Le fauteuil du destin
De retour dans la salle principale, Eamon se redressa, cherchant du regard ses compagnons. Une nervosité inhabituelle se lisait sur son visage.
—Ce n'est pas bon, murmura-t-il en observant les consoles. J'espère qu'ils n'ont touché à rien...
Sa voix s'éleva, résonnant dans les couloirs métalliques du complexe :
— Où êtes-vous ? Revenez immédiatement !
Le cri d'Eamon atteignit le trio, résonnant comme une alarme. Kiran, instinctivement sur le qui-vive, se leva d'un bond.
— Je crois qu'on ferait mieux d'y aller, déclara-t-il d'un ton plus sérieux.
En revenant auprès d'Eamon, ils furent accueillis par un spectacle inattendu : la colonne centrale, auparavant immobile, était maintenant entourée d'une épaisse brume. Une vapeur étrange s'échappait de ses joints, s'enroulant autour des câbles comme un voile spectral.
— Vous n'avez rien touché ? Demanda Eamon, son ton chargé d'anxiété.
— Si s'asseoir sur un fauteuil compte comme ne rien faire, alors non, on n'a rien touché, répondit Kiran, un sourire forcé sur les lèvres.
Eamon ne partagea pas l'humour. Son expression devint grave.
—Très drôle... Mais j'ai découvert quelque chose d'important.
Zena sentit un frisson d'appréhension lui parcourir l'échine.
— Et alors ? Demanda-t-elle, incapable de dissimuler son malaise croissant.
— Cet endroit... commença Eamon, choisissant ses mots avec soin. Les inscriptions mentionnent un laboratoire de recherche. Les Esthérian's l'appelaient le "Temple".
Kiran, intrigué, croisa les bras.
— Et ils y faisaient quoi, exactement ?
— C'est là que ça se complique, répondit Eamon. Je n'ai pu déchiffrer qu'une partie des textes. Ils parlent d'études sur le corps, l'ADN... des expérimentations avancées. Mais le reste reste un mystère.
Pendant qu'Eamon poursuivait ses explications, Adam restait en retrait, ses pensées consumées par le fauteuil. Cette obsession grandissante effaçait peu à peu la présence de ses compagnons. Comme poussé par une force invisible, il quitta la salle sans un mot, retournant vers la porte close.
Cette fois, il savait que quelque chose allait se passer. D'un geste déterminé, il posa sa main sur la surface froide de la porte. Une vibration subtile parcourut son bras, suivie d'un claquement sourd qui résonna à travers tout le complexe.
Eamon interrompit ses paroles, alerté par le bruit.
— Où est Adam ?! S'exclama-t-il, réalisant qu'il n'était plus là.
Kiran et Zena, eux aussi paniqués, se mirent à le chercher.
Pendant ce temps, Adam franchit la porte qui s'ouvrait lentement, dévoilant une obscurité encore plus dense que tout ce qu'il avait vu jusqu'ici. L'appel qu'il ressentait était plus fort que jamais. Ignorant la prudence, il entra dans la pièce, prêt à découvrir ce qu'elle renfermait. Une étrange tension envahit l'air, mais rien ne se produisit. La salle centrale restait inerte, silencieuse, presque morte. Les câbles dispersés au sol demeuraient immobiles, et le fauteuil trônant au centre ne montrait aucun signe d'activité. L'espace, dépouillé de toute décoration ou équipement visible, baignait dans une atmosphère pesante, amplifiée par le calme inquiétant qui l'imprégnait.
Adam avança lentement, ses pas résonnant sur le sol froid et lisse. Chaque mouvement était accompagné d'une montée de nervosité qu'il peinait à contenir. Il contourna le fauteuil, détaillant sa forme singulière. Ses lignes sculptées semblaient parfaitement adaptées à un corps humanoïde, et son matériau lisse et froid dégageait une aura presque organique. Lorsqu'il passa une main hésitante sur le dossier, il ressentit une étrange familiarité, comme si cet objet lui était destiné depuis toujours.
Pendant ce temps, le reste du groupe remarqua enfin que la porte menant à la pièce centrale s'était ouverte. Kiran fut le premier à comprendre qu'Adam avait franchi le seuil interdit. Son visage se tordit d'inquiétude. Sans réfléchir, il se précipita dans la salle, suivi de près par Zena, dont l'anxiété augmentait à chaque pas. Eamon, ralenti par son âge, traînait derrière, un mélange de peur et de frustration peint sur son visage.
