Les cendres d'Oberon V

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Chacun d’eux courait à vive allure, comme si le diable lui-même était à leurs trousses. Eamon, rattrapé par le poids des années, peinait à suivre mais tenait bon, poussant son corps au-delà de ses limites. Kiran menait la charge, profitant des atouts physiques de sa race. Les Neuroriens, par leur morphologie, étaient faits pour la vitesse : courir vite et avec agilité n’était pas un obstacle, bien au contraire. Juste derrière lui, l’androïd suivait avec une précision presque mécanique. Malgré ses longues années de service et d’errance, il conservait une vivacité certaine. Autrefois, dans ses jeunes années, il aurait sans peine distancé le Neurorien. Zena fermait le trio de tête, la Daranienne tirant profit de l’amplitude de ses longues jambes pour tenir un rythme effréné. Plus loin, Adam et Eamon luttaient pour ne pas se laisser distancer. Le vieux Azarien perdait du terrain, chaque pas lui coûtant davantage d’énergie. Adam, quant à lui, faisait de son mieux, mais les humains n’étaient pas connus pour rivaliser en vitesse avec la plupart des races du Bras d’Orion. Pourtant, quelque chose se produisit. Petit à petit, le Terrien gagna du terrain. D’abord, il dépassa Zena. Puis Koros. Il rattrapa Kiran… et, contre toute attente, il prit même la tête du groupe. Un frisson parcourut son échine. Il ne comprenait pas. Ses jambes se mouvaient avec une agilité déconcertante, défiant la nature même de son espèce. Il dévalait les dunes sablonneuses à une vitesse stupéfiante, esquivant les obstacles avec une aisance qui ne lui appartenait pas.

Quelque chose avait changé. Mais quoi ?

À peine quelques minutes après leur départ du temple, Adam atteignit le camp. Sans perdre une seconde, il se précipita vers le vaisseau. Mais au dernier moment, une sensation étrange l’arrêta. Comme appelé par une force invisible, il se retourna et sentit son cœur se serrer.

Ses compagnons n’étaient pas encore là.

Leurs silhouettes se dessinaient faiblement à quelques centaines de mètres, luttant contre la fatigue et le terrain accidenté. Sans hésiter, Adam fit demi-tour. Il devait les aider, les ramener plus vite, s’assurer que tous atteignent le camp à temps.

Mais alors qu’il s’élançait, un immense soulagement l’envahit : Kiran et les autres arrivaient enfin, le visage marqué par l’effort. Eamon, toutefois, ne se dirigea pas vers le vaisseau comme les autres. Essoufflé, vacillant, il bifurqua vers la tente de recherche, ses yeux rivés sur un unique objectif : l’artefact découvert le premier jour.

— Eamon ! Qu’est-ce que vous faites?! hurla Adam.

Mais c’était déjà trop tard.

Le sol trembla violemment, une onde de choc fit chanceler chacun d’entre eux. Pris de faiblesse, Eamon s’effondra dans la poussière, laissant échapper un gémissement de douleur. Il tenta de se relever, fébrile, toujours déterminé à atteindre l’artefact.

— Bordel, il va se faire tuer ! pesta Koros avant de s’élancer à sa poursuite.

Puis le premier tir tomba du ciel.

Dans un vacarme assourdissant, un impact pulvérisa une large portion du camp. Une gerbe de sable explosa en une tempête aveuglante, un immense nuage de poussière s’éleva, engloutissant l’atmosphère. En quelques secondes, la visibilité se réduisit à seulement quelques mètres.

Et soudain, derrière la petite rétention d’eau, la source du séisme apparut enfin.

Le transporteur de troupes flottait à une dizaine de mètres du sol.

Une ombre titanesque s’étendit sur le sol. Des rayons lumineux fusèrent depuis la carlingue, projetant d’étranges faisceaux blancs vers la surface. Et, un à un, les soldats du Consortium émergèrent de la lumière.

Les Supernovaes étaient là.

La menace se dressait face à eux, implacable.

Cette fois-ci, ils n’avaient plus le luxe d’attendre. Plus d’échappatoire.

Ils étaient à la merci du Consortium.

Les soldats, vêtus d’armures légères et armés de fusils d’assaut laser, avancèrent méthodiquement, noyant le camp sous un déluge de tirs précis. Des salves d’énergie fendirent l’air, illuminant les cendres encore fumantes des installations détruites. Chaque impact résonnait comme un coup de tonnerre, projetant sable et débris dans toutes les directions. Le sol lui-même semblait vibrer sous la puissance de l’assaut.

