33 - 1

8 minutes de lecture

De nouveaux combattants har-lin jaillissaient de temps à autres des galeries creusées par les dragons. Ils surgissaient par petits groupes et se jetaient sur leurs ennemis avec une force renouvelée. De l'avis de tous, il restait encore beaucoup à faire à l'intérieur de la montagne. Le trône du maître de toutes ces créatures se trouvait certainement encore sous bonne garde. Il restait nécessaire d'en finir au plus vite, ce qui signifiait qu’une descente dans les entrailles du fief du chef des dragons et des har-lin se devait de survenir rapidement. La décision devait seulement être prise et l’ordre ne tarderait sans doute pas à tomber. Galdrill, Juanee, Keneth Kinsmor et le conseil d'Auhongar délibéraient. Dans la bataille, le conseil d'Auhongar s'était vu privé de son chef : Henry Lini gisait sans vie parmi de nombreuses autres victimes, sur le sol pierreux du cratère. Cinq de ses camarades devaient la vie à l’acte de bravoure ultime de leur chef, dont son propre frère et Sofia.

— Combien reste t-il de sifis en état de se battre ? demanda Keneth.

— Très peu, répondit Juanee. La plupart de ceux encore vivants sont épuisés, blessés et certains sont inconscients. Nous craignons qu'un de nos compagnons ne succombe à ses blessures.

— Celui à qui nous devons la mort de l’Émissaire, n'est-ce pas ?

— Oui. répondit Galdrill. C'est à Nihyr que nous devons la victoire contre cette chose. Et à Gabriel également.

— Ce garçon a fait beaucoup durant la bataille, approuva Guery, le frère cadet d'Henry. Pas mal de gens lui doivent la vie.

— Votre frère a lui aussi sauvé beaucoup de gens en se sacrifiant, ajouta Juanee. Soyez fier de lui.

— Je le suis, affirma Guery.

— C'est à votre frère à vous, Galdrill, que nous devons ce renfort argenté j'imagine ?

— Oui. Il est épuisé, mais il devrait s'en sortir. Merci de vous en inquiéter, Juanee.

— Il semblerait que nous devrons surtout compter sur nos troupes à pied pour la suite, soupira Keneth. Mais les sifis ne sont plus vraiment en état de mener l'offensive et nos hommes ne tiendront pas longtemps face à des adversaires aussi forts et acharnés.

— N'allez pas imaginer que les nôtres ne soient plus utiles à rien, Seigneur Kinsmor. Il reste plus de deux cent sifis capables de tenir sur leurs jambes. Il leur suffira d'un peu de nourriture et d'eau pour se remettre d’aplomb.

— Nous ne pouvons attendre très longtemps, fit remarquer Galdrill. Qui sait ce qui se trouve sous nos pieds ? Qu'en pensez-vous, généraux ?

Les généraux de Torgar venaient de faire leur entrée. Ils étaient rare de les voir réunis tous les quatre. Ils menaient leurs troupes de manière experte, tout en étant également des guerriers redoutables.

— Si nous pouvons attendre ? se demanda l'un d'eux à voix haute. Oui, une heure ou deux, pas plus.

Les trois autres, dont Elebrùn, approuvèrent aussitôt.

— Très bien. Je propose donc de distribuer au plus vite de quoi boire et manger. Nous vous faisons confiance, sifis, pour nous prévenir dès que vous serez prêts.

Juanee et Guery opinèrent, imités par d'autres membres du conseil d'Auhongar. Alors qu'elle sortait de la salle de commandement du Nebu, Juanee fut rattrapée par l'un des généraux de Torgar.

— Veuillez m'excuser, Maître Ragar. Pourrais-je avoir des nouvelles de vos deux jeunes maîtres ; Gabriel et Ellohira ?

— Vous pouvez aller les voir : ils sont à l'infirmerie.

— Rien de grave j’espère ?

— Non, rassurez-vous, général. Le cas de Nihyr est bien plus préoccupant.

L’officier remercia Juanee qui s’en fut aider à organiser les troupes, puis se dirigea vers l'infirmerie où il trouva effectivement Nihyr étendu sur un lit, couvert de bandages et un goutte à goutte enfoncé dans la gorge. Un médecin-guérisseur restait en permanence à ses côtés.