En pénétrant dans la pièce, Kiran vit immédiatement Adam, assis sur le fauteuil. L'apparente immobilité de la scène ne fit qu'accroître son sentiment d'urgence. Il se précipita vers lui, criant avec désespoir :
— Adam, qu'est-ce que tu fous ?! Lève-toi de là, maintenant ! C'est dangereux !
Adam ne répondit pas. Il semblait perdu, figé dans un état de torpeur, comme hypnotisé par une force invisible.
Zena entra à son tour et s'arrêta net, son regard fixé sur Adam. Ce qu'elle ressentit à cet instant ne relevait plus de l'angoisse, mais d'une peur viscérale, presque animale. Le silence de la pièce et l'immobilité inquiétante de son ami amplifiaient une tension déjà insupportable.
— Reste là, Zena. Je vais le sortir de là moi-même, lança Kiran, résolu, bien qu'une pointe de panique teinta sa voix.
Il s'approcha prudemment d'Adam, ses sens en alerte, comme s'il s'attendait à ce que la pièce réagisse soudainement. Arrivé près du fauteuil, il posa fermement ses mains sur les épaules d'Adam, le secouant avec force. — Debout, merde ! Allez, lève-toi de ce putain de fauteuil ! Hurla-t-il, la voix tremblante.
Alors qu'il tirait désespérément sur Adam, un projecteur s'alluma brusquement au plafond. Une lumière aveuglante inonda la pièce, enveloppant le fauteuil dans un éclat presque divin. Le silence fut brisé par un bourdonnement sourd et intense, suivi de crépitements électriques. Un son aigu, oscillant comme un arc de plasma, emplit l'air, résonnant jusqu'au cœur des os. Les câbles dispersés au sol commencèrent à s'illuminer, pulsant avec une énergie croissante.
Kiran sentit une montée d'adrénaline lui vriller le corps. L'atmosphère devenait oppressante, presque suffocante. Une vibration palpable envahissait la pièce, rendant chaque mouvement plus difficile.
— Adam, bouge, bon sang ! Vite ! Cria-t-il en continuant de tirer sur son ami, désespéré.
Mais Adam restait figé, ses yeux grands ouverts, fixant le vide. Il semblait totalement absent, comme pris au piège d'une conscience étrangère.
Le bourdonnement s'intensifia, devenant presque insupportable. Les câbles, maintenant chargés d'énergie, illuminaient la pièce d'une lumière pulsante. L'atmosphère semblait sur le point d'imploser. Kiran tira une dernière fois de toutes ses forces, espérant arracher Adam à l'emprise du fauteuil.
Puis, ce fut trop tard.
Les attaches surgirent soudainement du fauteuil, agrippant les bras, les jambes et le cou d'Adam avec une précision mécanique. Le siège bascula en arrière, projetant Kiran au sol. Ce dernier roula sur le côté, sonné par l'impact, mais il se redressa rapidement, son regard horrifié fixé sur la scène qui se déroulait sous ses yeux.
Eamon, qui venait d'entrer, comprit immédiatement que le mécanisme du fauteuil s'était activé.
— Sortez d'ici, maintenant ! Ordonna-t-il d'une voix grave et autoritaire.
Kiran, bien que réticent, obéit à contrecœur, entraînant Zena hors de la pièce. Ils franchirent le seuil juste à temps avant que la porte ne se referme brusquement dans un fracas métallique.
Adam était désormais seul. Enfermé.
Attaché au fauteuil, il luttait avec une violence désespérée contre les lanières qui le maintenaient fermement. Mais rien ne cédait. L'énergie accumulée dans les câbles faisait vibrer l'air autour de lui, et la lumière du projecteur semblait peser sur sa poitrine.
Une panique glaciale s'empara de lui. Les souvenirs des avertissements d'Eamon résonnaient dans sa tête. Pourquoi s'était-il assis sur ce maudit fauteuil ? Pourquoi avait-il ignoré les règles ? Chaque seconde amplifiait son angoisse. Il sentait que son destin lui échappait, que ce lieu, bien qu'endormi depuis des siècles, avait attendu précisément ce moment.
Le bourdonnement devint si intense qu'il en faisait trembler le sol. Les câbles se tordirent et s'enroulèrent légèrement, comme des serpents vivants. Les lumières vacillèrent un instant, puis tout sembla se figer.
