LE HALL

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J’ai été déçue de l’accueil. Il n’y avait que 3 militaires et une foule, dont le médecin de tout à l’heure qui a détourné les yeux en me voyant arriver.

L’autre inconnu connu, c’était l’homme du saloon, celui avec les yeux gris. Je vais l’appeler l’homme à la cigarette parce que dans la situation présente. C’est la seule chose qui transparaît de lui. Il est debout, froid, fixant le mur en fumant une cigarette. Il a plus l’air d’attendre que de se détendre.

Les autres militaires ont l’air aussi paniqués que notre cher caporal, mais au moins, ils ont une radio. On a un groupe de personnes assez distinctes, des malades, des blessés, du personnel de soin. Mais peu de gens pour un hôpital.

Yvain s’approche de moi :

  • Tu crois qu’ils ont eu le chat ?

Je le regarde d’un air circonspect, j’avais oublié le chat. La troupe de militaire ici présente n’était là que pour évacuer les civils de l'hôpital. Pas étonnant qu’ils soient aussi désoeuvrés. Le gros des forces a dû être mobilisé pour… Le chat.

Bon, j’en avais un peu marre de cette histoire. J’allais avancer vers les militaires quand mon regard a croisé celui de l’homme à la cigarette. Pour une raison que j'ignore, mon déplacement vers le centre de la salle l’a alerté. J’ai reposé mes mains sur la chaise et mon premier réflexe a été de voir comment ma plaie allait.

Je pense que je pourrais me lever si la situation le demandait.

  • Est ce que tout le monde est là ?
  • Oui Sergent
  • Caporal ?
  • Je… Oui… Sergent

J’ai eu une pensée pour le pauvre gars qu’il avait abattu dans un couloir. Yvain m’a regardé d’un oeil inquiet lorsque le sergent a lancé :

  • Ok, inspection

Les soldats ont commencé à échanger des murmures. Ils se sont ensuite séparés dans la salle pour interroger et inspecter les gens.

L’homme à la cigarette s’est rapproché de la porte. Etant donné la signalisation, c’est une sortie de secours. Les soldats continuèrent leur manège puis l’un d’entre eux est arrivé vers l’homme. Il lui a posé des questions et l’a inspecté.

Yvain ricana à voix basse :

  • Ce type est calme comme une tombe… Je sais pas ce qu’il fume, mais ça doit être de la bonne.

La braise rouge de sa cigarette s’embrasa un peu plus fort. L’homme releva légèrement la tête, sans un mot.

Le ricanement d’Yvain mourut dans sa gorge. Le silence devint trop lourd. Et quand il posa la main sur la poignée de la porte, j’ai senti que ça allait très mal finir.

Notre médecin a été inspecté et ses réponses ont l’air d’énerver un des soldats qui l'a poussé violemment au sol. Les gens avaient l’air choqués et Yvain est venu à côté de moi :

  • Tu peux marcher ?
  • Oui, je crois
  • Je le sens pas ce coup là

Je me suis servi de son épaule comme soutien pour me lever. Une fois debout, je ne sens plus trop la douleur. C’est la transition entre les positions qui était difficile. Je pense que j’ai bien fait parce qu’un soldat à côté de moi, viens de regarder la chaise roulante et la pousser d’un grand coup de pied. Yvain l’a regardé :

  • Vous êtes malade ?
  • Pas de chaise roulante, on va bouger
  • Elle est blessée
  • Si elle peut pas marcher, laissez-là

J’ai cru avoir mal entendu, mais je ne comprend pas l’intérêt de laisser les blessés qui ne peuvent pas marcher lors d’une évacuation. Nous sommes quoi ? Des boucliers de viande ? Je n’ai même pas eu le temps de lui poser la question. J’entend un coup de feu partir. Au sol, gisait l’infirmière aveugle. Elle avait une blessure ouverte dans le thorax. On venait de lui administrer une dose de plomb direct dans l’estomac et le soldat responsable la tenait encore en joug. Un des médecins a couru vers elle :

  • Dégagez, dégagez

Le médecin tentait de stopper l'hémorragie. Le corps de l’infirmière se mit à convulser et elle émit un cri aigu des enfers. Tous les militaires se sont tournés vers elle et ont commencé à tirer. Le pauvre médecin qui était entre les deux a été transformé en gruyère, en une fraction de seconde. Le corps de l’infirmière s’est relevé. Elle encaissait des balles mais ne tombait pas. Le sergent a activé le lance flamme et une salve est partie droit sur elle, cramant au passage un des militaires qui se tenait derrière. Celui-là, il n'a probablement pas entendu parler du feu croisé. Le gars est parti comme une boule de feu dans la foule. En plus d’avoir une infirmière zombie en feu et un militaire agonisant et tirant un peu partout, les gens ont commencé à courir.

