1.
– Ce café est dégueulasse, dis-je à mon collègue.
Il me regarda, en but une lampée, et haussa les épaules.
– T’as déjà trompé ta femme ? demanda-t-il.
– Non, dis-je.
– Tu le feras tantôt.
– Bof, je n’ai pas de femme de toute façon.
– Tous les hommes trompent un jour, s’obstina-t-il.
– J’en connais qui…
– Ouais j’sais c’que tu vas me dire.
Voyant que j’avais fini mon café, il sortit une pièce de cinquante cents de sa poche, et l'inséra dans la fente de la machine. Il me tendit ensuite le double expresso noir sans sucre.
– Je n’en voulais pas un deuxième ! m’exclamai-je, en plus il est dégueu !
– Bah… tu ne veux pas reprendre le travail tout de même ?
Il sortit une flasque de vodka de sa poche de manteau et en versa dans mon café.
– Et les femmes trompent aussi ? demandai-je en le regardant faire.
Il sourit.
– J’sais pas. Je ne connais pas les femmes.
– Il faudrait demander à une femme, dis-je naïvement en buvant une gorgée de café-vodka.
– Les femmes ne connaissent pas les femmes.
– Ah bon ?
– Oue.
– Dac. Mais…
– J’sais c’que tu vas me dire.
Nous sommes restés silencieux pendant une longue minute. Il me regarda. Les yeux vides. Il ne bougeait pas. Je finis mon café piraté. Je touchai mon collègue, il était froid. Comme gelé sur place. Je pensai à appeler les secours, mais je me ravisai, au lieu de ça, je pris la flasque de vodka entamée dans la poche de sa veste et partit reprendre le travail.
En partant, je crus entendre murmurer derrière moi : “Pauvre petit…”
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