Koros courait. Aussi vite que ses circuits le lui permettaient.

Mais il n’était pas assez rapide.

Un premier tir transperça son épaule, arrachant un morceau de son exosquelette. Il vacilla, mais ne s’arrêta pas.

Le second frappa son torse, carbonisant ses câbles internes.

Puis vint le coup fatal.

Une rafale de tirs le transperça de part en part, des éclats brûlants de métal et de circuits jaillissant dans l’air. Son corps s’embrasa de l’intérieur, des gerbes d’étincelles s’échappant de ses articulations tandis que ses systèmes paniqués tentaient en vain de se réinitialiser.

Il poussa un dernier cri déformé, un mélange de grésillements et de distorsions robotiques, avant que ses jambes ne cèdent sous lui. Son corps métallique s’effondra brutalement, raclant le sol sur plusieurs mètres dans une gerbe de sable et de poussière.

Puis plus rien.

Seuls les tirs résonnaient encore.

Koros n’était plus.

Horrifié par la scène, Adam sentait chaque seconde s’égrener comme un compte à rebours vers leur fin inéluctable. Le Consortium n’avait qu’un seul objectif : effacer toute trace de leur passage sur ce monde. Pas de négociation, pas d’échappatoire. Seule la fuite pouvait encore leur sauver la vie.

Mais Eamon…

Le vieil Azarien était toujours isolé dans la tente de recherche, qu’il avait miraculeusement atteinte avant l’exécution brutale de Koros. Adam tentait de reprendre ses esprits, de trouver un moyen de le sortir de là. Il hurla son nom de toutes ses forces, mais ses cris furent noyés par le vacarme des tirs déchirant l’atmosphère.

Il porta aussitôt la main à son intercom. Rien. Juste un silence blanc. Les interférences des tirs, sans doute.

La situation se dégradait d’instant en instant. Adam se tourna vers Kiran, qui observait la tente, la mâchoire crispée.

— Je vais le chercher, dit le félin, prêt à bondir.

— Non ! C’est hors de question, tu finirais comme Koros !

— Et alors ? On est foutus de toute façon…

— Attends… où est Zena ?

Un sanglot, étouffé par le chaos ambiant, parvint à leurs oreilles. Ils tournèrent la tête et aperçurent Zena, recroquevillée derrière un rocher près du vaisseau, son corps tremblant sous l’averse de tirs ennemis.

Kiran n’hésita pas une seconde. Il se précipita vers elle, refusant de l’abandonner à son sort.

C’est alors qu’Adam ressentit quelque chose.

Une sensation étrange, viscérale. Un frisson fulgurant parcourut son échine, comme une alarme silencieuse résonnant au plus profond de lui. Son regard se fixa sur Kiran, sur l’angle d’attaque des tirs. Quelque chose clochait.

Sans réfléchir, il hurla :

— À droite, Kiran ! BAISSE-TOI !

Le Neurorien obéit instantanément, plongeant au sol.

Un rayon d’énergie jaune fusa à l’endroit exact où sa tête se trouvait une fraction de seconde plus tôt, frôlant la pointe de ses cheveux. Dans un sifflement strident, le tir alla s’écraser contre un rocher, projetant un nuage de poussière incandescente.

Allongé dans le sable, Kiran sentit son cœur cogner contre sa poitrine, à un rythme affolé.

Il était en vie.

Grâce à Adam.

Toujours recroquevillée sur elle-même, Zena leva des yeux noyés de larmes vers Kiran. Ses joues étaient trempées, ravinées par des rivières salées, mais au milieu du désespoir, une lueur vacillante de soulagement brilla dans son regard lorsqu’elle le reconnut.

Le Neurorien, le souffle court, la saisit par le bras et la tira doucement vers lui. Ils n’avaient pas le luxe de s’attarder. Ils devaient atteindre le vaisseau. Coûte que coûte. C’était leur seule chance. Leur dernier espoir.

Mais alors que le duo courait vers le véhicule spatial, Adam ressentit de nouveau cette étrange sensation. Ce pressentiment viscéral, cet avertissement silencieux qui semblait vibrer dans chaque fibre de son être.

Il plissa les yeux, une fraction de seconde. Son regard se tourna instinctivement vers les soldats. Quelque chose n’allait pas.

— Deux tirs ! Derrière vous ! hurla-t-il.