J’ai cherché l’homme à la cigarette. Il avait disparu. Yvain m’a attrapée par le bras et est partit dans le sens inverse :

  • On bouge !

Impossible de passer par le même chemin. Derrière nous la grille avait été baissée et derrière elle l’homme à la cigarette. Des gens à droite et à gauche hurlaient pour qu’il ouvre. Yvain et moi étions déjà en train d’emprunter un autre passage. Entre les cris, les rafales, le souffle des lance flamme, on aurait cru être devant les portes des enfers. Il va falloir contourner pour atteindre l’entrée des urgences. C’est la seule voie de sortie que je puisse imaginer en l’état.

Il y a bien une ou deux personnes qui nous ont suivis mais guère plus. Je n’ai pas le temps d’imaginer leur sort pour l’instant. Il faut échapper aux marines ET au chat-infirmière-je-ne-sais-quoi qui rôde. J’ai beau boiter, je garde la tête sur les épaules. Je me saisi de mon blaster et je plaque Yvain contre le mur avec le peu de force que j’ai :

  • Attends

Dans la précipitation, je vois des gens courir pour contourner la sortie comme nous. Je n’aime pas ça du tout. Si on se retrouve dans la vague, je vais me faire piétiner. Yvain n’a pas eu besoin d’attendre mon explication. Il décide directement d’emprunter un autre couloir :

  • Tu penses que le chat a infecté l’infirmière ?
  • J’en sais rien Yvain, j’ai juste envie de me barrer d’ici

On passait par un autre couloir et d’après la signalétique, ça menait vers le centre de sécurité. C’était une bonne et une mauvaise nouvelle : La bonne nouvelle, c’est qu’il y aurait probablement des forces armées là bas, et la mauvaise nouvelle, c’est qu’il y aurait probablement des forces armées là bas. Qui sait ce qu’il allait leur passer par la tête quand nous arriverions. La seule chose qu’on pouvait savoir c’est que les militaires étaient passés par là et il y a eu du grabuge.

Les corridors industriels avaient des impacts de balle, ça sentait encore le cramé. Pour l’instant nous n'avions pas trouvé de corps.

On continuait à avancer et par chance on a fini par tomber sur un fusil d’assaut. Le chargeur était à moitié vide, ça allait faire l’affaire. Évidemment, Yvain n’a pas pu résister à l’envie de me demander où était passé le propriétaire de l’arme. Je n’ai vraiment eu aucune réponse à lui donner.

  • J’ai entendu parler de clauses de contrat abusives chez Nordic, t’es sûr de ce que tu fais ?
  • Écoutes, c’est pas ce que … Bordel de merde !

Le caporal de tout à l’heure. Quelles étaient les probabilités pour qu’on le croise ici. Le combat ne s’est pas mené dans le hall ?

  • Qu’est ce que… Qu’est ce que vous foutez là ?
  • On pourrait vous poser la même question
  • Je… Non, non.

Il lève son arme en notre direction et nous faisons de même :

  • Du calme Cowboy, on a pas envie d’en venir au boom boom
  • Nous avons ordre d’évacuer, vous devez vous rassembler au hall

Yvain me regarde avec un air stupéfait et me marmonne :

  • Il tourne en boucle ou quoi ?

J’inspecte l’homme de haut en bas. Il ressemble bien à celui de tout à l’heure mais il n’a aucun signe de combat sur lui. Je n’ai vraiment pas envie de le suivre. J’en profite pour l’interroger un peu :

  • Mais on s’est vu tout à l’heure non ? Vous nous avez déjà escortés dans le hall.