— Comment est-il ? demanda le général qui connaissait bien le malade.

Le guérisseur lui adressa le regard d'un homme épuisé :

— Maître Talion est entre la vie et la mort. Il a beaucoup trop forcé, son corps est… Je ne saurais même pas décrire l’étendue des dégats. Même s'il reste en vie, je crains qu'il ne soit plus jamais le même. Et il semble que son corps soit imprégné d'un puissant poison. Peut-être plusieurs, à vrai dire. Je ne sais même pas comment il est encore en vie.

Le général donna une tape encourageante au médecin puis se dirigea vers un coin de l'infirmerie où il voyait Ellohira assise à côté du lit sur lequel reposait Gabriel. Il s'approcha sans qu'Ellohira ne le remarque.

— Maître Nahir ? Comment se porte-t-il ?

— Général ! s'exclama la jeune femme, surprise. C'est très aimable à vous de venir prendre de ses nouvelles.

— De vos nouvelles, à tous les deux, corrigea-t-il avec un sourire.

— Je vais très bien, grâce à lui. Gabriel en a fait beaucoup, un peu trop. Mais il devrait se réveiller très vite et en pleine forme, comme d'habitude.

— Je vois. Oh, j'ai appris qu'il était passé maître.Vous lui transmettrez mes sincères félicitations à son réveil.

— Je n'y manquerais pas, assura Ellohira.

— Au fait, je ne connais pas son nom de famille, comment devrais-je appeler ce nouveau maître si nous venions à nous croiser de nouveau ?

— Nahir.

Le général resta un instant abasourdi.

— J'ignorais qu'il était de votre famille.

— Il ne l'était pas, jusqu'à récemment. Nous nous sommes unis il y a peu. Comme je suis son aînée d'un an, il a pris mon nom, selon la tradition.

— Je vais de surprises en surprises en ce moment ! Toutes mes félicitations à vous deux.

Ellohira s'inclina avec respect en signe de remerciement. Le général lui adressa un sourire avant de tourner les talons. La jeune femme dirigea de nouveau son regard vers son époux, qui dormait paisiblement. Elle s'assit sur le lit et caressa du dos de la main les joues brûlantes de Gabriel.

Lorsqu'il se réveilla près d'une heure plus tard, le premier visage que vit Gabriel fut celui de sa belle. Il lui sourit et récolta en retour un regard sévère.

— Ne t'avais-je pas dit de ne plus te laisser dépasser ?

— Comment est Nihyr ? balaya Gabriel, inquiet.

Le visage d'Ellohira se radoucit aussitôt, elle soupira lourdement avant de demander :

— Tu l'as soigné, hein ? Comme tu l’as fait avec moi l’autre fois ?

Gabriel opina du chef.

— Il va très mal, poursuivit Ellohira. On ne sait pas encore s'il vivra ou pas. Les guérisseurs ne savent pas pourquoi il reste en vie. J'imagine que tu lui as donné tout ce qu'il te restait.

— Ça n'a pas suffit, grogna Gabriel.

— Ne t'en veux surtout pas. Personne n'aurait pu le sauver à part toi. Tu lui à offert une possibilité de se battre pour rester en vie.

— On a gagné ?

— Pour l'instant. Nous partons dans une heure, il faut entrer dans la montagne et trouver ce fichu “seigneur”.

— J'irais avec...

— Oh ça non ! Tu n'es plus bon à rien dans cet état ! Tu vas rester ici bien sagement et écouter ce que les médecins te diront.

— Même à moitié mort, je peux être utile, non ?

Ellohira soupira et déposa un baiser sur la joue de son époux.

— Je vais aux nouvelles. Ne t'avise pas d'être ailleurs que dans ce lit lorsque je reviendrai.

— Je te laisse dix minutes avant de partir à ta recherche.

— Tu es impossible.

— Je suis accro.