Kiran ne réfléchit pas. Il attrapa Zena et plongea au sol, l’entraînant dans sa chute. Deux rafales de plasma fusèrent à l’endroit exact où ils se tenaient une fraction de seconde plus tôt. Un souffle brûlant leur effleura la peau alors que les tirs allaient s’écraser plus loin dans un sifflement meurtrier.

Haletant, le félin leva les yeux vers Adam. Il venait de leur donner le nombre exact de tirs. Encore une fois, il leur avait sauvé la vie.

Stupéfait, Kiran fixa son ami, cherchant une explication. Comment…? Mais Adam ne lui accorda même pas un regard.

Il était déjà en mouvement.

Porté par cette étrange intuition, il se rua vers la tente de recherche où Eamon était toujours piégé. Il savait que le temps leur était compté. D’une seconde à l’autre, les soldats envahiraient le camp. Et une fois qu’ils seraient là… il n’y aurait plus d’échappatoire.

Mais quelque chose le guidait.

Ses pas devenaient plus rapides, plus précis. Il esquivait les tirs avec une agilité irréelle, déviant de justesse, évitant chaque projectile comme s’il savait à l’avance où ils allaient frapper. Parfois, un rayon brûlant passait si près qu’il sentait la chaleur lécher sa peau, qu’une mèche de ses cheveux se consumait dans l’air…

Mais il ne ralentit pas.

Il devait sauver Eamon.

À l’intérieur de la tente éventrée, Eamon était recroquevillé sous la table de briefing, les mains plaquées contre ses oreilles, les yeux fermés, tremblant sous l’assaut du chaos qui déchirait le camp. Il retenait son souffle, espérant naïvement que l’orage de feu cesserait… Mais les tirs ne faiblissaient pas. Les lasers traversaient la tente de part en part, la transformant en un linceul criblé de trous.

Tout autour de lui, le désordre régnait en maître. Les documents de recherche jonchaient le sol, éparpillés comme les vestiges d’un savoir voué à disparaître. Une table était renversée, des outils électroniques brûlaient lentement, dégageant une fumée acre qui s’élevait en volutes suffocantes.

Soudain, une ombre surgit à l’entrée de la tente.

Adam fit irruption, haletant, les yeux affolés. Son regard balaya le chaos avant de se fixer sur le vieil Azarien recroquevillé sous la table. Sans hésiter, il se précipita, s’agenouilla et agrippa son bras, le tirant hors de sa cachette.

— Allez, Eamon ! hurla-t-il. On doit partir, maintenant ! Le vaisseau est notre seule chance !

L’archéologue ouvrit les yeux, hagard, encore sonné par la terreur. Il hocha la tête faiblement, rassemblant le peu de force qui lui restait, et se releva péniblement, ses jambes vacillant sous le poids du stress et de l’épuisement.

Ils jaillirent hors de la tente, mais à peine avaient-ils fait quelques pas que l’ombre menaçante des soldats du Consortium s’étendait sur eux. Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres.

Un cri perçant éventra le ciel.

Un hurlement métallique, sinistre.

Adam sentit l’alerte éclater en lui, cette sensation étrange, ce pressentiment funeste… Mais cette fois, il n’eut pas le temps d’agir.

Le sol explosa.

Un chasseur venait d’ouvrir le feu.

L’onde de choc projeta Adam en avant, lui arrachant un cri. Il s’écrasa durement, le souffle coupé. Mais derrière lui…

Derrière lui, un hurlement inhumain déchira l’air.

Il se retourna juste à temps pour voir Eamon, fauché de plein fouet par l’impact.

Le tir le projeta dans les airs, son corps tourbillonnant comme une poupée désarticulée. Un geyser de chair et de sang éclata dans l’air alors que sa jambe droite était littéralement pulvérisée, déchiquetée dans une gerbe écarlate. Des fragments d’os et de tissu arrosèrent le sol, maculant Adam qui regardait la scène avec des yeux écarquillés d’horreur.

Le corps du vieillard retomba lourdement…

Et s’empala sur un morceau de métal saillant.

Un son ignoble retentit. Un craquement, un bruit humide, immonde.

Eamon lutta pour respirer, son visage tordu en une grimace atroce de douleur. Son torse se soulevait dans un effort désespéré, mais son sang s’écoulait trop vite, une rivière pourpre se répandant autour de lui, maculant le sable.

Adam, encore sonné, tenta de se redresser… puis il vit l’horreur.

— Eaaamoooonnnn !!!

Son cri déchira l'atmosphère.

Un hurlement brut, primal, brisé par la douleur et la terreur.

