Un Saut pour l'inconnu

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Une salve de lasers verts jaillit, filant droit sur eux à une vitesse fulgurante. Kiran, dans un réflexe surhumain, inclina brusquement le vaisseau sur le côté, pivotant à 90 degrés. Les rayons passèrent à un cheveu de la carlingue, faisant vibrer toute la structure.

Mais un nouvel avertissement apparut sur le tableau de bord.

— Merde… murmura Kiran.

Le système de compensation inertielle venait de céder. Désormais, chaque manœuvre serait ressentie dans toute sa brutalité par l’équipage. Une douleur fulgurante traversa son corps alors qu’il tentait de stabiliser l’appareil.

Adam, les mains couvertes de suie, sortit enfin la tête de la console.

— C’est maintenant ou jamais !

Kiran jeta un regard inquiet au radar. Le chasseur ennemi était trop proche. À cette distance, esquiver un tir devenait impossible.

— Au prochain tir, on est finis ! lança-t-il, la voix tremblante.

Adam se rua sur sa console, tapa furieusement les coordonnées de Neuror et valida la séquence.

Devant eux, un éclair vert embrasa l’espace. Une nouvelle salve d’énergie mortelle fusa vers eux.

— MAINTENANT !

Kiran frappa la commande d’hyperespace.

Les lumières du cockpit vacillèrent. Une secousse traversa le vaisseau. Une lueur éblouissante enveloppa l’appareil.

Une bulle translucide s’étira autour d’eux, pulsant d’une intensité surnaturelle. L’espace se tordit, s’étirant comme du verre en fusion. Puis, le chaos devint lumière.

Autour d’eux, des flux lumineux surgirent de nulle part, des traînées scintillantes ondulant en une mer de poussière cosmique. Des vagues d’énergie iridescentes filaient à une vitesse indescriptible, un océan d’étoiles distordues s’étendant et se repliant dans un ballet cosmique perpétuel.

Le vaisseau lui-même sembla se fondre dans cet océan. Son contour se brouilla, projetant des ombres fantomatiques qui se superposaient à sa propre silhouette. Il était entre deux mondes, suspendu dans l’éther du temps et de l’espace.

Ils avaient réussi.

Trop proche du vaisseau, le chasseur léger fut happé par le vortex d’hyperespace naissant. Les instruments du pilote s’affolèrent, les alarmes hurlant dans son cockpit alors qu’il luttait désespérément pour stabiliser son appareil. Mais c’était peine perdue.

Le souffle titanesque de l’énergie libérée par la déchirure de l’espace-temps exerça une pression insoutenable sur la coque du chasseur. Les circuits explosèrent en cascade, les panneaux de contrôle se fragmentèrent sous l’intensité des forces gravitationnelles.

Puis, en une fraction de seconde, l’inévitable se produisit.

Le pilote tira sur ses commandes dans une tentative désespérée d’échapper à l’attraction du vortex. Mais c’était trop tard. Son chasseur trembla, vrilla violemment… avant d’être avalé tout entier dans l’abîme déchiré de l’espace-temps. Un dernier cri résonna dans la radio. Puis plus rien.

Adam et Kiran échangèrent un regard mêlant soulagement et épuisement. Enfin, ils étaient en sécurité. Enfin, ils avaient échappé au Consortium. Enfin, un moment de répit… du moins, pour l’instant.

Le vaisseau, en piteux état, se stabilisa dans le couloir hyperspatial, loin du danger immédiat. Adam s’affala dans son siège et laissa échapper un long soupir.

— On l’a fait… on a survécu… murmura-t-il.

— Oui… souffla Kiran en hochant la tête, les yeux rougis par la fatigue.

Pendant ce temps, à bord du vaisseau du Consortium en orbite autour d’Oberon V, le Commandant du Corps DELTA parcourait les rapports de l’opération menée en surface. Il n’y avait plus rien. Plus aucune trace des fouilles archéologiques. L’édifice Esthérian avait été effacé de l’univers, remplacé par un champ de roches fumantes. Une plaie béante, visible depuis l’orbite.

Aucune preuve n’avait survécu.

Le Général Ryden en serait satisfait. Pourtant, une ombre ternissait ce succès : un vaisseau. Un vieux tas de ferraille. Deux archéologues.

Par un miracle incompréhensible, ils avaient réussi à fuir. Pire encore, dans leur course désespérée, ils avaient abattu trois chasseurs.

Mais leur répit serait de courte durée.

Les coordonnées de leur fuite avaient été interceptées. Leur destination était claire : Neuror.

Il fixait l’écran holographique, scrutant les rapports qui défilaient sous ses yeux. Son visage restait impassible, mais une lueur de frustration trahissait son regard. La fuite de ce vaisseau compliquait tout.

— À tous les soldats ! Préparez-vous, nous mettons le cap sur Neuror ! Nous n’avons pas droit à l’échec. Mission d’interception en approche !

Sa voix froide résonna à travers l’intercom du vaisseau, implacable.

"Nous devons les éliminer avant qu’ils ne puissent prononcer le moindre mot sur Oberon… sinon…" pensa le Commandant.