Un silence écrasant s'installa, lourd et oppressant.
Adam, le souffle court, fixa le vide devant lui, incapable de prédire ce qui allait se produire.
— Qu'est-ce que j'ai fait... Murmura Adam, le regard brillant d'une lueur de désespoir. La respiration hachée, et son esprit tourbillonnait de pensées contradictoires. Il se sentait condamné. Dans un ultime élan d'humanité, il pensa à ses compagnons, imaginant leurs visages déformés par l'inquiétude de l'autre côté de la porte scellée. Ils devaient être impuissants, démunis, face à cette situation désespérée. Il ferma les yeux, tentant d'accepter ce qui allait advenir. À cet instant, il savait : aucun retour en arrière n'était possible. Son destin était scellé.
Dans la salle des consoles, Eamon fouillait frénétiquement les données holographiques. Il cherchait une solution, n'importe quoi. Peut-être existait-il un moyen de stopper le mécanisme, une fonction d'urgence, un interrupteur oublié ? Mais comment le trouver en quelques minutes, alors qu'il n'avait pas réussi à déchiffrer le système après des heures de travail minutieux ? La frustration bouillonnait en lui, tandis qu'il retournait chaque hypothèse dans son esprit.
De leur côté, Zena et Kiran s'étaient précipités vers la salle d'observation. À travers la grande vitre, ils pouvaient voir ce qui se passait, ce que cet endroit était réellement conçu pour : observer. Lorsque leurs regards tombèrent sur la scène à travers la vitre, un frisson glacial leur parcourut l'échine. Zena murmura d'une voix tremblante, les yeux écarquillés d'horreur :
—Mon dieu... cette pièce... c'est une salle d'expérimentation. Ses mains tremblaient alors qu'elle comprenait l'utilité morbide de cette installation.
Kiran, envahi par une rage désespérée, saisit sa pelle de fouille. Il frappa violemment contre la vitre, puis, dans un accès de colère, la jeta dessus. Les coups résonnaient lourdement, mais la vitre ne montrait aucune faiblesse. Il continua à marteler la paroi de ses poings, ses cris emplissant l'espace.
— Si je brise cette vitre, peut-être que ça activera un putain de système de sécurité ! Hurla-t-il, frappant jusqu'à ce que ses poings saignent légèrement.
Eamon les rejoignit en courant, le souffle court, ses pensées s'entrechoquant dans sa tête. Il observa la scène avec un mélange d'horreur et de frustration, conscient qu'il n'y avait rien qu'ils puissent faire, du moins pour le moment. Le vieux scientifique se tenait là, figé, son visage pâle comme une statue.
— Putain, on ne peut pas le laisser là-dedans ! Hurla Kiran, frappant encore la vitre, les larmes aux yeux. Tiens le coup, mon pote, je vais te sortir de là !
Les trois compagnons continuaient à chercher frénétiquement une solution.
—Peut-être qu'il y a un système d'arrêt d'urgence, quelque part ici, dans cette salle ! s'écria Eamon, l'idée surgissant comme un dernier espoir. Les Esthérian's ne pouvaient pas concevoir un système sans faille de sécurité... il doit bien y avoir un moyen d'arrêter tout ça !
Ils fouillèrent désespérément chaque recoin, retournant des panneaux, cherchant un interrupteur, une commande, quelque chose. Mais la pièce restait silencieuse, indifférente à leur désespoir. Chaque seconde semblait condamner un peu plus Adam.
Soudain, une série de cliquetis mécaniques résonna dans la salle. Le son, froid et métallique, résonnait comme une sinistre mélodie annonçant l'inévitable. Au-dessus d'Adam, le projecteur projeta une brume froide qui s'échappa lentement, enveloppant le jeune homme d'un voile glacé et inquiétant. Des trappes s'ouvrirent dans les murs, révélant des dispositifs inconnus qui ressemblaient à des canons. Les câbles au sol commencèrent à vibrer, illuminés d'une énergie bleue intense. La lumière de la pièce vira soudainement au bleu glacial, et un silence pesant s'abattit, comme si l'univers retenait son souffle.
Puis, le premier arc énergétique jaillit, frappant Adam de plein fouet.