L’archéologue ouvrit lentement les yeux, son regard autrefois vif désormais voilé d’un linceul trouble. Ses lèvres tremblèrent faiblement, cherchant à former des mots qui se perdaient dans le néant.

Adam, les mains ensanglantées et le souffle coupé, se précipita à genoux auprès de son mentor, ignorant le chaos hurlant autour d’eux. Il attrapa la main tremblante du vieil Azarien et la serra avec une force désespérée, comme s’il pouvait ainsi le retenir parmi les vivants.

— Tiens bon… je t’en prie… supplia-t-il d’une voix brisée.

Les larmes ruisselaient sur ses joues, s’écrasant sur le sol souillé de sang et de cendres.

Eamon n’avait jamais été qu’un simple professeur pour lui. Il avait été son guide, son refuge. Celui qui l’avait sauvé de la solitude après la mort de ses parents, celui qui l’avait emmené à l’Institut Mazari, celui qui avait cru en lui alors que personne d’autre ne l’avait fait. Il n’était pas qu’un mentor… Il était un père.

Le vieux docteur tenta de parler, mais seul un râle douloureux s’échappa de sa gorge. Ses yeux, autrefois brillants de curiosité et de sagesse, perdaient peu à peu leur éclat, s’éteignant avec la vie qui s’effilochait en lui. Dans un dernier sursaut de volonté, il serra la main d’Adam, ses doigts noueux tremblant sous l’effort.

Puis, dans un souffle fragile, il murmura :

— Adam… Je suis… si fier de toi…

Un violent spasme secoua son corps meurtri. Il toussa violemment, rejetant une gerbe de sang qui coula en filet le long de son menton.

— Non… non, pas ça… gémit Adam, secouant la tête comme si le simple fait de nier pouvait inverser l’inévitable.

Mais Eamon lutta encore, rassemblant le peu de force qui lui restait. Son regard s’accrocha à celui d’Adam, un dernier éclat d’urgence y brillait.

— Tu…dois trouver.. l'Asc..endium...tu dois… comprendre… c’est… notre espoir…

Adam sentit son cœur se tordre dans sa poitrine.

— L’Ascendium ? Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi c’est notre espoir ?! Eamon, je ne peux pas y arriver sans toi !

Mais la voix du vieil homme s’affaiblissait déjà, filant entre les ombres comme une flamme vacillante. Il s’efforça d’articuler une ultime phrase :

— Tu… es… meilleur… que moi… Trouve… L’Ascendium… c'est... les… Esth…

Sa main retomba, inerte.

Son regard se vida, figé à jamais dans un dernier éclat éteint.

Le souffle d’Eamon s’évapora.

Un silence glacé s’abattit sur Adam.

Le jeune homme resta figé, incapable d’accepter l’évidence. Il serrait toujours cette main qui se refroidissait déjà, sentant la chaleur de la vie s’enfuir lentement du corps de son mentor.

Un vide abyssal s’ouvrit en lui.

Un hurlement muet gonfla sa poitrine, mais aucun son ne parvint à franchir ses lèvres.

Eamon Voss n’était plus.

Et Adam n’était plus qu’un homme brisé, perdu au milieu des cendres et du sang.

Le bruit lourd des pas des soldats martelant le sol le ramena brutalement à la réalité. Il n’avait plus le temps de pleurer Eamon. Chaque seconde comptait, et la moindre hésitation pourrait les condamner. Adam se redressa difficilement, ses jambes tremblantes sous le poids de la douleur et du chagrin. En essuyant ses larmes, il sentit le sang de son ami maculer son visage, la chaleur de la vie de celui-ci qui s’échappait à tout jamais. Il se tourna vers le vaisseau. Si honorer les derniers mots d’Eamon avait un sens, c’était dans la survie.

Il se mit à courir, chaque pas douloureux, mais il ne pouvait se permettre de faiblir. Il aperçut Kiran et Zena, se cachant à l'ombre du vaisseau, pris au piège sous le feu incessant des soldats.

Zena leva les yeux en le voyant arriver, une question poignante prête à sortir de ses lèvres.

— Et Eamon ?... murmura-t-elle, déjà en connaissant la réponse, mais espérant contre toute attente une autre vérité.

Adam, rongé par la douleur, se contenta de hocher la tête, incapable de prononcer le moindre mot. Il baissa les yeux, un poids immense pesant sur ses épaules.

— On n’a plus le temps, il faut partir maintenant ! Les soldats arrivent ! ordonna-t-il, d’une voix forte, brisée mais déterminée.

