Le Consortium apparait
Son regard, sombre et pensif, semblait sonder les possibles conséquences de cette mission. Si l'origine du signal était bien Esthérian, alors un danger ancien refaisait potentiellement surface. Et il venait de confier le destin du Consortium au seul homme capable d'affronter cette menace.
Assis sur son imposant trône de granit noir, perché au sommet de sa tour, le Général Varek Ryden contemplait l’étendue glaciale de la planète à travers l'immense baie vitrée de son quartier général. La tour, dressée au cœur d'une plaine enneigée et encerclée par d'immenses pics de glace, était en permanence assaillie par un blizzard hurlant. Son architecture, d'un noir de charbon et taillée en forme de lame effilée pointée vers les cieux, évoquait les vestiges d'un passé médiéval teinté de mystère et de sang. Cette forteresse austère était le symbole incontesté de sa puissance et de son autorité.
Le froid mordant, qui faisait craquer les parois extérieures de la tour, n'avait aucun effet sur l'armure sophistiquée du Général. Conçue pour résister aux environnements les plus extrêmes, cette carapace métallique, aux épaulières larges et arrondies, était reliée par une imposante cape de fourrure épaisse, témoignage de son appétence pour la chasse et de sa nature de prédateur tapi dans l'ombre. Varek n'avait pas choisi ce monde par hasard. Non, cette planète gelée était bien plus qu'un simple bastion militaire : elle était un mémorial vivant. C'est ici, sur ce désert de glace inhospitalier, qu'il avait arraché sa légende au destin. Située aux confins de la nébuleuse de Dravhenn , cette sphère glaciale fut jadis le théâtre de la défaite décisive de l'Alliance rebelle. Une bataille qui avait changé le destin du Bras d'Orion. Ryden, en fin stratège, avait su exploiter les pièges naturels du terrain, attirant l'ennemi dans des embuscades parfaitement orchestrées. L'environnement, jadis perçu comme un obstacle, devint son allié le plus redoutable. La victoire obtenue ici avait scellé le destin du conflit, éteignant les derniers espoirs de la rébellion et offrant au Consortium un triomphe incontesté. Depuis ce jour, le nom de Varek Ryden était devenu synonyme de stratégie implacable et de victoire assurée.
Le Général se redressa légèrement, ses yeux noirs au multifacettes fixant l'horizon blanc et tourmenté. Le souvenir de cette bataille alimentait sa détermination. Bientôt, il repartirait en guerre, et cette fois encore, il n'y aurait aucune place pour l'échec.
La salle du trône, vaste et austère, s’étendait tel un sanctuaire de glace et d’acier, empreint d’une solennité implacable. Au centre, sur une estrade de marbre noir taillé à vif, trônait le siège du pouvoir : un fauteuil colossal aux lignes anguleuses, sculpté dans un alliage sombre et orné de gravures évoquant les batailles passées. Le trône semblait plus qu’un simple siège : c’était un monument à la gloire du général Varek Ryden. Un tapis pourpre, profond comme une plaie ouverte, s’étirait de l’entrée jusqu’au pied de l’estrade, guidant les visiteurs comme un sentier de sang vers leur destin. Les murs, d’un noir abyssal, étaient ponctués de bannières brodées du sigle du général : une griffe stylisée transperçant une étoile brisée, symbole d’ordre imposé par la force. Au-dessus du trône, un crâne titanesque d’une créature alien, aux crocs recourbés et aux orbites béantes, surplombait la salle. Relique d’une chasse légendaire, ce trophée témoignait des victoires implacables de Ryden et rappelait à tous que nul prédateur n’échappait à sa traque. Derrière l’estrade, une baie vitrée gigantesque dévoilait le panorama glacé du monde extérieur. Le blizzard, incessant, fouettait les pics de glace d’une fureur blanche et hurlante, mais restait impuissant face à la tour noire. Le paysage figé sous les étoiles projetait une lumière pâle et spectrale dans la salle, faisant danser des ombres mouvantes sur les murs comme des spectres du passé.
Varek Ryden, debout face à cette étendue de glace, contemplait son royaume avec un calme glacial. Ses antennes frémissaient au contact des vibrations infimes qui parcouraient l’air, et ses yeux noirs captaient chaque nuance de lumière, comme s’il cherchait à lire les secrets du vent. D’un pas mesuré, il regagna son trône et s’y assit, son armure métallique résonnant contre les accoudoirs. Son regard resta fixé un instant sur l’horizon gelé. Puis, lentement, il posa ses doigts puissants sur le panneau de contrôle dissimulé dans l’accoudoir. L’intercom s’activa dans un grésillement discret, prêt à relayer sa volonté à l’ensemble de la forteresse.
La voix du général résonna dans le silence, grave, tranchante, sans appel :
— Unité DELTA, préparez-vous pour l'assaut ! Que son commandant me rejoigne immédiatement en salle du Trône !