Il a l’air de réfléchir. Puis, il lève son canon dans notre direction pour nous faire avancer dans l’autre direction. Yvain sent que quelque chose cloche, tout comme moi. Ni une ni deux, Yvain lui tire dessus en plein dans la poitrine. L’homme s’écroule au sol. Son sang s’étend en passant par les trous du grillage :

  • On est d’accord que c’était un chat-infirmière machin chose là ?

Yvain me regarde sans savoir trop quoi répondre. Il se penche sur le corps inanimé du soldat. c’est probablement son instinct de mercenaire qui parle. Yvain récupère l’arme du caporal avant de vérifier son poul :

  • Trait plat, il est mort
  • Fais chier

Je grince des dents. Yvain vient d’abattre un soldat de sang froid. Un peu comme le dernier qu’on avait croisé, on a cru que c’était le chat. Je pousse Yvain pour le ramener à l’instant présent et en faisant un pas en avant, on commence à entendre un bruit. Comme une cocotte minute qui se réveille et on voit le corps commencer à convulser. Directement, Yvain se réveille et me porte sur son dos avant de partir à fond de balle dans le corridor.

On entendait encore le corps du caporal se débattre au sol quand on a enfin pu atteindre un sas. Il est lent. Il prend du temps à s'ouvrir et on l'entend derrière nous. Le caporal sprinte en convulsant vers nous.

Yvain me balance par terre. Il me fait passer à coup de pied sous le sas pour que j’entre à l’intérieur. Il se met ensuite à ramper pour passer. Derrière lui, à travers le sas, je vois le caporal qui hurle en fonçant vers nous. Yvain termine de passer dans le sas et j’appuie sur le bouton d’urgence, le sas tombe lourdement. Un grand bruit, puis le silence...

Et Yvain reste coller contre le mur opposé au miens, les yeux dans le vide. De l'autre côté, de la toute petite vitre du sas, on voit le caporal essayer d’arracher les joints avec ses ongles, puis ses dents. Il sort son couteau pour frapper la vitre blindée.

Quand il voit que rien de fonctionne, il fait les cents pas devant le sas en nous fixant :

  • Qu’est ce que c’est que cette merde ?
  • C’est une putain de blague hein ? Dis moi que c’est une putain de blague…

Yvain se relève et regarde à travers la vitre du sas. Il suit le caporal du regard. Puis, il me prend par la main avant de marcher dans la suite du corridor :

  • Il y en a combien à ton avis ?
  • Minimum trois : Le caporal, le chat et l'infirmière
  • Une balle dans le buffet c’est pas suffisant
  • Fusil d’assaut, fusil à pompe, idem

Je regarde mon blaster civil en me disant que ça ne va pas suffire :

  • J’espère que la centrale de sécurité est safe, t’as vu quoi sur la console ?
  • Les vaisseaux n’ont pas de sabot, si on y arrive on pourra décoller

Je pousse un soupir. Je mets mon blaster dans son holster. Yvain me regarde en me poussant légèrement :

  • Aller, on baisses pas les bras

Personnellement, j'avais envie de lui répondre mais j’en avais pas la force. On était en vie, en train de se diriger vers la centrale de sécurité. Pour l’instant la zone de danger était derrière nous. Il y avait juste un hic. Notre corridor menait… A un cul de sac. Il fallait passer par un tunnel de maintenance et, ça, la signalétique s’était bien gardé de nous le préciser.

J’avais besoin d’une pause, juste quelques secondes. Cette boîte noire commençait à peser sur mon dos. Je n'avais pas envie de rouvrir la plaie et on avait besoin d’un plan. A l’entrée du chemin de maintenance, le schémas montre que la centrale de sécurité est au premier tournant à droite:

  • Si on passe par là, on arrive à la centrale
  • Oui mais si on veut partir, vaut mieux aller à gauche, non ?
  • Je sais, je sais. Mais, j’ai pas envie de croiser une de ces choses dans le hangar, tu vois ?

Yvain me regarde. Déjà en tant qu’ancien mercenaire, l’idée de fricoter avec les marines, ça ne le réjouit pas. Mais en plus, on ne sait pas comment différencier les choses des vraies personnes. D’un autre côté, courir comme des poules sans tête vers les vaisseaux pourrait aussi être la dernière chose qu’on fera de notre vie, si on tombe sur une abomination.

Hors de question de se séparer, on a donc choisis de jouer à pierre-feuille-ciseaux. J’avais pas de pièces sur moi.

