. Chaque pas soulevait un nuage de poussière sèche, et l'air semblait vibrer sous l'effet de la chaleur écrasante. Ce paysage aride et hostile n'était pas seulement un lieu d'étude, mais un témoignage silencieux du sort funeste qui attendait ce monde : un lent basculement vers une désolation totale.
Zena rompit le silence la première, portant sa gourde à ses lèvres pour une gorgée bien méritée.
—Nous y voilà, Kiran. C'est bien ici, la zone désignée par Eamon. Sa voix, légèrement rauque, trahissait déjà les effets de la chaleur.
Kiran observa les alentours, plissant les yeux pour percer le voile tremblotant de l'air brûlant.
—Eh bien, c'est... grillé, par ici. J'espère qu'on ne finira pas flétris comme ce sol ! lança-t-il avec un rire léger, essayant d'alléger l'atmosphère pesante.
Zena haussa un sourcil, un sourire mi-amusé, mi-agacé au coin des lèvres.
—Très drôle. Mais plaisante pas trop : la température est bien plus élevée ici qu'à notre point de départ. Ce ne sera pas une promenade de santé. Elle revissa soigneusement le bouchon de sa gourde, soucieuse de ne pas gaspiller une seule goutte de cette ressource précieuse dans un environnement aussi hostile.
Kiran, pragmatique comme à son habitude, se mit aussitôt en mouvement. Il déposa son sac au sol et en sortit divers instruments : une grille d'analyse, des capteurs portatifs et un carnet électronique.
—Dans ce cas, au travail. Quadrillons la zone et identifions les affleurements géologiques les plus prometteurs. On a plusieurs jours pour tout examiner, alors autant s'y mettre tout de suite.
Son enthousiasme professionnel semblait inébranlable, même sous cette chaleur suffocante. Zena le regarda un instant, impressionnée malgré elle par son énergie. Elle inspira profondément, puis hocha la tête avant de l'accompagner dans ses préparatifs. La journée ne faisait que commencer, et il leur faudrait puiser dans toutes leurs ressources, tant physiques que mentales, pour mener à bien leur mission.
À l'ouest, Adam et Eamon se tenaient face à une immense cuvette asséchée, dont la blancheur calcaire immaculée était entrecoupée de touches grisâtres. Cet ancien bassin, plat comme une table, formait un contraste saisissant avec les dunes dorées du désert environnant. Le vent, chaud et puissant, hurlait à travers la plaine, fouettant leurs visages malgré leurs cache-cols serrés et les lunettes de soleil qui protégeaient leurs yeux du sable tourbillonnant.
Eamon, le vieux scientifique azarien, haussa la voix pour percer le vacarme assourdissant du vent.
—Cet endroit est bien plus hostile que je ne l'aurais imaginé ! lança-t-il en scrutant l'étendue désolée. On ne trouvera certainement rien d'utile ici !
À ses côtés, Adam s'efforça de maintenir son équilibre contre les rafales tout en observant le paysage. Il cria pour se faire entendre :
—C'était un lac autrefois ? Ou une mer peut-être ?
Eamon hocha la tête, plissant les yeux derrière ses lunettes teintées.
—Oui, sans aucun doute ! Mais à moins de chercher des fossiles de poissons, il n'y aura rien d'Esthérian là-dedans !
Adam, le visage à moitié dissimulé par son foulard, jeta un regard à l'immensité blanche et hostile. Ses paroles se perdaient presque dans le sifflement incessant du vent.
—Quoi qu'il en soit, on ne tiendra pas longtemps sous ces rafales... Même nos équipements ne suffiraient pas à endurer ça.
Eamon acquiesça, visiblement contrarié par les conditions imprévisibles de la zone. Il balaya les environs du regard, cherchant une solution. Enfin, il désigna du doigt une formation rocheuse érodée qui se dressait non loin, à la périphérie de la cuvette.
—Restons sur les pourtours de cette étendue calcaire ! Derrière les affleurements, on sera à l'abri du vent !
D'un geste rapide, il fit signe à Adam de le suivre, avançant déjà vers les affleurements. Les pierres, lissées par des millénaires d'érosion, formaient une barrière naturelle contre les bourrasques. Les deux hommes progressèrent prudemment, leurs pas crissant sur le sol craquelé, tandis que les rafales diminuaient peu à peu à mesure qu'ils se rapprochaient de leur abri improvisé.