L'ordre, clair et implacable, se répandit comme une onde de choc dans les entrailles de la forteresse. En un instant, le calme discipliné céda la place à une effervescence maîtrisée. Tel un essaim parfaitement synchronisé, les soldats se mirent en mouvement, chacun connaissant son rôle et les protocoles sur le bout des doigts.
L'air, autrefois immobile, vibrait désormais de cette agitation contenue. Les pas cadencés résonnaient dans les couloirs d'acier, les armes étaient vérifiées, les armures activés. Les SuperNovaes de Varek Ryden n'étaient pas une unité comme les autres : ils étaient la terreur silencieuse, réputés pour leur brutalité sans faille et leur efficacité fulgurante. Depuis son trône, Varek Ryden observait les préparatifs d'un regard impassible. Ses antennes frémissaient, captant chaque micro-vibration portée par le flux de l'agitation naissante. Chaque pas, chaque ordre murmuré, chaque souffle contenait cette tension particulière qui précède les batailles importantes. Quelques minutes plus tard, le silence se fit de nouveau lorsque les lourdes portes de la salle du trône s'ouvrirent dans un grincement métallique. Une silhouette se découpa dans la lumière glaciale. Le commandant de l'unité DELTA s'avança d'un pas assuré et s'inclina devant le général, prêt à recevoir ses ordres.
— Commandant, dit Varek d’une voix de marbre, l'heure est venue. Oberon V nous attend.
— Oberon V ? Bien, mon Général. Quelle est notre mission ?
— Un signal énergétique anormal a été détecté par nos capteurs. Sa signature est inconnue. Votre mission : localiser la source, identifier son origine, comprendre sa fonction et éliminer toute menace. Si cette énergie représente un danger… détruisez-la.
— Reçu, mon Général ! L'unité DELTA est prête et attend votre feu vert.
Varek Ryden hocha lentement la tête, ses mandibules bougeant légèrement, signe d'une satisfaction contenue.
— Parfait. Vous partez dans une heure.
Le commandant de l’unité DELTA exécuta un salut militaire et fit demi-tour, mais s'arrêta net lorsque la voix du général le rappela.
— Une dernière chose, commandant. Cet ordre provient directement du Président Valor. Aucune erreur ne sera tolérée.
Le commandant redressa les épaules, ses yeux brillants d’une détermination inébranlable.
— Compris, mon Général. Notre succès ne fait aucun doute.
Varek fixa un instant son officier, jaugeant la conviction dans son regard, puis acquiesça.
— J'attends un rapport détaillé après chaque avancée. Vous pouvez disposer.
D'un geste précis, le commandant salua une dernière fois, puis quitta la salle. La porte massive se referma derrière lui dans un grondement sourd, laissant Varek seul face à la tempête glaciale qui assaillait la baie vitrée. Le hurlement du blizzard, étouffé par les parois de duracier, semblait résonner en écho avec ses pensées.
Le général inspira profondément, ses yeux d'obsidienne fixés sur l'étendue blanche et impitoyable. Oberon V n'était pas un simple mystère… c'était peut-être le prélude à une guerre que le Consortium n'avait pas anticipée. Les antennes de Varek frémirent imperceptiblement, comme si l'atmosphère elle-même portait l'ombre d'une menace imminente. Le pic d'énergie détecté n'était pas anodin. Sa signature était familière, troublante, et pourtant impossible à identifier avec certitude. Une anomalie dans le silence cosmique. Le général serra les poings, ses gantelets crissant sous la pression. Une force inconnue, surgissant d'un monde censé être stérile, ne pouvait être ignorée. Il connaissait trop bien la nature de ces signaux imprévisibles : ils précédaient souvent des événements cataclysmiques. Et Varek Ryden n'était pas du genre à attendre que la tempête le frappe. Il préférait être celui qui frappait en premier.
D'un geste résolu, il activa l'holoprojecteur intégré à l'accoudoir de son trône. Une carte tridimensionnelle du système Oberon s'afficha, illuminant son visage d'une lueur bleutée.
— Oberon V… murmura-t-il, le regard perçant. Si tu portes la marque des Esthérian's… je te réduirai en cendres.
Sur la planète aride, balayée par des vents chargés de sable, l'équipe fouillait méthodiquement les entrailles du temple ancien. Le fauteuil, autrefois source de terreur, demeurait étrangement inerte. Plus aucune trace d'énergie ne vibrait en son sein, comme si l'éveil mystérieux de la veille n'avait été qu'une illusion. Chaque membre s'affairait devant une console, cherchant le moindre indice sur la fonction de ce lieu et les expériences qui y avaient été menées. Les écrans, couverts de symboles énigmatiques, défiaient leur compréhension, mais l'équipe poursuivait son travail avec une détermination silencieuse.
