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— Eh bien, tu en as mis un temps !

Gabriel se présentait tout essoufflé devant Ellohira.

— Je m'attendais à ce que tu termines plus vite que moi. On dirait que je me suis trompée. Qu'est-ce qu’il t'es arrivé ?

Gabriel balaya la question d’un geste de la main. Il ne parvenait pas à retrouver son souffle, après une course ininterrompue depuis Azulimar.

— Tu as couru tout le long du voyage ou quoi ? se moqua Ellohira.

— Préci... sément, répondit Gabriel en haletant. Je suis parti hier matin d'Azulimar, je me suis pas arrêté du tout et...

— Tu as couvert toute cette distance en moins de deux jours ? l’interrompit Nihyr qui les rejoignait à l'entrée du Sanctuaire. Jolie performance. C’est même un nouveau record, je crois. Venez tous les deux, nous devons évaluer le travail de Gabriel avant d'en venir aux dernières nouvelles.

Gabriel suivit ses maîtres, Nihyr et Ellohira, dans le couloir menant à la salle principale du Sanctuaire, au cœur de la montagne.

— Qu’est-ce qui t’as pris de faire ça ? le gronda gentiment Ellohira. Tu n’as pas appelé un fenris ?

— Si, j’ai voyagé avec Iral à l’aller. Pour le retour, je sais pas ce qui m’a pris. C’était une idée idiote, je sais.

— Ce n’est pas idiot, commenta Nihyr sur le ton de la conversation. Urfis et moi nous disputons le record depuis des années. Que tu viens de pulvériser d’une demie journée, soit-dit en passant.

Ellohira leva les yeux aux plafond.

— Les hommes ! soupira-t-elle.

Ils parvinrent dans la grande salle. Tous les autres se trouvaient là, y compris Thomas qui s'empressa de raconter ses dernières aventures et ses progrès à son frère, d’un ton surexcité. Lorsque tout un chacun eut terminé de saluer ses camarades, tous prirent place autour de la table, élèves compris, et un conseil débuta.

— Commençons ! s'exclama Juanee, l'air impatient. Les derniers jours ont été riches de nouvelles. Mais avant toute chose…

Elle se tourna vers Gabriel et fit un geste de la main, l'invitant à s’approcher d’elle. Le jeune homme se leva et apporta son sabre fraîchement forgé, simplement emballé dans un linge.

— Nous aimerions pouvoir juger ton travail, Gabriel, termina Juanee avec un sourire encourageant.

Un peu nerveux, gabriel déballa son arme et la présenta à la doyenne qui le reçut entre les main avec un air surpris.

— Je n'ai pas pris le temps de fabriquer l'étui, s’excusa Gabriel. Je n’avais pas pris la mesure du temps écoulé pendant le processus final.

Personne ne parla. Tous avaient les yeux rivés sur l'arme. Elle semblait très différente des leurs. Vivante. Même à distance, en l’observant simplement, tous ressentaient un étrange trouble, une présence. Le sabre passa de main en main, dans le silence le plus total. Chaque membre de l'Ordre l'observa un moment sous tous les angles, n'en croyant pas ses yeux. Leurs sens aigus, leur perception des courants d'énergie les informaient que cette arme était une pièce exceptionnellement puissante, dotée de bien plus qu’un simple enchantement d’Azur. Lorsque l'arme retrouva finalement les mains de son propriétaire, Juanee prit la parole :

— Nous avons quelque peu dévié du protocole, s’excusa la doyenne. Il faut dire que tu as vraiment dépassé toutes nos attentes, voire nos connaissances en la matière.

— Ce sabre possède une âme, commenta Ellohira, étrangement émue.

Nihyr approuva, les sourcils froncés. Au sein de l’Ordre, il était celui qui possédait les facultées spirituelles les plus développées.

Juanee se reprit, s’éclaircit la gorge et se leva. Devant tous, elle déclama la formule d’usage :

— Par ton travail, tu t'es montré digne du rang de Maître. Félicitations, Maître Gabriel Houri.

Les sifis inclinèrent tous la tête vers Gabriel en signe d'approbation, le sourire aux lèvres.