Les arcs, d'une intensité aveuglante, crépitèrent et fusèrent en direction du jeune homme, concentrant toute leur puissance sur son corps. La salle entière fut emplie d'un bruit assourdissant, un mélange de décharges électriques et de vibrations basses qui faisaient trembler le sol. Adam hurla, ses cris perçant l'air comme des lames. Ils résonnaient à travers la vitre, transperçant les cœurs de ses compagnons.
— Non ! Arrêtez ça ! Hurla Zena, les mains plaquées contre la vitre, son visage déformé par la terreur. Les larmes roulaient sur ses joues, son désespoir visible dans ses yeux. Kiran continuait de frapper la vitre de toutes ses forces, mais il comprenait que ses efforts étaient vains. Il se laissa tomber à genoux, ses poings ensanglantés.
Eamon fouillait encore la salle, ses doigts tremblants cherchant une solution.
— Putain de merde... il doit bien y avoir un moyen de stopper ça ! Cria-t-il, sa voix brisée par la panique.
Dans la salle centrale, les arcs continuaient de frapper Adam, entourant son corps d'un champ énergétique lumineux. Les cris du jeune homme devinrent plus faibles, jusqu'à ce qu'ils cessent complètement. Son corps convulsa violemment, des spasmes incontrôlables le secouant. Une mousse blanchâtre s'échappait de sa bouche, ses traits crispés dans une expression de douleur insoutenable. Puis, enfin, il s'effondra, son corps tombant lourdement dans le fauteuil.
Le calme revint progressivement. Les arcs cessèrent, les lumières redevinrent blanches et douces, mais la brume continuait de flotter autour d'Adam. Kiran, accablé, murmura d'une voix brisée :
— Non... non... tiens bon, mec. Tiens bon... Les larmes montèrent, roulant silencieusement sur ses joues.
Un flash lumineux envahit soudain la pièce, forçant tout le monde à fermer les yeux. Quand ils les rouvrirent, la salle était plongée dans une obscurité totale. Un silence écrasant s'installa, interrompu seulement par les sanglots de Zena, recroquevillée contre la vitre, incapable de faire face à l'horreur qu'elle venait de vivre.
Puis, le claquement lourd d'une porte se fit entendre. Le fauteuil se redressa lentement, les attaches se rétractant dans un bruit mécanique. Adam était libre, son corps inerte affaissé dans le siège. Kiran se releva d'un bond, sprintant à travers la pièce pour atteindre son ami. Il posa ses mains sur ses épaules, le secouant doucement.
— Allez, réveille-toi... tu peux pas nous laisser comme ça... réveille-toi, je t'en supplie...
Eamon arriva à son tour, essoufflé. Il vérifia rapidement les signes vitaux d'Adam.
— Il est vivant... son pouls est faible, mais il respire encore. Son cœur bat toujours.
Un soupir de soulagement traversa le groupe, mais leur répit fut de courte durée. Adam restait inconscient, son corps marqué par l'épreuve. Ses traits crispés trahissaient une douleur profonde, et ses paupières vibraient légèrement, comme s'il était emprisonné dans un cauchemar.
— Kiran, aide-moi. On doit le sortir d'ici, et vite. Il a besoin de soins, immédiatement, ordonna Eamon. Ensemble, ils soulevèrent difficilement leur compagnon, luttant contre l'épuisement et l'adrénaline.
— Zena ! Contacte Koros ! Dis-lui d'amener le vaisseau ici au plus vite ! Cria Kiran, sa voix teintée d'urgence.
Zena, les yeux rougis par les larmes, se releva d'un bond et courut hors de la pièce. Adam avait survécu, mais pour combien de temps ?
— Koros ! S'écria Zena, appuyant sur son oreillette de communication, enfin libérée des interférences du complexe alien. Koros, tu me reçois ?! Elle sentait chaque seconde s'étirer comme une éternité, son cœur battant à tout rompre dans l'attente d'une réponse.
Un crépitement statique envahit son oreille, puis une voix métallique, distante et parasitée par d'innombrables grésillements, finit par se faire entendre.
— Zena, je te reçois... Transmission instable... Quelle est la situation ?
C'était Koros. Le synthétique avait enfin capté l'appel de détresse.
— Urgence médicale ! lança Zena d'une voix tremblante. C'est Adam... Il est en état critique, on a besoin de toi et du vaisseau immédiatement !
Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux, signe de son agitation croissante.
—Transmission dégradée... Peux-tu répéter ? demanda froidement Koros, sa voix hachée par les interférences.