Finalement, c’est la centrale qui a gagné et il va falloir que je rampe sur le dos. Hors de questions de vider mes tripes dans un conduit graisseux :

  • Tu vas faire quoi avec ton vaisseau flambant neuf ?
  • Transport de passagers
  • Yvain, conducteur de bus spatial ? Oh le mec…
  • T’as oublié les vips et les transports de prisonniers
  • Non, juste je te vois pas faire ça. Yvain, le lion, avec un distributeur de billets et des pina colada ?
  • Y a plus de... Yvain le lion
  • Et le Mirage, ton chasseur ?
  • Gardes le.

Alors il est sérieux… Yvain sans le Mirage, c’est plus le même gars. Nordic l’a fait changer à ce point ? Ils font quoi là bas? Du lavage de cerveau ? On s’arrête un moment. On entend des pas en dessous de nous.

  • Rien à signaler ici, j’installe les drones

Yvain tourne la tête vers moi et chuchote :

  • Des drones ? Mais ils veulent fumer tous les survivants ou quoi ?
  • Chut…

Le soldat reprend :

  • Non, aucun signe mais la source est sûre. La contre-mesure est quelque part dans la station.

Je regarde Yvain et il fait la grimace :

  • Contre-mesure de quoi ?
  • Contre-mesure des supermatou. Je suppose...
  • Allez on avance

Les bruits de pas reprennent. Les soldats ont l’air de se diriger dans le sens opposé au nôtre. C’est une aubaine. La question est de savoir pourquoi ils ne conservent pas la centrale de sécurité comme point stratégique. Ils ont l’air beaucoup plus préoccupés par la chasse aux abominations qu’à la sûreté de la station.

Après plusieurs minutes à suer dans le conduit, on finit par avoir un peu de fraîcheur :

  • Ah ! Enfin, ils ont allumé la clim

Je ris mais j’ai froid. Elle est beaucoup trop forte cette réfrigération. Mais on est presque arrivés. Avec encore une peu d’effort, nous arrivons au panneau de maintenance.

En regardant par la grille, on comprend rapidement qu’on ne va pas pouvoir entrer facilement :

  • C’est blindé

Je vais devoir me glisser sous Yvain pour atteindre la grille à mon tour. Il reste au dessus de moi en me fixant :

  • J’ai une torche plasma

Il me regarde et fait un pouce levé. Mais dans son regard, j’ai compris qu’il y avait un problème. Je n’ai pas osé lui demander. Je savais ce qu’il avait en tête. Il va falloir couper, et, nous sommes comme deux débiles coincés là avec une climatisation à fond. Ça va faire du bruit, ça va se sentir partout.

Je prends une inspiration. Je commence à découper le premier verrou, en apnée. Yvain grimace, comme si ça allait arranger la situation. Ca sent le fusible brûlé et on n’en est qu’au premier.

Lorsqu’il saute, on respire un peu. L’air est horrible, on va probablement sortir de là avec des toxines plein les poumons. Deuxième verrous, l’air devient insupportable, ça pique les yeux. On a du givre sur les épaules. La climatisation est hivernale.

Quand le verrou saute, Yvain plonge en avant pour forcer l’ouverture. Il bascule avant de tomber bruyamment au sol. Je ne l’ai pas vu tomber mais je sais que ça a dû faire mal. Il m’aide à sortir du conduit en me tenant par les épaules et en toussant. On aurait dit un docker avec sa première clope.

Nous sommes finalement arrivés dans un corridor, celui de la salle de sécurité. Malheureusement, les lumières semblent éteintes. Pour nous c’est simple, si on continue tout droit on arrive. On prend le temps de récupérer. Le matériel laissé dans le conduit est pris et on s’active. Du moins, on essaie de'avancer dans le noir presque total.

La seule source de lumière se sont les panneaux signalétiques. Yvain avait pris le seul fusil d’assaut des marines qui n’avait pas de lampe.

Le noir imposait le silence. C’est pour ça qu’on l'a très bien entendu au fond du corridor. Un bruit. Nous nous sommes arrêtés pour être sûr de ne pas confondre avec l’écho de nos pas. Mais on entendait distinctement. Un bruit comme un tuyau qui roulait par terre et ensuite… Un miaulement.

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