— À présent, je suis désolée de précipiter ces instants solennels, mais nous devons parler des récents événements et de ceux à venir, déclara Juanee en se rasseyant. Grâce aux renseignements échangés avec Nordhe, nous savons désormais où attaquer pour éradiquer définitivement celui qui est à l'origine des troubles dans notre pays. Nos mages ont réussi à établir un canal de communication vers Nordhe il y a une semaine et des discussions ont lieu presque en permanence. De nombreuses décisions ont été prises depuis ces derniers jours. Je vais résumer rapidement, pour que ceux qui ne sont pas au fait de tout cela comprennent bien :

Nordhe, Torgar et Ernùn ont noués une alliance. Nos nations souhaitent faire front commun contre les dragons, les har-lin et celui qui les dirige dans l’ombre. Nous avons fait un bilan de nos forces coalisées et une estimation de celles de l'ennemi. Les dragons encore corrompus présents dans le pays inconnu du sud, Tigar, sont apparemment plus puissants que ceux que nous avions ici, mais également moins nombreux. De notre côté, nos forces sont limitées après les combats de ces derniers mois. Ernùn est exsangue. Quant à Torgar, ils ne disposent plus de toute leur puissance, ce malgré l’entrée en service d’un second appareil de classe Nebu. Nordhe en revanche dispose de moyens certes limités mais d'un niveau technologique plus avancé, fonctionnant sans les courants.

Hier, il a été décidé que nous, l'Ordre, formerions une équipe de reconnaissance. Nous allons nous rendre les premiers à Tigar pour voir ce qu'il est advenu du peuple qui y vivait et tenter de rassembler des renseignements. Nihyr restera en arrière pour recevoir nos messages et prévenir le commandement de nos avancées. À ce propos, ajouta-t-elle en regardant Ellohira, maintenant que Gabriel est maître tu dois lui apprendre sans tarder comment nous nous contactons à distance.

Gabriel sourcilla. Il savait que les membres de l'Ordre échangeaient parfois des messages. Il n'avait jamais vu comment, mais avait pensé qu'ils utilisaient le réseau de la Vigie. Visiblement, il s'était trompé. Juanee reprit :

— Thomas et Eréline resteront également en retrait, auprès de Nihyr.

Ni l'un ni l'autre des deux élèves ne pensa à protester, trop heureux d’échapper à de potentiels dangers mortels.

— Nous partons dans deux jours, conclut finalement Juanee. Entraînement et méditation jusqu’à demain, repos pendant une journée ensuite. Nous partirons à l’aube. Gabriel, tu devrais profiter de cette journée pour confectionner un fourreau pour ta nouvelle arme.

Elle prit une profonde inspiration, se leva et annonça la fin du conseil. Avec Arpe et Eréline, ils se retirèrent dans un petit salon privé, pour profiter d’un de ces rares moments en famille, laissant les autres vaquer à leurs occupations.

— Suis-moi, glissa Ellohira à l'oreille de Gabriel en l'entraînant dehors.

Thomas lui adressa un clin d’œil, pouces en l’air. Dès qu'ils furent seuls à l’extérieur, Gabriel glissa ses bras autour de la taille d'Ellohira, l'attira vers lui et l'embrassa.

— Tu m'as manqué, lui dit-il.

Ellohira lui offrit son plus magnifique sourire.

— Je dois t'apprendre deux ou trois choses rapidement, dit-elle en se dégageant doucement de l'étreinte de Gabriel. Désolée, mais nous sommes là pour travailler.

Elle lui enseigna comment communiquer à distance avec d'autres sifis. C'était un exercice un peu étrange et assez difficile, qui requérait une grande concentration, au point de se couper du monde. La complicité qui unissait Ellohira et Gabriel rendait la chose plus aisée, le but étant de s’harmoniser avec l'esprit de l'autre.

— Ça marche à n'importe quelle distance, pour autant qu'on sache. Mais les sifis voulant échanger des informations doivent tous se trouver dans un état de transe profonde. C'est donc assez dangereux si on se retrouve seul. Et surtout, ce doit être prévu à l'avance.

Gabriel hocha la tête, un peu désorienté ; il ressentait encore les pulsations, faute d'un meilleur terme, de l'esprit d'Ellohira, malgré la rupture du lien. Il se demandait vaguement si c’était normal ou pas, mais n’en pipa mot.

— Tu devras t'exercer avant d’y arriver rapidement. Et chaque personne est différente, donc tu devras essayer avec les autres, Nihyr et Arpe sont les plus doués. Ah ! Et aussi ; essai de ne penser qu'au message que tu veux transmettre. Tu pensais à beaucoup trop de choses à l'instant, tu as failli me donner la migraine.

Pour se faire pardonner, Gabriel embrassa la jeune femme avec toute la passion dont il était capable. Il admirait Ellohira en bien des choses, mais quand elle parlait technique, il lui arrivait de ne pas savoir quand s’arrêter.

— J'aimerais assez me mettre au travail tout de suite, pour mon sabre, dit-il après avoir décroché ses lèvres de la belle.

— Gabriel, tu es un maître de l'Ordre à présent, tu n'as plus besoin de me demander la permission d'agir.

— C'est juste que j'avais espéré que tu me files un coup de main. Mais si tu ne veux pas...

Ellohira poussa un soupir faussement agacé. Elle prit la main de Gabriel dans la sienne et ils regagnèrent l’intérieur du Sanctuaire pour aller confectionner un fourreau digne de la lame exceptionnelle.

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