Ellohira lui administra avec douceur une fausse gifle et Gabriel la regarda partir, un vague sourire aux lèvres. Il se redressa dans son lit, vida d'un trait le verre d'eau posé sur son meuble de chevet, puis se plongea dans une transe méditative. Epuisé, les quelques minutes passées à se plonger dans un état quasi-inconscient lui rendirent un calme parfait. Il sentit progressivement ses muscles se détendre, les douleurs refluer. Dans ce monde de songes contrôlés, Gabriel se sentait bien. Plus libre encore que ces derniers temps, libre de ses mouvements et de ses actions, comme détaché de son corps physique. Après une dizaine de minutes, il ouvrit les yeux et vida un second verre d'eau. Il se leva malgré les protestations d'un médecin qui tenait à l'examiner et se dirigea aussitôt à l'extérieur de l'infirmerie, enfilant à la hâte son uniforme. Dès sont entrée dans la salle de commande où se tenait une réunion, il intercepta un regard exaspéré de sa femme.

— Maître ? Nous ne pensions pas vous revoir si tôt, s’étonna le Guery.

— Je me remets vite. Quel est le programme ?

Le Nebu se trouvait posé sur une large plate-forme rocheuse légèrement pentue. Dans la salle, chacun devait se tenir d'une façon légèrement inconfortable afin de rester droit. De la fumée passait, épaisse et blanche, devant les hublots. Des cris résonnaient à l'extérieur et dans les coursives en dessous tandis que la réunion se poursuivait. Gabriel devina rapidement que plusieurs groupes de sifis et d'hommes descendaient en ce moment même dans les galeries de la montagne afin de les nettoyer. D'autres groupes partiraient bientôt, dont un composé de l'Ordre d'Ernùn presque au complet, et de Galdrill. Plusieurs personnes, Juanee la première, s'opposaient à ce que le roi d'Ernùn se rende sur place son titre à peine regagné. C'était un risque important, mais Galdrill fut inflexible, expliquant qu'il était de son devoir de rendre justice pour son peuple, où au moins d’être présent lorsque le seigneur des dragons et des har-lin serait mis à mort.

Dès que le conseil fut terminé, Ellohira se rapprocha de Gabriel :

— J'imagine qu'il serait inutile de te demander de rester pendant que nous descendons.

— Complètement inutile, oui, répondit l’intéressé en serrant les mains de sa femme dans les siennes. Je tiens à voir le responsable de tous ces siècles de massacres. Au-delà de la satisfaction de le voir mourir, c'est sans doute un être exceptionnel. Et il est hors de question que tu y ailles sans moi.

— Tu m'inquiètes parfois. J'ai l'impression qu'il te fascine.

— Tu imagines la puissance nécessaire pour soumettre plusieurs centaines de dragons à sa volonté ? Nous pouvons apprendre des choses de lui. Peut-être un moyen pour moi de revoir ma famille, qui sait ?

— Tu n'as pas abandonné cette idée ?

— Abandonnerais-tu totalement tes parents ? J'ai laissé derrière moi mon père et ma mère. Ma sœur, que j’aime énormément, et de très bons et proches amis. Comprends-moi bien : je ne te laisserais pour rien au monde, pas même pour eux. Mais si j'ai une occasion de les revoir, ne serais-ce qu'une dernière fois, je la saisirai. En parlant de ça, où sont Thomas et Eréline ?

— Ils sont toujours à Nordhe, en sécurité.

Gabriel déposa un baiser sur les lèvres de sa bien-aimée et l'entraîna avec lui à la suite des dernières personnes qui sortaient de la pièce. Galdrill fut le premier à descendre du Nebu. Avec lui iraient Juanee et Arpe, Gabriel et Ellohira, Urfis et Marli ainsi que Guery Lini et plusieurs autres sifis du conseil d'Auhongar. Quinze personnes au total, formant le groupe le plus puissant qui descendrait dans les boyaux tortueux qui s’enfonçaient au cœur du volcan en sommeil. Les hommes blessés restés dans le cratère les regardèrent passer tandis qu'ils se dirigeaient vers l'une des ouvertures béantes creusées par les dragons. En tête, Galdrill et Juanee entrèrent sans une hésitation, déterminés.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire DjuRian ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0