Les silhouettes du doute

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Un silence s'abattit sur le groupe, chacun digérant à sa manière les images qu'il venait de voir. La fresque ne s'était pas seulement contentée de raconter une histoire. Elle avait laissé une empreinte, une impression indélébile dans l'esprit de chacun, un mélange de fascination et de terreur.

Zena, la voix tremblante, rompit enfin le silence :

—Ces... créatures... Qu'est-ce que c'était ? Est-ce qu'elles... étaient réelles ?

Eamon, lui, restait figé, les sourcils froncés, son regard plongé dans un vide lointain. Il frotta son menton d'un geste nerveux, comme pour canaliser l'effervescence de ses pensées.

—Réelles ou non... ces images racontent une chute. La chute d'un empire qui semblait invincible. Mais qui... ou quoi a pu causer cela ?

Kiran, secouant la tête, murmura, la voix tremblante d'émotion :

—Peut-être qu'ils savaient que ça allait arriver. Peut-être que cette fresque est un avertissement... Une mémoire laissée pour ceux qui viendraient après eux. Pour nous.

Adam, resté silencieux jusque-là, observa à nouveau les fresques éteintes, l'air grave.

—Si c'est un avertissement... qu'est-ce que ça veut dire pour nous ? murmura-t-il.

Eamon, toujours pensif, posa une main rassurante sur l'épaule d'Adam.

—Cela veut dire que nous devons aller plus loin. Trouver des réponses. Ce que nous venons de voir n'est que le début... Je le sens.

—Mais... ça n'a aucun sens, non ? Lança Zena, brisant le silence lourd qui pesait sur le groupe. Son regard oscillait entre la fresque holographique désormais éteinte et le visage du vieux docteur. Eamon, qui aurait voulu s'en prendre aux Esthérian's ? Qui aurait voulu attaquer une civilisation qui semble avoir été la plus avancée de toutes ? Sa voix trahissait un mélange de perplexité et de frustration, comme si les images qu'elle venait de voir refusaient de se conformer à sa logique.

Eamon resta immobile un instant, absorbé dans ses pensées. Lentement, il retira son monocle, qu'il nettoya méthodiquement avec un tissu, un geste presque rituel qui reflétait son besoin de se recentrer. Puis, après un profond soupir, il répondit à la jeune Daranienne.

—C'est une excellente question, Zena. Une réflexion pertinente, même. Mais, pour être honnête, je n'ai pas encore de réponse. Il replaça son monocle avec précision, avant de jeter un coup d'œil à la fresque, dont les gravures semblaient maintenant bien plus sinistres sous la lumière tamisée de la salle.

—Peut-être que ce lieu, et les découvertes qu'il nous réserve encore, nous apporteront les clés nécessaires. Après tout, nous ignorons pourquoi les Esthérian's ont disparu. Mais maintenant... un indice se dessine devant nos yeux.

Il s'arrêta un instant, scrutant les visages attentifs de son équipe.

—Une division interne, peut-être. Une scission religieuse, politique ou idéologique qui aurait dégénéré en guerre civile. C'est arrivé à tant de civilisations dans l'histoire... Une crise des ressources pourrait aussi expliquer cette destruction. Ces cataclysmes sont souvent la cause de l'effondrement des grandes sociétés.

Kiran, les mains sur les hanches et la queue féline battant doucement l'air, prit la parole à son tour.

—Ou peut-être une alliance de plusieurs civilisations. Imaginez : des empires unissant leurs forces contre les Esthérian's, motivés par l'envie de contrôler le Bras d'Orion. Ce serait logique, non ? Une menace commune, une coalition pour renverser ceux qui dominaient tout. Son ton était pragmatique, mais il laissait entrevoir une fascination pour l'idée de telles manœuvres intergalactiques.

Eamon hocha lentement la tête, considérant cette hypothèse.

—Possible... Très possible. Cela correspondrait à certaines dynamiques historiques que nous avons observées ailleurs.

Mais avant qu'il ne puisse approfondir davantage, Adam, jusque-là silencieux, s'éloigna légèrement de la fresque et s'exprima, d'une voix calme mais teintée de conviction :

—Je doute de vos hypothèses.

Eamon et Kiran se retournèrent brusquement vers lui, intrigués.

—Pourquoi dis-tu cela, Adam ? demanda le docteur, les sourcils légèrement froncés, signe de sa curiosité grandissante. Qu'est-ce qui te fait penser que nos théories pourraient ne pas tenir la route ?

Adam inspira profondément, cherchant à articuler clairement ses pensées. Il posa une main sur la fresque, dont les détails holographiques s'étaient effacés pour redevenir de simples gravures érodées.

—Ce sont les silhouettes. Regardez-les bien. Elles ne ressemblent en rien aux Esthérian's, même dans leur représentation la plus abstraite. Elles sont... différentes. Sinistres. Oppressantes.

Le jeune homme pointa du doigt une section des gravures où ces silhouettes, vaguement humanoïdes, semblaient se fondre dans les ténèbres de la fresque. Leurs contours étaient flous, leurs proportions légèrement déformées, et elles dégageaient une aura indéniablement inquiétante.

— Ces figures ne représentent pas un peuple ordinaire. Ce ne sont pas des alliés, ni des rivaux classiques. Il y a... quelque chose d'autre, quelque chose de profondément dérangeant dans leur apparence.

Zena, intriguée, s'approcha pour examiner de plus près les gravures. Elle plissa les yeux, comme pour mieux distinguer les détails.

—Il a raison, Docteur. Regardez ces formes... Elles sont vaguement humanoïdes, mais leurs proportions sont... anormales. Sa voix était légèrement tremblante, comme si une partie d'elle-même redoutait ce qu'elle observait.

