Chapitre 5 (7/7)

6 minutes de lecture

Tous deux restèrent pensifs quelque temps. Ils avaient fait le tour de la collection exposée au palais. Ce n’était qu’un bref aperçu de l’histoire des humains et elle délivrait somme toute peu d’informations, mais Arvak et Roawir semblaient tous deux y trouver matière à réflexion.

Bientôt le bruit d’un brouhaha lointain leur parvint et, pris de curiosité, ils gagnèrent le balcon qui surplombait le hall.

Les grandes portes du palais étaient largement ouvertes et deux lignes de gardes paladins à l’armure rutilante, armées de lances de cérémonie, formaient une haie d’honneur qui menait à la grande salle de réception du rez-de-chaussée.

Le roi Tintal, en tenue d’apparat, entouré de Games Gandar et Andlam, attendait devant l’entrée de la grande salle. Bientôt apparurent dans l’encadrement de la porte trois émissaires vaérims, guidés par Altred et entourés de domestiques de la Maison du roi qui portaient les affaires des émissaires.

Les Vaérims étaient des créatures à l’anatomie surprenante et, bien qu’Arvak en ait vu des illustrations au cours de ses études, c’était la première fois qu’il en observait de ses yeux. Leur tête était très similaire à celle d’un aigle, avec le même long bec d’un jaune vif et les grands yeux brillants. Elle s’en différenciait toutefois par deux oreilles longues et fines, légèrement mobiles, recouvertes par un duvet de plumes, qui se prolongeait élégamment à l’arrière de leur crâne. Ils avaient un cou long, souple et gracile, et, au-delà, une longue et ample cape cachait le reste de leur corps. Seule se distinguait, marquant leur sillage, leur longue queue reptilienne recouverte de plumes. Leur duvet était d’un bleu magnifique, avec de subtiles nuances entre les individus. Le Vaérim qui marchait en tête avait la couleur azur du plus pur ciel d’été, à son côté droit marchait un Vaérim à la teinte plus claire, semblable au ciel légèrement cotonneux des journées d’hiver, et à sa gauche un autre aux teintes plus sombres, comme le soir tombant. Leurs capes étaient d’une riche couleur mauve ou magenta, avec une doublure d’hermine et un fermoir en or. Des broderies aux motifs entrelacés parcouraient tout le vêtement en fil d’argent.

Arvak ne pouvait distinguer leur posture, recouvert par leur cape, mais il la connaissait.

Les Vaérims descendaient des Wivèrnes. Comme ces créatures, leurs membres supérieurs étaient des ailes. Anatomiquement ces ailes étaient similaires à des bras et lorsqu’ils marchaient ils s’appuyaient sur la partie qui correspondait au dos de la main, tandis que les doigts, qui soutenaient les rémiges de l’aile, venaient se replier le long des avant-bras. Leurs membres postérieurs avaient connu une mutation similaire à celle de leurs membres antérieurs. Le dernier doigt de leurs pieds s’était allongé pour soutenir lui aussi les plumes d’une seconde paire d’ailes. Arvak se rappelait nettement la fascination qu’il avait éprouvée en étudiant tout cela auprès de Games Gandar et les similitudes extraordinaires entre son poignet et les ailes avaient laissé un souvenir vif dans sa mémoire, presque autant que de connaître la mécanique de leur vol.

Lorsqu’ils volaient, les Vaérims déployaient leurs quatre ailes majestueuses et pouvaient ainsi profiter pleinement des courants aériens, seul mode de déplacement possible dans les redoutables montagnes du Vaèr. Les longues capes qui les couvraient presque entièrement protégeaient leur délicat plumage – qui se renouvelait lentement et que les humains auraient été susceptibles d’endommager du fait de leur méconnaissance de ce peuple et de leurs trop rares contacts – mais aussi détournaient l’attention des humains de leur anatomie et de leur démarche si particulière. Les Vaérims avaient une façon de marcher, appuyée sur leurs membres antérieurs, qui évoquait beaucoup celle d’un vieillard s’appuyant sur des cannes. Leur simple présence attirait déjà une vive attention parmi le personnel du palais et les courtisans du roi, aussi Arvak pouvait comprendre qu’ils ne souhaitaient pas être dévisagés sous les moindres aspects et les capes aidaient nettement à cela.

Tintal salua chaleureusement les trois émissaires, les appelant par leurs noms respectifs et leur demandant des nouvelles. Arvak se souvint que, comme le lui avait appris Norgar la veille, ces émissaires s’étaient présentés au roi un mois plus tôt et avaient logé dans les montagnes de Garmintal durant cet intervalle. À la façon dont le roi s’adressait à eux, Arvak comprit que l’émissaire au centre, à la couleur bleu azur, était une femelle, de même que le Vaérim couleur bleu nuit. Le Vaérim blanc cotonneux était apparemment un mâle. Rien dans leur apparence, leur attitude ou leurs vêtements ne distinguait vraiment leur genre et lorsqu’Arvak entendit leur voix, il ne distingua pas non plus une différence de timbre.