Mais il n’avait pas le luxe d’attendre Neuror. Il devait faire son rapport au Général Ryden. Peut-être serait-il compréhensif… Peut-être pas. L’issue de cette mission déciderait de son avenir. Et si elle était considérée comme un échec, il en assumerait seul les conséquences.

L’échec, dans le Consortium, n’était pas toléré.

Inspirant profondément, il entra dans la salle de commandement du vaisseau de transport. Les murs de métal froid et les lumières tamisées accentuaient l’atmosphère pesante.

La pièce circulaire était conçue sur deux niveaux.

Le premier, en contrebas, regorgeait de consoles et de panneaux de contrôle, où des opérateurs s’affairaient en silence, surveillant chaque paramètre du vaisseau. Chacun était absorbé par sa tâche, une mécanique bien huilée, disciplinée.

Le second niveau dominait la salle depuis un pont métallique, offrant une vue panoramique sur l’ensemble des postes d’opération. Et au centre de cette plate-forme trônait une sphère énigmatique, flottant légèrement au-dessus de son socle. Une lueur bleutée pulsait doucement en son cœur, tantôt floue, tantôt translucide.

À son entrée, les gardes postés de chaque côté s’écartèrent avec respect.

Le Commandant s’approcha lentement de la sphère, déglutit, puis tendit la main pour l’activer. L’interface vibra et, en une fraction de seconde, établit une connexion sécurisée avec le Général Varek Ryden.

Quelques secondes plus tard, un hologramme trembla, puis se stabilisa. La silhouette du Général Varek Ryden apparut, flottant au-dessus du dispositif de communication. Son regard perçant se posa sur le Commandant, impassible mais pesant, attendant son rapport.

— Commandant ! déclara-t-il d’une voix grave. Au rapport !

Le Commandant se redressa aussitôt, exécuta un salut militaire, puis joignit ses mains derrière son dos.

— Général, j’ai des informations cruciales à vous transmettre... Mais elles ne sont pas toutes positives.

Les antennes du Vortach frémirent légèrement à cette annonce. Ses yeux de prédateur, aux reflets sombres et changeants, s'assombrirent encore.

— Parlez.

— Vos craintes étaient fondées, mon Général. Nous avons identifié l’origine du pic d’énergie.

— Bien. Continuez.

— Il était d’origine Esthérian.

Un silence pesant s’installa, brisé par la voix froide du Général.

— Esthérian... De quelle technologie s’agissait-il ?

— Un centre d’expérimentation. Du moins, d’après les quelques données que nous avons réussi à extraire.

— Quel genre d’expérimentation ?

— Nous l’ignorons.

— Représente-t-il un risque, Commandant ?

— Plus aucun, mon Général. Nous l’avons effacé. Toute la surface du site a été anéantie sur plusieurs kilomètres. Aucun être de cette galaxie ne pourra jamais en percer les secrets.

Ryden hocha lentement la tête, satisfait.

— Bon travail, Commandant.

— Merci, mon Général.

Mais le regard du Vortach ne se radoucit pas. Son ton redevint glacial.

— Cependant… vous avez parlé de mauvaises nouvelles.

Le Commandant déglutit alors que les redoutables mandibules du Vortach s’orientaient légèrement dans sa direction, signe d’une attention carnassière.

— En effet... Un groupe d’archéologues était présent sur les lieux. Cinq individus.

— Cinq ? Réduit au silence ? interrompit immédiatement le Général, ses yeux plissés.

— Non, mon Général. Trois ont été éliminés… mais deux ont réussi à fuir à bord d’un vieux vaisseau. Nous avons intercepté leurs coordonnées : ils se dirigent vers Neuror. Une mission d’interception est en préparation.

Un silence glacial s’abattit.

Le Général Ryden croisa les bras. Lentement, il leva sa main gauche et la serra en un poing impitoyable, son visage se durcissant davantage. Ses yeux aux millions de facettes se posèrent sur le Commandant comme une menace silencieuse.

— Vous réalisez que votre mission est un échec ?

Le Commandant baissa brièvement la tête, écrasé par le poids de sa propre défaite.

— Oui, mon Général. J’en assume l’entière responsabilité... et j’en accepterai les conséquences.

Ryden sembla peser ses options, son regard devenant aussi froid qu’une lame d’acier.

— Comprenez-vous les conséquences de cet échec ? Si ces témoins — ces traîtres — révèlent ce qu’ils ont découvert, cela pourrait compromettre tout le Consortium.

Sa voix gronda, rauque, implacable.

— La technologie Esthérian, entre de mauvaises mains, pourrait briser l’équilibre des forces dans tout le Bras d’Orion.

Le Commandant serra les dents.

— Oui, mon Général...

— Non ! Je ne pense pas que vous saisissiez pleinement la gravité de la situation, Commandant ! Si ces informations venaient à être divulguées, peu importe leur nature, elles pourraient déclencher une guerre civile ! Ces secrets doivent rester à jamais oubliés !

— Oui… Mon Général.

Le Vortach le jaugea un instant, silencieux, puis abattit son verdict.

— Cet échec est un déshonneur pour vous. Une menace pour notre sécurité. Une humiliation pour moi.