Le silence relatif qui régnait derrière les formations rocheuses était un soulagement bienvenu. Adam retira légèrement son foulard pour respirer plus librement, observant Eamon préparer leurs outils. Ce dernier, stoïque malgré les conditions extrêmes, semblait déjà concentré sur leur tâche.
—Ici, on peut travailler. déclara-t-il simplement, ses mots lourds de pragmatisme.
Adam hocha la tête, prêt à se lancer dans l'exploration méthodique de cette étendue minérale.
Le brave archéologue ajusta son monocle, le retira délicatement et entreprit de le nettoyer avec soin, éliminant les grains de sable qui obstruaient sa vision. Une fois satisfait, il le remit en place, ses yeux plissés trahissant une concentration intense. S'agenouillant sur le sol, il utilisa son index pour tracer un schéma improvisé dans la poussière, les lignes droites et les cercles témoignant de son esprit méthodique.
—Bon, récapitulons, commença-t-il d'un ton posé, mais autoritaire, attirant l'attention d'Adam, qui l'écoutait avec un respect évident. Le camp est ici, dit-il en traçant un point central dans son croquis, et l'artefact a été découvert ici, près de cette falaise. Il marqua un autre point, entouré d'un cercle.
Le jeune homme hocha la tête, absorbant chaque mot. Le professeur continua, son ton prenant une nuance d'excitation studieuse :
—Nous avons ensuite continué vers l'Ouest, ce qui nous a menés à cette immense cuvette, un ancien lac asséché. Une preuve indéniable que ce monde fut autrefois hospitalier. Il leva les yeux vers Adam, cherchant à s'assurer qu'il suivait toujours. Maintenant, partons du principe que les Esthérian's étaient une civilisation classique, avec une logique d'implantation similaire à ce que nous connaissons. Dans ce cas, nous aurions de fortes chances de trouver des vestiges sur les pourtours de ce lac, là où l'eau aurait jadis favorisé la vie.
Adam se pencha légèrement pour mieux observer le dessin, ses sourcils froncés sous l'effort intellectuel.
—Donc, si je comprends bien, vous pensez qu'ils auraient construit leurs habitations ou structures autour des rives, comme le font nos civilisations près des fleuves et des lacs ? demanda-t-il, cherchant à clarifier.
Le professeur acquiesça avec un sourire fugace, satisfait de la perspicacité de son élève.
—Exactement. Une source d'eau, des terres fertiles... tout ce qu'il faut pour soutenir une civilisation. Même dans un monde aussi aride aujourd'hui, on peut supposer que ces rives étaient autrefois vivantes. Allez mettons nous en oeuvres, les trésors de ce monde nous attendent !
Les terres arides et rougeâtres se transformaient, heure après heure, en une véritable fournaise. Le soleil, implacable, frappait sans répit, et l'air semblait vibrer sous la chaleur étouffante. Chaque souffle était une lutte, chaque mouvement, un effort calculé. Zena et Kiran avaient enfin terminé le quadrillage de la zone, leurs vêtements marqués par la poussière et la sueur, et avaient repéré deux affleurements qui semblaient mériter une attention particulière.
Zena, épuisée mais déterminée, se redressa lentement, frottant ses mains pour en évacuer la fine couche de terre qui s'y était incrustée. Son regard se posa sur l'un des affleurements, une formation rocheuse craquelée et usée par le temps.
—Peut-être qu'ici, nous aurons un peu de chance, souffla-t-elle, sa voix presque emportée par la chaleur accablante.
Kiran, accroupi non loin, consultait leur réserve d'eau, la main posée sur la gourde à moitié vide. Il releva la tête, son expression grave contrastant avec son habituel optimisme.
—Espérons, oui... Mais vu la température, on ne pourra pas fouiller très longtemps aujourd'hui. Il secoua la tête, son ton empreint d'une pointe d'inquiétude. Environ une heure, maximum, avant qu'on ne doive retourner au camp. À 14h30, on plie bagage. Ce n'est pas l'idéal, mais nos organismes ne tiendront pas plus.
