MOKI
Cette saleté de cargaison n’arrête pas de scintiller sur mon tableau de bord. C’est la cinquième fois et ça commence à m’énerver. J’ai eu beau vérifier le verrou magnétique, j’ai l’impression que les variations viennent de l’intérieur.
C’était peut être pas un synthétique après tout, mais ils auraient dû attacher le contenu dans le cargo avant de le refiler à transporter. Ça va arriver en étant endommagé, je veux dire, encore plus endommagé qu’au départ.
J’en profite pour relire le message de mon pote. Il m’indique qu’un commanditaire me cherche personnellement pour un contrat. Déjà, ça a l’air juteux, mais en plus, c’est légal. J’ai toujours rêvé de m’engager à la Starlight. Évidemment, c'est compliqué quand on a pas d’équipage et un vaisseau qui hurle “Bonjour, je suis tuné de partout”. Mais j’ai à peine le temps de finir d’imaginer mon temps à la Starlight que je vois déjà Moki.
Cette station spatiale a été creusée dans un astéroïde. Elle a l’air tellement clean de l'extérieur. J’y avais déjà mis les pieds, mais ça fait un bail. Par contre, la station militaire sur la surface de l'astéroïde, c’est nouveau. Il faut dire que Moki a commencé à attirer les yeux des mercenaires et si personne ne fait un peu de ménage là-bas, ça pourrait finir par ressembler à l’antre de Lloyd.
Ah oui, Lloyd et son “contact” sur Moki. Je me demande bien qui ça peut être, de toute façon, je suis largement en avance et pas question de continuer à bosser sans une petite pause : Direction les docks et un tour au saloon. A dire vrai, je ne m’attendais pas à ça : Les docks sont bien entretenu mais il y a pas mal de vaisseaux kaki ici, et le kaki, c’est la couleur des marines.
Je suis à peine sortie de mon vaisseau qu’un militaire aux allures de bébé m’interpelle. Ce n’est pas pour être méchante, mais j’ai l'impression qu’il a encore du lait maternel autour de la bouche. Il n’a pas de barbe, pas un seul trait de vieillesse, les cheveux trop propre et trop bien coupé pour que ce soit accidentel, uniforme neuf qui sent encore la naphtaline. Il a l’air de s’y connaître en vaisseau par contre:
- Modificateurs SM+1, Propulseurs de course ingé puissante brute, je ne reconnais pas le revêtement, et c’est quoi ça des Vendetta Mk3 ?
- MK4…
- Drôlement stuffé pour un vaisseau de transport
Je me demande où il veut en venir, il m’a prise pour une contrebandière ? Si c’est le cas, il a du flair. Un vaisseau aussi rapide et armé, c’est pas commun pour transporter du matos de recup.
- Cargaison précieuse je suppose
Je lui souris :
- Si je vous le dis, je vais devoir vous tuer.
Il sourit en retour :
- Vous êtes pas de Starlight, je ne vois pas le logo…
- Pas encore, mais j’ai bon espoir.
Il tourne le regard un moment et s’attarde sur mon train d'atterrissage. Puis il avance et regarde en dessous en pointant son arme. La lampe torche attachée éclaire le moindre recoin et après avoir inspecté chacun des recoins de chaque train d’atterrissage, il s’approche du verrou magnétique. Je ne sais pas ce qu’il va faire alors je m’approche de lui, doucement, sans geste brusque :
- Vous cherchez quelque chose Lieutenant ?
- Inspection de routine
- Ça n'en a pas l’air.
- Si je vous le dis, il va falloir que je vous tue.
J’ai eu envie de sourire parce qu’il venait de retourner mon argument contre moi, mais sur son visage à lui, il n’y avait aucun signe qui faisait croire qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Il est où mon blaster déjà ? Juste au cas où…
Il s’avance vers moi, le visage serré et inspecte mon accoutrement. Ma combinaison est ouverte, j’ai fait un nœud avec les manches autour de la taille. Il soulève doucement les manches et il voit mon arme dessous attachée à mon baudrier. Je recule un peu et le sabot de ma botte cogne contre la paroi du sol comme un rappel des distance de sécurité :
- Quelque chose à déclarer ?
- Un blaster, un couteau, une torche plasma et une clef à molette...
Il me regarde d’un air surpris :
- Dans ma poche ventrale
- Bienvenue à Moki
Je regarde son uniforme encore une fois. Il beau porter l’uniforme, je ne vois ni son matricule, ni son nom :
- Votre unité est affectée ici ?
- Non
Il prend sa radio et signale à son supérieur :
- Rien à signaler ici.
Je suis un peu surprise de l’accueil de Moki. C’est très différent de mon souvenir mais maintenant que je n’ai plus mon attention sur lui, je me rend compte que les marines présents font de même pour chaque vaisseau ici.
Il n’y a pas de doute, ils cherchent quelque chose et je doute qu’il s’agit d’une cargaison. Je regarde en direction de l'ascenseur. Personne, est ce qu’ils considèrent la zone d’entrée comme une zone à risque ? C’est encore ma déformation professionnelle qui revient au galop.