Seul Adam n'avait pas été autorisé à pénétrer dans l'édifice. L'épreuve qu'il avait subie la veille et les risques liés à sa présence avaient convaincu ses collègues de le maintenir à l'extérieur. Il s'était donc installé près de l'entrée, analysant les parois de la falaises à le recherche d’autre entrées potentielles.
Le soleil, pâle et voilé par la poussière, jetait une lumière diffuse sur les falaises environnantes. Adam plissa les yeux, suivant du regard les lignes gravées dans la roche. Un léger bourdonnement résonnait parfois dans l'air, comme un écho lointain du passé.
Soudain, un grondement sourd déchira le silence.
Adam leva brusquement la tête. Le ciel, d'un bleu opalescent, était lacéré par plusieurs traînées lumineuses. Des objets, rapides et métalliques, fendaient l'atmosphère en laissant derrière eux des sillages incandescents. Leur vitesse était fulgurante, et leur trajectoire, directe.
Son cœur s'emballa. Ce n'était pas une simple pluie de météores. Ces trajectoires étaient trop précises… et trop menaçantes.
Il prit sa radio et tenta de contacter l'équipe à l'intérieur du bâtiment.
— Ici Adam, appela-t-il d'une voix tendue dans son communicateur. J'ai un visuel sur des objets en approche rapide. Je répète, plusieurs engins se dirigent droit vers notre position.
Le silence radio persistait, oppressant. Adam réitéra son appel, une fois, deux fois, sans succès. Les parois rocheuses de la falaise et la structure alien semblaient agir comme un brouilleur naturel, étouffant toute communication. Le temps lui échappait. Il n’avait plus d'autre choix.
Il inspira profondément, jeta un dernier regard au ciel déchiré par les traînées lumineuses, puis se précipita à l'intérieur du temple. Ses pas résonnèrent sur le sol métallique, chaque battement répercuté par les murs silencieux.
Lorsqu'il atteignit la grande fresque centrale, il faillit percuter Kiran, qui était accroupi, concentré sur les détails complexes de la paroi.
— Adam ?! s’exclama Kiran en se redressant d'un bond, les yeux écarquillés par la surprise. Qu’est-ce que tu fous ici ? On avait convenu que tu ne devais pas remettre les pieds dans ce temple ! C’est trop risqué, tu le sais.
— Le risque vient d'ailleurs, lâcha Adam, essoufflé, la voix tendue. J'ai tenté de vous prévenir, mais les communications sont coupées.
Kiran fronça les sourcils, perplexe.
— Attends… Doucement. Qu’est-ce que tu racontes ? Il n’y a personne ici. Ce monde est mort depuis des siècles.
— Plus maintenant.
Adam attrapa son ami par l’épaule et le fixa de ses yeux brûlants d’inquiétude.
— J’ai vu des vaisseaux. Plusieurs. Ils ont pénétré l'atmosphère et se dirigent droit vers nous.
Le regard de Kiran vacilla, oscillant entre incrédulité et peur.
Un grondement sourd, étouffé par les parois du temple, confirma les dires d'Adam.
La chasse avait commencé.
Zena, alertée par le grondement sourd, surgit du couloir menant à la salle de la colonne. Ses yeux dorés balayèrent la pièce, cherchant la source de la perturbation, avant de s'arrêter sur Adam.
— Adam ?! Que fais-tu ici ?
— Pas le temps d'expliquer ! Où sont Koros et Eamon ?
L'urgence dans sa voix était palpable, et Zena sentit la tension lui nouer la gorge.
— Ils sont… devant les consoles, près de la colonne, répondit-elle, encore interdite.
Adam n'attendit pas la fin de sa phrase et bondit en direction des archéologues.
Un nouveau grondement, plus intense, fit vibrer les murs et projeta une fine poussière du plafond. Le sol sembla osciller sous leurs pieds.
— Par tous les astres… murmura Zena, figée, tandis qu'Adam, porté par l'adrénaline, disparaissait dans le couloir.
Il déboula dans la salle principale et aperçut les deux scientifiques absorbés par leurs analyses. Koros, l'androïd à la peau d’onyx, ajustait un scanner complexe tandis qu’Eamon, le vieux chercheur Azarien, déchiffrait les données affichées sur la console. Aucun des deux n'avait prêté attention au tumulte.
— Koros ! Eamon ! Lâchez tout et préparez-vous à évacuer !
Eamon leva la tête, déconcerté.
— Qu'est-ce qui se passe ? Un séisme ?
— Non, des vaisseaux ! Des appareils inconnus viennent d'entrer dans l'atmosphère.
Koros s'immobilisa un instant, ses capteurs internes confirmant les vibrations anormales.
Le regard d'Adam croisa celui d’Eamon. L’incrédulité fit place à une terreur glacée.
