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Au même moment, très loin à l'ouest, aux bords du désert et de l’océan, Arpe et Juanee contemplaient à travers la brume, très loin, les rives de Nordhe. Après les tempêtes de sable, les falaises à pic et la chaleur surnaturelle, ils devaient à présent affronter la mer. Démontée, pour faire bonne mesure.

— Allons-y.

Juanee s'avança sur l'eau, la rendant solide au fur et à mesure qu'elle avançait grâce à son pouvoir. Alors qu’au sanctuaire, leur camarades dormaient dans des lits confortables, Juanee et Arpe atteignirent les côtes de Nordhe. La mer venaient se fracasser directement contre de hautes falaises blanches qui dominaient les eaux telle une muraille imprenable. La paroi à pic mesurait une trentaine de fois la taille d’un homme. Les deux sifis commencèrent à escalader, s’éloignant des vagues et de l’écume blanche qui se détachait du noir des abysses, un curieux pressentiment à l'esprit. Ils se trouvaient à mi-hauteur lorsque la paroi se mit à vibrer légèrement. Pensant d'abord à un petit tremblement de terre, il leur fallut se rendre à l'évidence très rapidement : la falaise s'ouvrait ! Ils s’immobilisèrent, de peur de tomber, et attendirent en silence, plaqués contre la paroi. Bientôt, une embarcation apparut. Un bateau semblant fait d'acier, d'une vingtaine de pas de long, sortit doucement et en silence de l'ouverture béante et obscure. Accrochés à la pierre, les sifis observaient la scène avec intérêt. Soudain, une lumière vive les inonda, provenant du bateau, et une formidable voix les héla.

— Descendez immédiatement ! intima la voix. Un canot vous amènera à bord et vous devrez répondre de votre présence ici.

Juanee vit effectivement qu'à bord, des marins s'activaient à mettre un canot à l'eau.

— Le canot ne sera pas nécessaire ! assura Arpe d'une voix qu'il amplifia au point qu'elle surpassa en puissance celle en provenance de l’esquif.

Il sauta alors vers le navire d'acier et atterrit sur le pont avec un BONG retentissant, suivi d'un autre qui indiquait que Juanee l'avait suivi. Une demi-douzaine d'hommes sursautèrent et pointèrent vers eux de longs tubes métalliques aux extrémités desquels crépitaient de petits éclairs. Ils avaient l'air soudain très nerveux.

— Qui nous a parlé ? demanda Arpe d'une voix qu'il prit soin de faire redevenir normale.

Le ton calme qu'il adopta ne sembla pas rassurer les marins. L'un d'eux désigna néanmoins du doigt un homme portant dans une main un étrange cône. Il arborait un uniforme plus travaillé. Ce devait être un gradé.

— C'est moi qui vous ai parlé. Qui êtes-vous, d'où venez-vous et que venez-vous faire ici ?

Le ton était sec et autoritaire.

— Je me nomme Arpe, et voici mon épouse, Juanee, répondit le sifis, toujours d'un ton calme et courtois. Nous venons d'Ernùn, un pays se trouvant au-delà de la mer et du désert, loin à l’est. Et nous venions ici afin de nous assurer de ce qu'il était advenu de Nordhe, dont nous avons appris l'existence il y a peu, après plusieurs siècles d’isolement.

L'officier lui jeta un regard noir.

— Je n'aime guère votre ton, dit celui-ci. Vous moqueriez-vous de moi ?

— Pas le moins du monde. Si la politesse vous écorche les oreilles, j'apprécierai néanmoins que vous en montriez un minimum à notre égard en disant à vos hommes de ne plus pointer leurs jouets vers nous. Et si vous pouviez cesser de nous dévisager comme vous le faites, cela m'arrangerait aussi ; c’est fort impoli.

— Et que ferez-vous si je refuse ? demanda l'officier avec un rictus.

— Je perdrai peut-être mon sang-froid. Et il ne me semble pas voir de force sur ce navire capable de faire grand chose contre deux sifis, ou même un seul. Je commets peut être une erreur cependant, reconnut-il, sans y croire une seconde.

