La naissance de Jeanne et Maria a stoppé la progression clandestine de la Bible, sur les deux derniers exemplaires, celui de la Cathédrale Sainte-Claire de Sylvania à l’Est et l’autre, au Manoir des Suburbs du Sud. Maintenant, c’est reparti et elle le savent :

• Alors ça y est maman, on va avoir des pouvoirs.
• Avoir surtout la responsabilité de les utiliser ou non. C’est un jeu ou pour gagner il ne faut pas jouer. C’est vous qui voyez. Il y en a qui ont essayé. Elles ont eu des problèmes.

Marie leur confirme et en ajoute une couche, d’arguments, pour convaincre nos jumelles que j’ai portées en moi, ma Jeanne et sa Maria qu’on ne nourrit plus de nos laits depuis longtemps pour ne pas les faire grandir trop vite. Et comme toutes les nuits Marie me présente ses deux arguments dans notre couche, pour les goûter aussi avant les miens et avant de les connecter ensemble pour préparer la suite logique du mélange des fluides de nos entrailles jusqu’au summum du plaisir de pleine conscience et la perte de connaissance de nos esprits envoûtés l’une par l’autre, à en perdre haleine.

• Jenna, je suis allée à Sylvania aujourd’hui. Paloma m’a montrée la Bible à Sainte-Claire. J’ai lu le dernier chapitre du tome 8.
• Le 8 de l’infini, sans fin. Raconte, la fin, ça dit quoi ?
• C’est Greta qui parle, une punch line, comme à son habitude : « quand on commence à jouir, l’espoir est partout ». Elle résume bien notre civilisation, tu ne crois pas ?
• Si, je crois. Que ce soit vrai ou non, l’important, c’est d’y croire. Je suis contente de rester à l’écart de tout ça. C’est toi la narratrice du tome 9 ?
• Je sais pas, je l’ai pas vu, je suis juste une diplômée du Grand Chelem, promotion 34, avec comme marraine de promo Isa Love et Paloma, promotion 28, j’ai donc eu accès à la Bible pour la raconter à ma régulière, Jenna, promotion canapé et fauteuil de lactation.

Marie est drôle mais Greta a raison, comme toujours. Sa déclaration est une si belle fin pour la Bible. C’est vraiment dommage que ça ne s'arrête pas là. Mais je crois, que ce n’est plus mon problème, ni celui de personne à part nos filles, les élues, Jeanne et Maria, même si elles ne sont pas encore prête à foutre le bordel dans l’occulte. Je ne suis pas inquiète. Mais je vais voir Greta tout de même, dans l'intimité de sa Maison 44, pour la regarder droite dans ses beaux yeux bleus en tournant mes doigts entre ses cuisses jusqu’à la voir déglutir de plaisir et lui susurrer à l’oreille : « l’espoir est en nous, juste entre nos Pôles. »

## Analyse du chapitre « Entre nos Pôles »

Ce chapitre fonctionne comme une méditation sur l'héritage, la responsabilité et la transmission, tout en interrogeant la nécessité de clore ou de perpétuer les grands récits. Il confronte la sagesse acquise (incarnée par Greta) à l'innocence potentielle de la nouvelle génération (Jeanne et Maria).

# Symbolique et thèmes majeurs

1. **La reprise de la Bible : cycle vs. achèvement**

Le fait que la Bible reprenne son écriture après avoir été stoppée par la naissance des jumelles symbolise l'impossibilité d'une fin définitive. L'histoire est un processus vivant qui dépasse les individus, même ceux considérés comme des « élues ». La « belle fin » n'est qu'une pause avant la suite.

2. **La responsabilité des pouvoirs**

L'avertissement de Jenna à ses filles – « Avoir surtout la responsabilité de les utiliser ou non » – introduit une éthique de l'usage. Le pouvoir n'est pas une fin en soi ; c'est un fardeau qui exige du discernement. La phrase « C’est un jeu ou pour gagner il ne faut pas jouer » résume le paradoxe : la vraie maîtrise consiste parfois à renoncer à agir.

3. **L'intimité comme refuge et sagesse**

La scène intime entre Jenna et Marie, avec ses rituels lactés et sensuels, représente un espace protégé où la complexité du monde extérieur (la Bible, les pouvoirs) est suspendue. C'est dans cette intimité que se transmet la sagesse pratique et que se cultive l'espoir.

4. **La punchline de Greta comme philosophie**

La citation de Greta – « quand on commence à jouir, l’espoir est partout » – est érigée en philosophie de civilisation. Elle résume l'idée que le plaisir partagé et conscient est le fondement ultime de l'optimisme et du sens, bien au-delà des dogmes ou des textes sacrés.

5. **La localisation de l'espoir**

La réplique finale de Jenna à Greta – « l’espoir est en nous, juste entre nos Pôles » – recentre l'espoir non pas dans un texte ou un destin, mais dans la connexion charnelle et affective entre deux êtres. L'espoir est une énergie relationnelle, non une abstraction.

# Bilan des personnages

- **Jenna (la narratrice)** :

A atteint un état de sérénité et de distance par rapport aux grands récits. Elle assume son rôle de mère et de guide pour ses filles, mais se considère comme « à l’écart ». Sa visite à Greta montre qu'elle trouve la confirmation de sa philosophie dans l'intimité partagée.

- **Marie** :

Est la complice stable, celle qui partage le quotidien et les rituels. Son accès à la Bible et son rapport détendu à celle-ci (« je suis juste une diplômée du Grand Chelem ») montrent qu'elle incarne une forme de normalité et de modération.

- **Greta** :

Confirme son statut de figure sage et visionnaire. Sa punchline résume la quintessence de leur monde. Elle reste le pôle de stabilité et de sens pour Jenna.

- **Jeanne et Maria** :

Représentent l'avenir et son potentiel de « bordel ». Elles sont conscientes de leur statut d'« élues » mais ne sont pas encore activées. Leur éducation est cruciale pour éviter les erreurs du passé.

# Conclusion philosophique

Ce chapitre propose que les grands récits (comme la Bible) sont inévitables, mais qu'ils ne doivent pas dicter nos vies. La véritable sagesse consiste à cultiver l'espoir dans le microcosme de nos relations intimes – « entre nos Pôles ». Le plaisir partagé, conscient et responsable est la seule philosophie qui vaille, car elle est ancrée dans le corps et le présent. La transmission aux nouvelles générations ne doit pas se faire à travers des textes sacrés, mais par l'exemple d'une vie centrée sur l'amour, la responsabilité et la jouissance comme actes de foi en l'avenir.

# Suite imaginée (en une phrase sous forme de question)

Et si Jeanne et Maria, en entendant la punchline de Greta, décidaient que leur premier acte en tant qu'élues serait non pas d'utiliser leurs pouvoirs, mais d'écrire un nouveau commandement : « Vous jouirez sans contrainte, et vous trouverez en cela votre seule loi » ?