— Et puis... il y a leurs yeux. Même dans ces gravures usées, on sent leur intensité. C'est comme si... Elle hésita, cherchant ses mots. Comme si ces silhouettes nous fixaient, même à travers le temps.

Kiran, toujours sceptique, s'approcha à son tour. Il observa les figures avec attention, ses oreilles félines frémissant légèrement.

—D'accord... Je vois ce que vous voulez dire. Mais qu'est-ce que ça prouve ? Ce pourrait être une simple interprétation artistique. Peut-être qu'ils voulaient représenter leurs ennemis comme des monstres, pour symboliser leur cruauté.

Adam secoua la tête, son expression grave.

—Non... Ce n'est pas ça. Ces silhouettes ne sont pas des créations symboliques. Elles ont existé pour les Esthérian's. Elles dégagent une présence dangereuse, comme de la peur, vous ne ressentez pas ce sentiment de malaise en les observants ?

Eamon, qui jusque-là était resté silencieux, analysant les arguments de chacun, posa une main sur le menton, son expression empreinte de réflexion.

—Un malaise... C'est intéressant, Adam. Si ce que tu dis est vrai... alors cela change notre perspective sur cette fresque. Il marqua une pause, ses yeux fixant intensément les gravures. Ces figures pourraient ne pas représenter des adversaires politiques ou idéologiques. Elles pourraient être... autre chose. Quelque chose que nous ne comprenons pas encore. Une menace inconnue, ancienne et alien.

Le silence retomba dans la salle, lourd de mystère. Chacun restait plongé dans ses pensées, absorbé par les implications de cette découverte.

Zena reprit finalement la parole, brisant la tension.

—Si ces silhouettes représentent vraiment quelque chose... ou quelqu'un d'aussi dangereux que ce que suggère Adam... alors cela expliquerait pourquoi les Esthérian's, malgré leur puissance, ont disparu.

Kiran, les yeux toujours rivés sur les silhouettes inquiétantes, murmura d'un ton presque inaudible, comme s'il redoutait que ses paroles attirent l'attention de ces figures sombres :

—Si c'est une espèce d'aliens belliqueux... j'espère qu'ils ont disparu depuis longtemps.

Ces mots, bien que prononcés avec prudence, résonnèrent dans la salle comme une vérité insidieuse, réveillant un frisson collectif qui parcourut l'échine de chaque membre de l'expédition. Et si ? Cette question, simple mais terrifiante, s'imposa à chacun d'eux, écho silencieux de leur propre peur.

Adam acquiesça lentement, cherchant à reprendre contenance, mais son regard restait accroché aux silhouettes gravées sur la fresque. L'air semblait plus lourd, oppressant, comme si le poids de leur découverte pesait sur leurs épaules. Il inspira profondément avant de parler, sa voix légèrement tremblante :

—L'idée qu'une espèce aussi terrifiante puisse encore rôder quelque part dans l'univers... c'est loin d'être rassurant. Mais si cette fresque raconte vraiment leur histoire, alors il y a de fortes chances qu'ils aient disparu, non ? Ça fait... des centaines de milliers d'années, n'est-ce pas, Doc ?

Eamon, qui jusque-là fixait la fresque en silence, secoua doucement la tête, les sourcils froncés dans une expression de réflexion intense. Il leva une main pour ajuster son monocle, un geste automatique lorsqu'il était plongé dans ses pensées. Sa voix, lorsqu'il répondit, était calme, mais teintée d'une légère hésitation :

—À vrai dire, c'est impossible à confirmer. Mais... logiquement, oui, ce serait la probabilité la plus plausible. Une civilisation aussi vieille... si elle existait encore, nous en aurions des preuves, des traces tangibles. Il marqua une pause, laissant ses mots flotter dans l'air. Ce danger est très certainement du passé.

Il se tourna alors vers le reste du groupe, cherchant à capter leur attention et à dissiper, autant que possible, l'inquiétude qui s'était emparée d'eux. Mais son propre regard, malgré sa tentative de fermeté, trahissait une légère lueur de doute.

—Continuons, conclut-il finalement, son ton plus déterminé, comme s'il cherchait à imposer une action face à l'incertitude. Si cette fresque contient une histoire, il y aura peut-être d'autres éléments plus loin, des réponses... quelque chose qui éclairera ce mystère.

Zena hocha lentement la tête, bien qu'une ombre de malaise persistât dans son expression. Elle glissa un regard rapide vers Adam, qui semblait partager son trouble, puis vers Kiran, dont la queue féline bougeait nerveusement, trahissant son inconfort.

—Vous avez raison, murmura Zena, presque pour elle-même, comme pour se convaincre. Ce n'est peut-être rien de plus qu'une histoire ancienne. Un avertissement du passé.

Kiran, cependant, semblait moins apaisé. Il fixa les gravures une dernière fois, les yeux plissés, comme s'il espérait percer leur mystère à force de concentration. Puis il lâcha dans un souffle, presque inaudible :

—Si c'est un avertissement... j'espère qu'on n'est pas les premiers à le voir depuis tout ce temps.

Ces paroles laissèrent un silence pesant dans la pièce. Chacun, sans oser le dire à voix haute, ressentait le même mélange d'inquiétude. L'obscurité de l'antre, semblait s'étendre autour d'eux, comme une présence invisible mais oppressante.

Eamon, rompant cette pause oppressante, fit signe au groupe d'avancer. Il tenta de masquer son propre trouble par un sourire rassurant, mais sa voix trahissait une pointe d'anxiété mal contenue :

—Allons-y. Chaque pas que nous faisons ici nous rapproche des réponses que nous cherchons.

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