Zena et Kiran acquiescèrent sans un mot, les yeux emplis de cette tristesse lourde qu’aucune parole ne pouvait apaiser. Tous trois se précipitèrent vers la rampe du vaisseau, leur seul espoir de survie. Les tirs de blasters fusaient autour d’eux, de plus en plus intenses, comme une danse macabre de lumière et de feu, mais Adam, guidé par cette intuition qu’il ne comprenait pas lui-même, esquivait les projectiles avec une agilité presque surnaturelle, entraînant ses compagnons dans son avancée.

La rampe d’accès était abaissée, comme une bouche béante attendant son dernier espoir d’équipage. Ils se précipitèrent à l’intérieur, et Kiran, d’un geste vif, appuya sur le bouton de fermeture. La rampe se mit lentement à se refermer, mais les tirs de blasters s’intensifièrent, frappant la carlingue du vaisseau avec une violence terrifiante. Des éclats de lumière jaillissaient à chaque impact, des étincelles dansaient autour d’eux, signe que l’armure du vaisseau était gravement endommagée.

Kiran se précipita vers la passerelle, son visage marqué par la peur, et commença à amorcer le décollage. La rampe se ferma enfin dans un fracas métallique, juste à temps, alors que le dernier des tirs atteignait l’ouverture, brisant l’air dans un éclat fatidique.

Mais alors qu’Adam se tournait pour chercher Zena, il aperçut l’horrible vérité. Zena, les yeux égarés et le corps tremblant, s’effondra dans ses bras. Un cri étranglé s’échappa de sa gorge alors que le sang commençait à s’écouler de sa bouche, signe évident d’une blessure grave, probablement un poumon perforé.

— Zena ! s’écria Adam, la serrant contre lui, son cœur battant dans une frénésie de panique et de douleur.

Elle leva des yeux emplis de terreur, de confusion et de douleur, sa respiration haletante, comme si chaque souffle lui arrachait un morceau de vie.

— Adam... qu’est-ce qui m’arrive ? J’ai froid... tellement froid... murmura-t-elle faiblement, sa voix brisée par les spasmes, son corps tremblant comme une feuille sous la tempête.

— Tiens bon, Zena, reste avec moi, supplia-t-il, les larmes coulant sur ses joues, brisant son visage de douleur. Regarde-moi, ne ferme pas les yeux. Tu vas t’en sortir, d’accord ?

Elle secoua lentement la tête, ses yeux brillant d’une peur dévorante, une peur qu’Adam n’avait jamais vue chez elle.

— Je... je sens plus rien... tout devient flou... dit-elle, chaque mot semblant l'éloigner un peu plus de lui.

Adam, accablé par l’impuissance, se pencha sur elle, cherchant désespérément un moyen de la ramener à la réalité, de l’empêcher de sombrer. Il lui agrippa les épaules, la secouant doucement.

— Zena, écoute-moi. Souviens-toi de Darania, ton monde. Rappelle-toi des vastes plaines violettes, des forêts d’arbres cristallins qui scintillent sous la lumière de l’étoile rouge. Souviens-toi des montagnes majestueuses, des rivières d’améthyste. Pense à ta famille, à ta petite sœur qui t’attend là-bas. Sa voix tremblait, luttant pour garder espoir, Pense à tous tes rêves, tout ce que tu voulais accomplir. Tu es forte, plus forte que quiconque. Je t’en prie, ne laisse pas tout ça s’éteindre. Reste avec moi.

Zena tenta un sourire si faible, si brisé, qu’Adam se demanda s’il n’était qu’une illusion, avant qu’une quinte de toux sanglante ne vienne briser ce fragile espoir. Elle toussa, crachant du sang, ses yeux remplis d’un mélange de désespoir et de regret.

— Adam... dit-elle d’une voix étouffée par ses sanglots, Ma sœur... me manque tellement... j’aurais voulu la revoir une dernière fois, serrer mes parents dans mes bras encore...

Adam resserra son étreinte autour d’elle, son cœur se déchirant sous la lourdeur du moment. Il ferma les yeux un instant, sentant la chaleur de sa vie s’échapper.

— Tu vas revoir ta sœur, et tes parents. Ne t’inquiète pas. Tu vas t’en sortir, tiens bon. D’accord ? sa voix se brisait sous la pression de l’émotion, une ultime promesse qu’il savait peut-être ne jamais pouvoir tenir.