Il marqua une pause, puis ordonna d’une voix tranchante :

— Faites venir votre Lieutenant Général.

Le Commandant n’hésita pas une seconde et exécuta l’ordre sans tarder. Quelques minutes plus tard, un homme en uniforme impeccable pénétra dans la salle d’opérations. Il s’approcha du Commandant et se tint au garde-à-vous, droit, vigilant.

Le Général Ryden fixa le nouveau venu, l’observant comme un prédateur jauge sa proie.

— Votre nom, Lieutenant ?

L’officier redressa encore davantage son dos, ses traits fermes et déterminés.

— Lieutenant-Général Marcus Renfield, à vos ordres, mon Général ! répondit-il en exécutant un salut militaire parfait.

— Repos, Lieutenant.

Il marqua une pause, l’examinant encore un instant.

— Vous avez suivi les événements. Comprenez-vous la gravité de la situation ?

— Oui, mon Général ! répondit Marcus avec fermeté. Nous devons stopper ces fugitifs immédiatement.

Un mince sourire carnassier apparut sur les mandibules du Vortach.

— Très bien. Vous êtes désormais à la tête de cette mission.

Un silence s’installa, puis Ryden énonça son ordre ultime :

— Interceptez ce vaisseau avant son arrivée sur Neuror. Vous avez quartier libre.

Son regard s’assombrit encore.

— Vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Ce revirement brutal, le Commandant savait ce qu’il signifiait pour lui. Une vague de résignation l’envahit. D’un geste lent, il retira son casque et se tourna vers Marcus Renfield.

Le regard du Lieutenant-Général était glacial, dénué de la moindre pitié.

Le Commandant entrouvrit la bouche, cherchant ses mots. Mais il savait. Aucune excuse ne le sauverait. Son cœur battait à tout rompre, une sueur froide glissa le long de sa nuque. Il déglutit, le regard figé sur Renfield.

— Ce fut un honneur de vous servir, Général Varek Ryden.

Un instant de silence.

Le blaster jaillit.

Un tir. Précis. En pleine tête.

La détonation résonna, brisant l’immobilité de la salle. Le corps s’effondra, lourdement, dans un fracas métallique. Une gerbe de sang éclaboussa le sol. Une odeur âcre de chair brûlée se répandit tandis qu’un mince filet de fumée s’échappait du crâne calciné.

Un instant, les opérateurs suspendirent leurs gestes… avant de reprendre leur travail comme si de rien n’était.

La sanction était sévère. Mais c’était la marque de fabrique de Ryden. Aucun échec n’était toléré.

Le Général pointa un doigt autoritaire vers Renfield, son ton tranchant comme une lame :

— Bien. Commandant Renfield, ne me décevez pas !

— Compris, Général ! répondit Marcus, exécutant un salut militaire impeccable.

Le nouveau Commandant du Corps DELTA fixa le Vortach, résolu à prouver sa valeur.

Ryden hocha lentement la tête, satisfait.

— Que cette mission soit menée avec la plus grande efficacité. Le temps nous est compté. Vous avez quartier libre pour éliminer ces traîtres.

— Nous n’échouerons pas, mon Général ! déclara Renfield d’une voix ferme.

— Bien.

L’hologramme du Général Ryden vacilla, puis s’évanouit.

Marcus resta seul sur la plateforme, son regard toujours dur. Il inspira profondément, puis se tourna vers les opérateurs.

— Branchez-moi sur l’intercom.

Un bip résonna, confirmant la connexion.

— Préparez le vaisseau et nos troupes. Calculez les coordonnées du saut en hyperespace. Destination : Neuror !

L’activité dans la salle s’intensifia aussitôt. Les opérateurs pianotaient sur leurs consoles, synchronisant les trajectoires. Les soldats, déjà en tenue, affluaient vers les hangars. Dans la baie d’armement, les chasseurs étaient déverrouillés, prêts à bondir dès la sortie du saut hyperspatial.

Renfield balaya la salle du regard. Chacun connaissait son rôle.

— Lieutenant Dawson, préparez-vous à une interception éclair. Nous devons frapper immédiatement à la sortie de l’hyperespace. L’ennemi ne doit pas avoir le temps de réagir.

— Compris, Commandant. répondit Dawson via l’intercom, avant de se diriger d’un pas vif vers le hangar des chasseurs.

Marcus resta un instant immobile, les yeux rivés sur l’immensité de l’espace à travers le hublot. Il savait que cette mission ne déterminait pas seulement son avenir, mais aussi celui du Consortium. Chaque ordre, chaque décision, devait être parfait.

Une alerte sonore retentit.

— Saut hyperspatial dans cinq… quatre… trois… deux… un ! annonça l’officier de navigation.

Un grondement sourd parcourut le vaisseau alors qu’une onde d’énergie enveloppait sa coque. En un instant, il s’arracha à son point d’origine, englouti dans un vortex bleuté, traversant l’hyperespace à une vitesse incommensurable.

Le voyage serait court.

Renfield serra les poings. Il repensa aux mots du Général Ryden.

Il ne pouvait pas échouer.

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