Mais bon, j’ai un rendez-vous avec le saloon. Une fois à l’intérieur, je vois que l’ambiance est décontractée. Je me pose au bar et demande une limonade. C’est le moment de faire claquer ma paille personnalisée pour siroter tranquillement. J’ai bien fait de garder l’oreille tendue parce que j’entends des marines à la table non loin de là :
- Ca fait des heures qu’on cherche, à mon avis, c’est peine perdue
- Ouais ben, c’est pas à moi qu’il faut dire ça.
- Sans déc, combien de temps peut-on survivre sans oxygène là dehors ?
- J’en sais rien moi, laisses moi profiter de la pause.
Un déserteur… C’est une très grosse probabilité. Le contact de Lloyd n'a pas choisi le bon moment pour se pointer, j’espère pour lui qu’il était déjà là avant la fouille parce ce que sinon, il doit être en taule à l’heure qu’il est.
Je n’ai pas souvenir de m’être assoupie, pourtant, un homme est venu s'asseoir à côté de moi. Je ne l’ai ni entendu, ni senti venir, il est juste venu comme un fantôme. J’ai vraiment failli sursauter quand j’ai entendu sa voix grave et monocorde demander un verre d’alcool. J’ai croisé son regard et je ne l’oublierai jamais.
Il avait des yeux gris, froid comme les glaciers UV-6, des cheveux aussi sombres que l’espace, on aurait dit la manifestation vivante d’un trou noir. Je me sentais vraiment mal à l’aise à côté de lui.
Mais mon ami est venu pile à ce moment à côté de moi :
- Hey, yo, Comment va ?
Je me tourne pour lui faire face. Toujours aussi grand, toujours aussi massif, toujours aussi… souriant. Ses dreadlocks avaient encore poussé, elle lui arrivait facile jusqu’au milieu du dos :
- Ca a changer, Moki
- Victime de son succès. T’as toujours le Gibson, je l’ai vu aux docks.
- Oui, tu as changé de vaisseau ?
- Je suis l’heureux propriétaire du Memento.
Je tire encore une fois une gorgée de limonade. Il y a un genre de silence :
- Ben, t’attend quoi ? Fais voir.
Nous quittons le saloon, mais je sens encore le regard glacial du type dans mon dos. Heureusement, mon ami est là pour me détourner de cette sensation et il pousse à l’extérieur avec son avant musclé appuyé sur mes reins.
C’est quand même quelque chose le Memento. Il a visé la catégorie au dessus, fini les vaisseau de taille moyenne, il avait choisis un vaisseau large, massif, le simple fait de voir sa ventilation fonctionner me coupait le souffle :
- Que… Comment ?
- Cadeau, pour le contrat signé
- Cadeau ? Un vaisseau de classe L ? Tu te fous de moi ?
- Non non, je t’assures
Je regarde le flanc du vaisseau mais je ne distingue aucune marque, pas d’affiliation, pas de corpo.
- T’as signé où ?
- Chez Nordic
- La nouvelle firme ?
- Yep
J’avais déjà entendu parler de Nordic, c’est une nouvelle firme, pas un conglomérat ou une nouvelle corpo, vraiment quelque chose de plus authentique. Malheureusement, je n’en ai pas entendu que du bien, il paraît que leur contrat sont un peu abusif sur les bords :
- T’es sûr de ton coup là ?
- Grave, le seul petit souci, c’est que je ne peux pas sortir d’ici pour l'instant.
Je lève un sourcil d’incompréhension et il poursuit :
- Trop massif, l’armée cherche un truc ici et mon vaisseau est troooooooop gros pour le laisser partir avant la fin de l’exercice.
- Tu m'étonnes, tout ce qu’on peut planqué dedans… T’as un équipage au moins ?
- Pas encore, mais ça va venir.
- Je pense qu’on te laisse pas partir parce que tu risques de blesser les militaires à manoeuvrer un engin pareil tout seul.
- Ha, ha, très drôle, tu verras.
Il me pousse de manière amicale et nous nous dirigeons vers sa fameuse affaire. C’est tout de même étrange qu’il choisisse Nordic alors qu’il vient me proposer un contrat pour Starlight.
Il y a plein de choses qui peuvent faire dérailler une balade, c’est comme une horlogerie qui ne supporte pas le moindre grain de sable dans son système mais parfois, il suffit d’un chat. Un simple chat, je l’ai vu partir en courant dans le sens inverse de notre direction. Un militaire lui courait après et je l’ai vu porter son arme à l’épaule. Ca a été très vite, mais j’ai vraiment eu l’impression que j’avais fait ce qu’il fallait, j’ai plongé sur mon ami, j’ai entendu le tir.
Mon ami et moi avons touché le sol. J'ai vu le militaire continuer à avancer vers le chat. Mon ami avait l’air désemparé, il paniquait. Il s’est retourné et à regarder le militaire poursuivre le chat et je l’ai entendu appeler à l’aide. J’ai voulu demander à mon ami si ça allait mais j’ai craché du sang, il en avait plein le visage. J’ai senti ses mains massives se poser sur mon ventre et me dire de rester calme. T’es marrant toi…

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