Zena serra les dents. « C'est pas le moment de nous lâcher, foutue boîte de conserve... » songea-t-elle, luttant contre son impatience. Elle inspira profondément et reprit plus calmement :
— Écoute-moi bien, Koros. On a une urgence médicale. Tu dois venir avec le vaisseau, tout de suite ! Je t'envoie nos coordonnées. C'est une question de vie ou de mort !
Un silence pesant s'installa. Pendant un instant, elle crut que la communication avait été coupée. Puis, enfin, la voix du synthétique se fit entendre, plus claire cette fois-ci.
— Reçu. Interférences résiduelles, mais message compris. Je me mets en route. Tenez bon.
Koros mit immédiatement fin à sa tâche d'analyse de l'artefact et pivota sur ses jambes métalliques, se dirigeant à pas rapides vers la passerelle du vaisseau. Ses gestes précis et méthodiques ne reflétaient aucune émotion, mais son efficacité était indiscutable. Il s'installa dans le cockpit, enclencha la séquence de démarrage et propulsa le vaisseau dans les airs en direction du complexe Esthérian.
Kiran et Eamon, soutenant Adam tant bien que mal, émergèrent enfin des ténèbres de l'antre. Le jeune Terrien était toujours inconscient, son corps pesant entre leurs bras. Ils le déposèrent au sol, à l'abri du soleil brûlant, contre la paroi fraîche de la falaise.
Zena s'agenouilla aussitôt à ses côtés, posant une main tremblante sur son bras. Son souffle était court, irrégulier, mais il respirait encore.
— Il va s'en sortir... hein ? Murmura-t-elle, sa voix brisée par l'angoisse.
Eamon, debout à leurs côtés, scruta l'horizon, cherchant des yeux le moindre signe du vaisseau.
— Koros a bien reçu ton appel ? Demanda-t-il sans détour.
D'un simple hochement de tête, Zena confirma, bien que son regard trahissait son inquiétude.
Eamon posa une main réconfortante sur son épaule.
— Ne t'en fais pas. Koros sera là d'un instant à l'autre. Dès qu'on montera Adam à bord, on pourra le stabiliser et retourner au camp. Il est fort. Il tiendra le coup.
Mais Zena n'était pas convaincue. Chaque seconde semblait peser comme une éternité, et Adam, allongé sur le sol, ne montrait aucun signe d'amélioration.
Enfin, un grondement sourd déchira le silence. Un vrombissement mécanique s'amplifia dans le ciel, et une ombre massive fendit l'air au-dessus d'eux.
— Il arrive ! S'exclama Kiran, les yeux levés vers le ciel.
Le vaisseau descendit rapidement en altitude, faisant vibrer le sol sous leurs pieds. La gerbe de sable soulevée par les propulseurs se dispersa dans l'air, les obligeant à protéger leurs visages du souffle puissant des moteurs.
Dans un ballet fluide et précis, l'appareil se posa en douceur, ses réacteurs émettant un dernier sifflement strident avant de se taire. Presque aussitôt, la rampe d'accès s'abaissa dans un mouvement mécanique parfaitement synchronisé, dévoilant l'intérieur du vaisseau dans un halo de lumière artificielle.
Sans perdre une seconde, Eamon et Kiran soulevèrent Adam.
— On l'embarque, vite ! Ordonna Eamon.
Zena s'élança aux côtés de Koros qui attendait à l'entrée, ses capteurs lumineux analysant immédiatement l'état du Terrien.
— État critique détecté. Préparation des soins d'urgence. Amenez-le immédiatement à l'infirmerie du bord. Déclara l'androïde d'un ton clinique.
Ils transportèrent Adam à l'intérieur du vaisseau, le portant avec précaution jusqu'à l'infirmerie de bord. Chaque pas résonnait dans la carlingue métallique, amplifiant le poids de l'urgence.
Dès qu'ils atteignirent la petite salle médicalisée, Koros, imperturbable, s'activa sans perdre une seconde.
— Déposez-le sur la civière. Maintenez-le stable. Ordonna le synthétique d'une voix froide et efficace.
Kiran et Eamon s'exécutèrent, allongeant Adam avec le plus de délicatesse possible. Zena, le souffle court, les yeux rivés sur leur ami inconscient, se tenait près de la porte, figée par l'inquiétude.
Koros brancha aussitôt Adam à une série d'appareils de surveillance. Les écrans holographiques s'illuminèrent, affichant des signes vitaux instables.