Zena acquiesça, comprenant parfaitement la limite imposée par leur environnement. Elle passa la main sur son front, balayant les gouttes de sueur qui glissaient déjà le long de ses tempes, et observa brièvement leur environnement. L'air brûlant semblait flouter les contours des affleurements, et le sol, dur comme de la pierre cuite, irradiait une chaleur insupportable.
—D'accord, alors pas de temps à perdre. Elle se pencha pour récupérer son outil multifonction, ses gestes empreints d'une certaine urgence. On se concentre sur l'affleurement le plus prometteur. Si on ne trouve rien, on reviendra demain.
Kiran approuva d'un hochement de tête, serrant les sangles de son sac pour s'assurer qu'il avait tout le nécessaire. Les deux explorateurs se mirent en route vers la première formation rocheuse, leurs silhouettes floues dans la chaleur montante.
Le murmure étouffé du vent, canalisé par les formations calcaires, accompagnait les recherches silencieuses des deux hommes. Chaque geste était empreint de minutie, chaque regard scrutait les pierres et les fissures, à la recherche d'un indice qui pourrait enfin éclairer leur quête. Le poids de l'incertitude semblait planer sur leurs épaules, mais ils persistaient, obstinés.
—Docteur, je me demandais... murmura Adam, sa voix hésitante rompant le calme relatif.
Eamon releva la tête, interrompant son examen d'une pierre striée de motifs naturels.
—Oui ? répondit-il, curieux de ce qui préoccupait son jeune collègue.
Adam hésita un instant, puis se lança :
—Comment avez-vous réellement su pour Oberon ? Je veux dire, rien ici ne laisse penser, à première vue, que cette planète ait un lien quelconque avec les Esthérian's.
Eamon esquissa un sourire discret, mélange d'amusement et de fierté intellectuelle. Il reposa doucement la pierre qu'il tenait et croisa les bras.
—Les indices proviennent des études menées sur la bibliothèque de Mars. Dans ses textes les plus anciens, on trouve des références à un lieu situé quelque part entre Hedora et Neuror. Bien sûr, ces termes n'existaient pas à l'époque, mais les coordonnées spatiales, bien que transformées par le temps et l'expansion de l'univers, correspondaient.
Il marqua une pause, ses yeux se perdant dans le vide, comme s'il revoyait mentalement les calculs.
—C'est grâce aux brillantes déductions de Koros que nous avons pu déchiffrer cette énigme. Ses calculs ont permis de traduire ces données antiques en points de repère modernes.
Adam hocha lentement la tête, impressionné, mais il sembla encore préoccupé.
—Je vois... Mais il y a quelque chose de plus, non ?
Eamon plissa légèrement les yeux, son expression trahissant une pointe de surprise devant l'insistance du jeune homme.
—En effet, admit-il avec un soupir. Nous n'aurions jamais trouvé le lieu exact sans l'aide d'un contrebandier nommé Tcherk-To. C'est un androïd de combat, mais il a la particularité de collecter et revendre un grand nombre de données, parfois très rares. Il possédait des archives perdues qui ont confirmé nos soupçons et affiné notre destination.
Adam fronça les sourcils, un doute naissant dans son esprit.
—Attendez... Vous voulez dire que nous n'avons aucune véritable autorisation d'être ici ?
Eamon s'arrêta net, un silence pesant s'installant entre eux. Le vent semblait s'intensifier, comme pour amplifier la gravité de l'instant. Finalement, il répondit, d'une voix plus basse et plus grave :
—En effet... Tu es perspicace, mon jeune ami. C'est l'un de tes nombreux talents. Il marqua une pause, cherchant ses mots avec soin. Comme tu le sais, l'étude des Esthérian's est strictement encadrée, pour ne pas dire interdite. En réalité, l'archéologie dans son ensemble est considérée comme une activité proscrite. Tel est le chemin imposé par le Consortium.
Il scruta Adam, cherchant à évaluer sa réaction, avant de continuer avec un ton plus résolu :
—Cependant, d'innombrables informations peuvent être obtenues par des voies détournées. Nous ne sommes pas ici pour des gains personnels ou par malveillance. Nous sommes ici pour la science, pour la connaissance. Mais cela signifie effectivement que notre présence doit rester discrète. Et surtout brève. Nous avons, tout au plus, quelques semaines avant que le Consortium ne commence à poser des questions.

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