Seule, se sentant toute penaude, mais investie d’une volonté si ardente, Vatania commençait, ce vendredi, ses premières heures de conduite à bord d’une Renault Clio. Elle n’avait rien d’une intello mais sentait bon, les manières frivoles d’une étourdie en ces temps de forte chaleur. Son moniteur d’auto-école, Jean-Claude, avait mis, gentiment et intéressé par le filon pécunier que la jeune pouvait produire, l’auto, à sa propre disposition, simple et énergique. Comme un jour si brumeux pour conduire, la jeune femme, 18 ans à peine, se trouvait faisant face à ces moments cruciaux, de ceux de son changement annoncé : prendre sa part de liberté émancipatrice, en se forçant à obtenir sa mobilité mécanique. Elle n’avait pas souvent quitté son foyer mais, à l’heure de cet après-midi chaude, elle allait filer, ainsi, au gré des pneus sombres, et, d’un manche de vitesse indubitablement effrayant. Son maniement allait demander une concentration si impeccable, vue la tête brulée de ce dernier à avancer sans crier gare, sans manettes pour dire stop.

Ce qui désenchantait fortement la petite apprentie malgré sa verve, c’était son angoisse qui prenait l’ampleur d’un tourbillon permanent de pensées, fortes en désillusions. Comment pensait-elle faire vivre toute sa théorie acquise et rendre ses exercices de tête, plus pratiques, moins laborieux ?

Elle savait que son moniteur était, avant tout, une aide vraiment précieuse pour elle, car elle ne savait pas, ce qu’on pouvait investiguer lors de l’examen pratique. Rien n’était moins sûr qu’on lui demandait la position d’un joint de culasse.

Avant de monter à bord, elle interpela son entraineur de route : « Jean-Claude, vas-tu me demander de changer une roue, une ampoule, un cric ou une roue de secours ou bien de vérifier la pression des pneus, manipuler le réservoir et faire le plein de carburant ? » Ces questions fusaient, à s’y méprendre, à la pâleur de la naïveté de ses interrogations. Comme une vierge jument, elle était scotchée devant l’habitacle à attendre qu’on vînt la secourir. Il fallait dire qu’elle n’avait jamais été si seule à acquérir un nouveau visage, plus coutumier aux épreuves de la vie. Elle espérait devenir une débrouillarde de la route. Elle voulait se rendre utile, néanmoins, en affichant un faciès plus serein et un estomac moins barbouillé si elle avait eu droit à quelques indices.

Jean-Claude intervint : « Non, bien sûr que non ! Il y a des éléments importants que tu dois savoir et les charges minutieuses que tu m’as posées, tu en trouveras les explications dans le guide du conducteur. Prends la peine d’y jeter un œil. D’abord, maintenant, voyons les préalables à la conduite. »

S’isolant et s’avançant au pas de la porte passager, Jean-Claude fit un beau monologue, lancé dans ses préoccupations professionnelles : « Je dois lui permettre d’avancer, de lui enseigner de ne pas avoir peur, d’automatiser ses gestes. Mais, la seule conduite dans notre société n’aura pas beaucoup d’impact si elle ne pratique jamais avec un de ses deux parents ou ses frères et sœurs. Le secret réside dans la seule technique d’avoir confiance en soi, en sa vie de conductrice, au destin car, sur la route, notre destinée est souvent jugée par un fil. Si nous ne prenons pas garde, nous voyons les étoiles remplacer le bitume. La force intérieure et la volonté doivent surpasser la détresse de ne pas être à la hauteur. Il n’y a rien de plus bête et abruti que celui qui se terre dans ses acquis. Au début, chaque automobiliste n’était pas plus doué que ma chère Vatania. Je lui donnerais les moyens d’accomplir son rêve. »