001 - sa sixième annexe
Quelqu’une arrive, je la sens derrière la porte, Adélaïde. C’est jamais bon signe. J’ouvre. Vu sa tête, je confirme. Elle annonce :
- Jenna, c’est reparti, la Bible, chapitre 279. Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que c’est une fin. La mauvaise, c’est qu’un nouveau tome est en train de s’écrire.
 - Super. Alors, c’est qui notre nouvelle narratrice ? Jeanne ? On va avoir la vision depuis mon enfante, l’élue ?
 
Adé fait non de la tête et me désigne de son doigt papal. Quoi ? Encore ? Je me suis déjà coltinée une annexe et demi. Je dois passer le relais, c'est possible, c’est comme ça que je l’ai eu. En plus j’ai l’intention de rien faire du tout. La Bible va se remplir de vide. Tant mieux. Je fais entrer Adé pour en discuter autour d’un thé. Jeanne et sa jumelle ne vont pas tarder à rentrer de l’école. Je les sens déjà sur le trajet, elles entrent dans l’ombre de la Riviera sur la route 72, mon monolithe le confirme. Adé me fait remarquer que :
- On va pas avoir le temps. Jeanne et Maria vont arriver.
 - Elles vont dans l’annexe faire leurs devoirs. Marie passe les chercher en rentrant du travail. Elles ne seront pas à la Maison avant…
 
Adé m’embrasse et je sens sa main sur mon sein, gauche. On abandonne nos thés fumants et on s’isole dans mon bureau. À peine installées dans le fauteuil de lactation, sa bouche soulage la pression et je me sens passer en elle, mon lait bénit par elle-même, la Papesse du Vatican IV, mère de sa fille Reine Justitia et compagne de Hilde, la fille du Professeur Big Bang et de Gaby, directrice du renseignement à l’Ouest.
- Tu as le goût de Greta, tu la vois souvent, vous partagez vos laits.
 - Et le reste aussi. Les contraires s’attirent.
 
Je lèche ses lèvres blanches de mon lait et je vois dans son regard qu’elle en veut plus. Alors j’ouvre son chemisier et nos poitrines s’attirent et se connectent. Nos laits vont et viennent en nous, sa bouche change déjà de goût. Je la bascule et on se détache pendant que je l’enjambe pour frotter vigoureusement son ventre entre mes cuisses jusqu’à aspiration de ses fluides que j’éjacule en elle mélangés des miens. Je parviens à rester consciente dans ce tourbillon d’émotions. Avant de passer en salle d’eau pour nos toilettages, Adé se confie sur l’oreiller :
- J’ai connu la B2 sur Terre, le Nouveau Testament. Il a été écrit à partir de 27 livres. On a encore du potentiel. Ici sur Gaïa notre B3 n’en a eu que 3 et la B4 en est à sa sixième annexe.
 
## Analyse du chapitre « Sa sixième annexe »
Ce chapitre fait office de métacommentaire sur la nature de la narration elle-même et sur le cycle sans fin des histoires au sein de cet univers. Il brise le sentiment de conclusion du tome précédent en annonçant la reprise de l'écriture de la Bible, symbolisant que l'Histoire est un processus perpétuel, jamais vraiment clos.
# Symbolique et thèmes majeurs
1. **La narration comme cycle infini** :
L'annonce qu'un « nouveau tome est en train de s’écrire » immédiatement après la fin apparente (chapitre 279 du tome 8) est une métaphore puissante sur la nature de ce storytelling. Aucune fin n'est définitive ; une histoire en cache toujours une autre. Jenna, qui croyait avoir achevé son rôle, se retrouve propulsée à nouveau comme narratrice.
2. **La résistance à l'assignation narrative** :
La réflexion de Jenna – « Quoi ? Encore ? » – montre une lassitude face au poids de la narration et du destin. Son désir de « ne rien faire du tout » et de « passer le relais » symbolise une volonté d'échapper à la prédestination et de laisser l'avenir s'écrire autrement, peut-être même par le « vide ».
3. **L'intimité comme échappatoire et connexion** :
Face à cette annonce écrasante, Jenna et Adélaïde se réfugient dans l'intimité physique. Leur échange de lait et de fluides devient un acte de réconfort et de connexion qui transcende les implications cosmiques de la nouvelle Bible. Le corps et le désir offrent un ancrage dans le présent face à l'ampleur de la narration.
4. **La généalogie et le poids de l'histoire** :
La description détaillée de l'ascendance et des affiliations d'Adélaïde souligne à quel point chaque personnage est un nœud dans un réseau complexe d'histoires et de pouvoirs. Personne n'est une entité isolée ; tous sont les produits et les porteurs d'une lourde lignée.
5. **La métaphore biblique et le potentiel** :
La comparaison entre le Nouveau Testament (27 livres) et leur « B3 » (3 livres) et « B4 » (sixième annexe) suggère que leur civilisation est encore jeune dans son récit. Il reste un « potentiel » immense, une histoire encore largement à écrire, ce qui est à la fois excitant et terrifiant.
# Bilan des personnages
- **Jenna (la narratrice)** :
Est dans un état de résignation amusée. Elle accepte son rôle récurrent de narratrice tout en affichant son désir de s'y soustraire. Elle trouve du réconfort dans la routine sensuelle avec Adélaïde, affirmant que la vie continue malgré les grands récits.
- **Adélaïde** :
Incarne le lien avec les structures de pouvoir anciennes et nouvelles. Elle est la messagère des cycles narratifs, mais aussi une participante active dans l'intimité qui permet de les supporter. Son statut de « Papesse » en fait une figure d'autorité spirituelle qui valide et perpétue le récit.
- **Jeanne et Maria** :
Bien qu'absentes, leur présence imminente plane sur la scène. Elles représentent l'avenir qui est sur le point de rentrer à la maison, rappelant que les préoccupations des adultes (la Bible) coexistent avec la simplicité de la vie quotidienne (les devoirs).
- **Marie** :
Mentionnée comme la figure stable qui s'occupe du quotidien (« Marie passe les chercher en rentrant du travail »), elle permet à Jenna de vivre ces moments d'intimité et de confrontation avec le destin.
# Conclusion philosophique
Ce chapitre suggère que nous sommes tous pris dans des récits plus grands que nous – des « Bibles » personnelles ou collectives qui cherchent à s'écrire à travers nous. Notre existence ne réside peut-être pas dans le refus de ces récits, mais dans la capacité à vivre sa vie malgré eux : à boire son thé, à embrasser son amante, à élever ses enfants. L'intimité et le désir deviennent des actes de résistance contre le poids de l'Histoire, des moyens de rester ancrées dans le présent et le tangible. La narration est un cycle infini, mais la vie, dans sa simplicité sensuelle, continue.
# Suite imaginée (en une phrase sous forme de question)
Et si Jeanne et Maria sentaient que le nouveau tome de la Bible était en train de commencer de s'écrire, révélant qu'elles en sont non pas les sujettes, mais les autrices inconscientes ?

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