L'officier lui jeta à nouveau un regard noir, à lui ainsi qu'a Juanee qui lui adressa un sourire aimable, peut-être un peu narquois sur les bords. Elle laissa volontairement le Flux l'envahir très légèrement, qui se concentra dans ses pupilles qui émirent un éclat de lumière bleuté inquiétant.

— Vos petits tours ne m'impressionnent pas, grogna l’officier. Veuillez ne pas bouger pendant que nous manœuvrons. Restez vigilants vous autres ! aboya-t-il en direction de ses hommes.

L'un d'eux eut un petit rire satisfait, mais un regard furieux de Arpe le fit trembler des pieds à la tête.

— Comme vous le voyez, Nordhe n'a pas besoin d'aide, reprit le gradé.

— En effet. Vos installations semblent solides, reconnut Juanee.

Le regard un peu éteint que porta Arpe autour de lui sembla agacer l'officier. Lorsque le bateau fut revenu à quai, un comité d'accueil plutôt conséquent attendait les intrus.

— Mon rôle s'achève ici, leur annonça le commandant du petit bateau. Je vous laisse au commandant de la base. Il s'occupera de vous.

— Je n'en doute pas, assura Arpe en descendant nonchalamment du bateau par une fine passerelle de bois et d'acier.

Juanee le suivit, adressant un sourire volontairement insolent à l'officier. Elle aurait juré qu'elle avait tiré un grognement de l'homme, et en fut assez satisfaite. Un individu à l'air plus raffiné et plus gradé les attendait sur le quai, droit comme un I, les main jointe derrière le dos. Deux hommes l’encadraient, armés et casqués, visiblement prêts à en découdre.

— Veuillez vous séparez de vos armes et me suivre, ordonna l’homme.

— Êtes-vous le commandant ? demanda Juanee, sans prêter attention à ce qu’on venait de lui dire.

— Je vous conduirai à lui dès que vous serez désarmé, répondit-il, affable mais autoritaire.

Arpe et Juanee acceptèrent de jouer le jeu. Après tout, on ne les avait pas invité et ils ne bénéficiaient pas ici de leur réputation ni de leur prestige. Il se séparèrent d'une quantité impressionnante d'armes blanches, sous les yeux effarés des soldats et le regard complètement inexpressif du nouvel officier. Celui-ci arborait un magnifique uniforme noir et argent, orné d’une collection de décorations sur la poitrine.

— Vous devez avoir un grade assez important ? demanda Arpe tandis qu'il laissait entre les mains d'un soldat sa douzième et avant-dernière arme.

— Je suis le commandant en second de cette base, indiqua-t-il sans plus de détail. Veuillez nous laisser toutes vos armes, s'il vous plaît, ajouta-t-il en désignant la poignée du sabre qui dépassait dans le dos des sifis.

— Et bien il ne me plaît pas, coupa Juanee. Enfin, je veux bien, mais...

Elle tira du long fourreau dissimulé dans son dos son long sabre azuré.

— Il n'est pas question que nous nous séparions de ces armes, ajouta t-elle tandis qu'Arpe dégainait à son tour. Elles sont bien trop précieuses.

— Vous serait-il possible de les laisser entre nos mains si je les gardais moi-même, toujours à votre vue ?

Juanee et Arpe se concertèrent d'un regard, puis acceptèrent. Mine de rien, le bonhomme était un diplomate accompli.

— Suivez-moi je vous prie, les invita-t-il.

L'homme partit le long du quai, escorté d'une douzaine d'hommes armés, les deux sifis sur les talons. Arrimés aux quais, des bateaux d'acier, gigantesques, attendaient paisiblement, protégés des fureurs de la mer dans ce port caché au cœur de la falaise.

Il ne fallut pas longtemps à la troupe pour atteindre un bâtiment, creusé à même la roche. Ils y entrèrent, empruntèrent un escalier, puis un couloir, jusque dans un vaste bureau. Les sifis furent accueillis par le commandant en personne, entouré de plusieurs de ses officiers, tous réunis autour d’une vaste table centrale. Au milieu, un petit carnet noir orné d’un Sifia, le symbole de l’Ordre Hovack, reposait.

— Il vous en aura fallu des siècles, pour revenir nous voir. Soyez les bienvenus, Sifis d'Ernùn.

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