Les yeux de Zena se remplirent de larmes, et une nouvelle toux douloureuse secoua son corps.

— Adam... je suis tellement... Elle ferma les yeux un instant, une souffrance infinie traversant son visage. La fin était proche.

Elle ferma les yeux.

— Non, Zena, non ! cria Adam, sa voix déchirée, ses paroles se noyant dans une mer de désespoir. Reste avec moi ! Ne pars pas ! Son corps tremblait alors qu’il la secouait, ne parvenant à croire à ce qui se passait.

Zena ouvrit ses yeux une dernière fois, un regard faible, presque absent, avant que sa respiration ne devienne encore plus lente, puis s’éteigne complètement.

Son corps, soudainement lourd et froid, se posa sans vie dans les bras d'Adam, qui resta figé, l’âme brisée, serrant sa partenaire, une dernière fois. Il sentit la chaleur de sa vie se dissiper comme un rêve évanescent, l'ultime souffle de Zena s'échappant sans un bruit.

Adam, à genoux, tenait son amie morte contre lui, sa propre existence s’effondrant en un abîme sans fond. La douleur était trop vive, trop réelle. Il avait perdu tout ce qu'il aimait.

Adam, anéanti, laissa échapper un cri de désespoir, son écho se répercutant dans le vaisseau. Les larmes coulant librement sur son visage, il pressa son front contre celui de Zena, incapable de supporter la perte.

Tout autour de lui, le fracas du chaos se suspendit un instant, comme si le monde retenait son souffle, respectant l'agonie du camp. Puis, le tumulte reprit de plus belle. Le vaisseau tremblait sous les impacts, mais Kiran, malgré la tragédie qui venait de frapper, ne pouvait se permettre une seule distraction. Il était le seul à pouvoir maintenir la manœuvre du vaisseau, et il avait besoin d’Adam.

— Adam, j'ai besoin de toi à la passerelle ! Sinon on décollera jamais ! cria Kiran, sa voix tendue par l'urgence, résonnant à travers les haut-parleurs internes du vaisseau.

Adam, pris dans la lourdeur de la douleur et du chagrin, reprit difficilement ses esprits. Ses mains tremblaient, la douleur d'une perte insupportable lui broyant le cœur. Il laissa un dernier regard lourd de tristesse sur le corps de Zena, la souffrance brûlant ses entrailles. Il s'efforça de reprendre son souffle, rassemblant toutes ses forces. Lentement, il se redressa, chaque muscle en douleur, chaque pensée obnubilée par l'horreur du moment. Il posa Zena au sol, avec une délicatesse douloureuse, comme s'il pouvait encore réparer ce qui avait été brisé. Puis, d’un geste presque mécanique, il se précipita vers la passerelle, le poids de la perte encore vif dans son esprit.

— Ok, je dois faire quoi ? demanda-t-il d’une voix brisée, les yeux rouges, noyés de larmes, mais une détermination froide perçant à travers la souffrance.

Kiran, sans détour, s’adressa à lui avec la précision d’un homme contraint à la survie.

— Gère la poussée des moteurs auxiliaires ! Moi, je m’occupe de la trajectoire ! ordonna Kiran, ses yeux brillant d’une intense concentration.

Le vaisseau rugit, s'arrachant enfin au sol, une bête blessée cherchant la liberté. Le sol du monde qu’ils quittaient se dérobait sous leurs pieds, laissant derrière lui un champ de ruines et de cendres. Adam, toujours bouleversé, fixait l’horizon par le hublot, les larmes mouillant son visage. Mais ce n'était pas l'horizon qu'il voyait. Des silhouettes hantaient sa vue — celles de Zena, d’Eamon, de Koros. Des spectres vivants qui danseraient à jamais dans les recoins de sa mémoire. Les visages de ses amis disparus, les âmes brisées qu'il n'oublierait jamais.

Il serra les poings, une rage sourde naissant dans ses entrailles.

— Le Consortium... murmura-t-il à lui-même, sa voix tremblante mais emplie d'une détermination nouvelle. Il ne pouvait pas leur pardonner. Il ne le ferait pas.

Une promesse silencieuse s’éveilla en lui, plus forte que jamais : il découvrirait la vérité, il honorerait la mémoire de ses camarades, et il ferait payer le Consortium pour tout ce qu’ils avaient fait. Mais surtout, l’Ascendium… Qu'était-ce ? Un espoir, une clé ?

Il jura de découvrir toutes les réponses. Peu importe le prix. Peu importe les sacrifices à venir.

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