— Pouls faible. Activité cérébrale fluctuante. Présence de stress cellulaire anormal. Commenta le robot, ajustant rapidement les capteurs.
Une légère vibration secoua le vaisseau alors que les moteurs rugirent, propulsant l'appareil en altitude. Le décollage fut rapide, plus brutal que d'ordinaire. Koros, concentré sur Adam, n'y prêta aucune attention.
L'atmosphère à bord était pesante.
Kiran, assis dans la passerelle, serrait nerveusement les poings, les muscles tendus. Il n'était pas du genre à prier, mais à cet instant, il aurait supplié n'importe quelle divinité pour voir son ami ouvrir les yeux.
Zena, debout à l'autre bout de la pièce, avait croisé les bras, comme pour contenir la vague d'émotions qui la submergeait. Elle fixait les moniteurs, guettant le moindre signe d'amélioration.
Eamon, quant à lui, resta silencieux, observant Adam avec un regard grave. Son esprit tournait à toute vitesse, cherchant un sens à ce qu'ils venaient de vivre.
Le seul bruit qui brisait le silence était le bourdonnement rythmique des instruments médicaux, une litanie électronique qui scandait la bataille intérieure qu'Adam livrait contre l'inconnu.
Le vaisseau fendait l'air, filant à toute vitesse vers le camp. Mais à chaque seconde qui passait, une même question hantait leurs esprits : Adam allait-il s'en sortir ?
À des années-lumière d'Oberon V, au sommet d'Hedora, tapis dans l'ombre du Bras d'Orion, dans l'obscurité d'une petite pièce, l'autorité suprème du Consortium méditait.
L’activation du complexe Esthérian n'était pas passée inaperçue.
Dans les étages supérieurs de la Flèche d’Hedora, un Daranien progressait à vive allure, bousculant employés et administrateurs. Ses deux cœurs battaient à rompre, non de fatigue — mais de peur. Ce qu’il devait transmettre ne pouvait souffrir d'aucun délai.
Arrivé au dernier niveau, il s’arrêta, essoufflé, face à une porte lisse aux reflets d’acier noir.
Il effleura le panneau tactile, d'une main tremblante. La porte s’ouvrit dans un souffle, disparaissant dans les parois.
Une salle vaste, plongée dans la pénombre.
Seules quelques lignes rouges, pulsant faiblement, dessinaient les angles du lieu — comme des vaisseaux dans un organisme cyclopéen.
L’air était glacé. Trop calme. Trop immobile.
Une silhouette immobile se dressait au centre.
Puis un éclat rouge s’ouvrit lentement dans l’ombre.
Deux yeux.
Le Daranien s’inclina, tremblant.
— Monsieur le Président…
Silence. Profond, pesant.
Enfin, une voix répondit, calme, coupante comme de l’acier poli.
— Vous dérangez ma méditation. Il y a intérêt à ce que ce soit crucial.
Le messager avala sa salive.
— Une anomalie énergétique détectée… sur un monde classé sans valeur stratégique. Oberon V.
Un imperceptible frémissement passa dans l’air, comme si la pièce respirait soudain plus profondément.
— Nature de l’anomalie ? demanda le Président.
— Émission énergétique… d’origine inconnue. Ancienne. Non référencée. Aucune corrélation avec nos technologies recensées. C’est comme si… quelque chose venait d’être réactivé.
Un silence.
Puis un souffle presque imperceptible.
Pas un rire.
Pas une surprise.
Plutôt une satisfaction glacée prête à dévorer le monde.
— Très bien, dit le suzerain d’une voix presque douce. Je prends le relais !
Il tourna la tête, ses yeux rouges accrochant la silhouette du scientifique comme deux étoiles mortes.
— Aucun rapport écrit. Aucune communication hiérarchique. Tout ceci doit rester secret ! Compris ?
Le Daranien inclina la tête, crispé.
— Oui, Monsieur le Président.
Le maître du Consortium referma les yeux, comme s’il replongeait dans un océan intérieur insondable.
— Vous pouvez disposer.
Le scientifique s’empressa de disparaître, à peine capable de respirer jusqu’à la porte.
Lorsqu’elle se referma derrière lui, le silence retomba.
Un souffle très faible traversa la salle.
Ou bien était-ce seulement dans son esprit ?
Réactivé…
Un sourire imperceptible effleura ses lèvres.

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