Tintal mena bientôt les Vaérims dans la salle de réception et ils disparurent de la vue d’Arvak et Roawir. Ce dernier en profita pour prendre congé :

— Merci beaucoup pour cette visite, c’était très enrichissant, dit-il, je vais devoir partir. Mon maître souhaitait ma présence cette après-midi au conseil et je voudrais me préparer avant que celui-ci ne commence.

— Avec plaisir, nous nous verrons peut-être au conseil.

— J’en serais ravi, termina l’elfe.

Puis il partit en direction de ses appartements au deuxième étage.

Il devait être bientôt midi, Arvak décida de regagner sa chambre lui aussi. Il espérait parvenir à trouver Altred ou Games Gandar pour négocier avec eux sa présence au conseil mais Norgar le rattrapa en chemin.

— J’ai des nouvelles infos, lui murmura-t-il au passage.

— Tu vas m’expliquer tout ça.

— Et comment !

Ils marchèrent ensemble jusqu’à la chambre d’Arvak. Lorsqu’ils arrivèrent, Norgar interpella les domestiques pour demander qu’on lui apporte de quoi boire et manger. Une fois que tout fut préparé, Norgar les congédia.

— Pendant que tu jouais les touristes avec ton elfe, je me suis entraîné à l’escrime avec Eliwyl et Andlam. J’en ai profité pour discuter avec elle et j’ai appris deux, trois trucs, commença Norgar sans préambule.

— Tu as fait des combats contre Andlam ? admira Arvak.

— Oui, mais ce n’est pas la question.

— C’était comment ?

— Exceptionnel !

— Tu as pris une branlée.

— Monumentale. Mais tu ne veux pas savoir ce que j’ai appris ?

— Si bien sûr.

— Bon. Donc, Andlam m’a révélé qu’il y a un mois et demi un phénomène a eu lieu dans la magie qui a mis en alerte à peu près tout le monde à travers le continent. Et elle le sait très bien, car elle-même l’a perçu, c’est elle qui est venue en avertir le roi. Elle a essayé de m’expliquer le phénomène en question, mais je dois avouer ne pas avoir très bien compris.

Arvak fit immédiatement le lien avec ce que Roawir lui avait dit dans la matinée des particularités de la magie. Il en donna à Norgar un condensé sommaire, les échos d’un sortilège se réverbéraient dans la magie sans être amoindris par le temps et par la distance. Si un phénomène particulièrement singulier avait lieu, il pouvait potentiellement être perceptible par toutes les créatures sensibles à la magie et étudié, même longtemps après les faits.

— C’est cela qu’Andlam a essayé de m’expliquer, conclut Norgar. Tu dis que ça vient de Roawir ?

— Oui.

Norgar sembla pensif.

— Est-ce qu’il n’essaierait pas de nous dire quelque chose qu’il a l’interdiction de dire ?

— C’est ce que je crois.

— Il me plaît cet elfe, acquiesça Norgar avant de poursuivre. Suite au phénomène dont je parlais, Andlam s’est rendue chez les elfes et elle m’a fourni leur observation préliminaire. Apparemment ils ont pu établir que ce phénomène était de faible intensité, mais de nature à créer une réaction bien particulière dans la magie. Ce n’était pas un phénomène d’origine naturelle et il provenait d’une créature vivante sensible à la magie. Les elfes devaient poursuivre leurs recherches, je pense que la raison de leur présence au palais signifie qu’ils en savent maintenant davantage sur ce phénomène et sur celui qui l’a provoqué.

Arvak essayait d’organiser tout cela dans sa tête.

— Si je comprends bien, ce phénomène aurait tout déclenché : le roi qui nous rappelle de la frontière, Kared Nimizar qui vient à la capitale depuis Artaug puis repart au Magcam chercher un émissaire, les Vaérims qui nous rendent soudain visite et restent le temps d’obtenir des informations, enfin l’arrivée d’émissaires elfes apparemment très attendus.

— C’est cela, confirma Norgar.

— Et les humains n’en ont rien perçu, car nous ne sommes pas sensibles à la magie.

— Oui sans Andlam nous n’aurions eu connaissance de ces faits que par les elfes ou les Vaérims, appuya Norgar.

— Et Roawir a dit lui-même qu’il était porteur d’informations qu’il ne devait révéler qu’au roi, compléta Arvak. Tu penses toujours que ton hypothèse est la bonne ?

— Je ne sais pas. Mais ce qui est certain c’est que ce phénomène a mis en émoi tous les peuples sensibles à la magie, et que les elfes ont visiblement travaillé dur au cours du mois écoulé pour comprendre ce qu’il s’était passé. Nous saurons probablement toute la vérité cette après-midi, j’ai obtenu de Games Gandar que nous puissions assister au conseil en tant que spectateurs.

Annotations

Vous aimez lire Miléna Owein ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0