— On dégage, maintenant !
Dans la salle de la fresque, Kiran et Zena s’activaient avec fébrilité, rassemblant le matériel et les précieuses données enregistrées. Leurs gestes étaient précis mais empreints d’une nervosité palpable.
Dans la pièce adjacente, Eamon et Koros échangèrent un regard incrédule.
— Déjà ? Impossible… murmura Voss, le souffle court.
— Ce ne peut être que le Consortium, grésilla la voix synthétique de Koros. Nous devons fuir, et vite !
— Attendez ! Je dois d'abord couper l’alimentation ! Si le Consortium met la main sur ces données…
Eamon s'interrompit brusquement lorsqu’un grondement, plus puissant et plus proche que les précédents, fit vibrer les murs. Un nuage de poussière se détacha du plafond et retomba en volutes étouffantes, tandis que les consoles s’éteignirent brutalement sous l’impact de l’onde de choc.
— Pas le temps, Doc ! On bouge ! hurla Adam, l’adrénaline en ébullition.
— Au moins refermer l’accès en sortant ! s’entêta Voss.
— Compris. On se dépêche ! conclut Adam, reprenant sa course effrénée vers la sortie.
Le couloir sembla s’étirer à l’infini. Chaque pas résonnait comme un battement de cœur affolé. Enfin, le groupe émergea de l’édifice Esthérian. Le soleil les frappa de plein fouet, les aveuglant un instant.
Adam, encore essoufflé, se retourna et actionna le mécanisme d'ouverture dissimulé qu'il avait découvert la veille. La porte glissa lentement dans un frottement parfait… puis s'immobilisa à mi-course.
— Merde ! Pourquoi elle bloque ?! pesta-t-il.
— Plus d'énergie, peut-être ? suggéra Zena, le regard rivé sur la structure. Les consoles commençaient déjà à s'éteindre tout à l'heure.
— Logique, confirma Eamon. L’activation du fauteuil hier a drainé une quantité d’énergie ahurissante.
— Tant pis, on se tire ! lança Kiran.
— Oui, vite ! approuva Adam.
Koros, resté en retrait, observa un instant le ciel avant de demander :
— Leurs trajectoires suggèrent une reconnaissance. Pourquoi cette précipitation ?
Adam déglutit et jeta un coup d'œil inquiet vers l’horizon.
— Un pressentiment. Je le sens, on doit partir immédiatement.
Un fracas assourdissant déchira alors le ciel, distinct des bruits précédents. Une onde de choc vibra dans l'air, soulevant un nuage de sable.
— Non, non, non… putain ! jura Eamon, livide.
— C'est quoi, Doc ? demanda Zena, l’angoisse tordant sa voix.
Eamon inspira difficilement.
— Un transport de troupes… Ils arrivent.
— Qui ? Qui arrive, Doc ? Pourquoi un transport de troupes ? demanda Zena, la panique au ventre.
— Le Consortium !
— Le Consortium ? Mais pourquoi sont-ils ici ? s’immisça Kiran, l’incompréhension teintant sa voix.
Adam coupa court à la conversation, comprenant que chaque seconde comptait.
— Peu importe ! On n’a plus le temps, on doit filer, et vite !
— Il a raison ! Hâtons-nous de rejoindre le vaisseau ! confirma Koros.
Quatre longs kilomètres les séparaient du camp, de leur vaisseau, de leur seule porte de sortie. Derrière eux, la menace s’abattait, implacable.
Adam leva les yeux vers le transporteur de troupes qui descendait lentement vers la surface. C’était un colosse d’acier, une masse imposante à la silhouette presque organique. Il semblait divisé en trois sections distinctes : la partie supérieure, une soucoupe inversée d’un gris spectral, lisse et menaçante ; la section centrale, un noyau noir métallique, criblé de points lumineux semblables à des étoiles lointaines ; et enfin, le dessous, un demi-ovale du même gris blafard que la partie supérieure.
L’engin fendait le ciel aride d’Obéron V tel un messager funeste, une ombre titanesque s’étendant sur la plaine de sable où progressaient les fugitifs. Le grondement sourd de ses moteurs résonnait comme un tonnerre continu, faisant vibrer l’air et sautiller les grains de sable sous leurs pas. Tout autour, le cri strident des chasseurs de combat déchirait l’atmosphère, bourdonnant comme une nuée d’insectes furieux encerclant leur proie.
Alors qu’il observait un instant le spectacle terrifiant qui se rapprochait, un souvenir lui revint brusquement. La conversation avec Eamon. L’information glanée auprès de ce Tcherk-To. La clandestinité de leurs recherches. Puis, comme une évidence, il comprit : leurs fouilles avaient été découvertes ! Mais comment ? Tcherk-To, sans doute… Ce fichu parleur avait dû les vendre !

Annotations
Versions