Chapitre 6 (1/5)

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Arvak s’était préparé minutieusement pour assister au conseil. Norgar l’avait aidé à choisir une tenue et des accessoires de circonstance. Ils avaient fini par trouver un juste équilibre entre le goût d’Arvak pour la sobriété et la richesse qu’il devait afficher du fait de son rang. Arvak ne pouvait s’empêcher de trouver tout cet effort absurde mais il préférait encore être conseillé par Norgar que de porter les vêtements choisis par son père.

La salle du conseil où ils arrivaient tous deux était située dans la partie nord-ouest du palais, juste à côté du jardin intérieur et de la bibliothèque. C’était une grande pièce en amphithéâtre. Elle présentait de larges marches de pierre en arc de cercle, au centre se trouvait une estrade surmontée d’une table de bois travaillé, d’un siège à haut dossier qu’on devinait réservé au roi, entouré d’autres plus modestes. Sur les gradins de pierre, tables, chaises et coussins avaient été installés à l’intention des différents émissaires et de leur confort respectif. Pour l’heure les membres du conseil n’avaient pas encore pris place.

Norgar et Arvak de leur côté s’installèrent dans une alcôve de bois réservée aux visiteurs ou aux copistes, et ils y retrouvèrent Roawir. La pièce était petite et fraîche, elle comptait pour mobilier quelques chaises ainsi qu’un pupitre rudimentaire, et on y accédait par un couloir extérieur qu’Altred leur avait ouvert. Le maître d’hôtel en avait profité pour leur rappeler de garder le silence durant le conseil, et qu’ils devaient écouter sans discuter entre eux. Les conversations dans l’alcôve – même à voix basse – pouvaient être audibles depuis l’estrade, malgré la distance qui les séparait. Altred insista sur l’honneur qui leur était fait, et sur le bon sens comme sur la tenue dont il attendait qu’ils fassent preuve. Un copiste devait arriver bientôt qui aurait la responsabilité de prendre en note les échanges qui allaient avoir lieu.

Altred comptait sur la présence d’une personne studieuse dans la pièce pour assurer le silence des visiteurs. Norgar et Arvak l’assurèrent de leur bonne conduite et le maître d’hôtel retourna à ses occupations. Enfin seuls ils saluèrent Roawir et l’invitèrent à se joindre à eux, ce qu’il accepta. Le conseil n’ayant pas encore commencé, ils ne se privèrent pas pour engager la discussion ensemble.

— Alors, demanda Norgar à Roawir, comment tu trouves Mralèm ?

C’était la première fois que Norgar avait réellement l’opportunité de discuter avec l’elfe, aussi il préféra commencer par des banalités. De son côté Roawir semblait embarrassé et craignait visiblement de faire preuve de maladresse, en particulier après le long discours rigide d’Altred.

— Oublie l’étiquette, le rassura Norgar. Tu vois Arvak, il vit ici depuis vingt ans et il n’a toujours pas compris comment ça marchait !

— Quoi ? s’exclama Arvak.

Il n’avait pas écouté leur échange, son attention était concentrée sur l’émissaire qui venait d’entrer.

— Tu vois ? renchérit Norgar, puis il baissa la voix et dit à Roawir en murmurant : quand tu ne sais pas comment répondre, aie l’air important et mystérieux.

Roawir sourit puis tenta une réponse à la question de Norgar en appliquant ses conseils :

— Vous êtes des hôtes très affables et il y a beaucoup de beauté dans votre pays.

Norgar lui répondit par un sourire et un geste d’assentiment.

Alors Arvak attira son attention sur le conseil.

L’émissaire qui avait fait son apparition était du peuple des dragons-mirages. Comme pour les Vaérims, Arvak en voyait un pour la première fois et il les avait très peu étudiés. Il découvrit une créature à l’apparence très éloignée de ce qu’il avait pu imaginer. L’émissaire était de petite taille, peut-être moitié moins grand qu’un humain, mais Arvak pouvait difficilement comparer les deux. Lorsqu’il marcha pour rejoindre sa place dans l’amphithéâtre, l’émissaire tendit son cou musculeux et son corps fuselé vers l’avant. La ligne de son dos, alors presque parallèle au sol, prolongée par une queue reptilienne rigide, était à mi-hauteur d’homme, et cette démarche le faisait paraître très petit. Mais lorsqu’il s’arrêta pour leur adresser un bref regard, il se redressa de toute sa taille, et, du fait de son long cou, il parut alors de taille humaine, tandis que ses épaules discrètes se seraient trouvées à hauteur de poitrine.

Il avait un corps musculeux, sec et svelte, des bras minces dont les mains évoquaient les serres des rapaces, des cuisses puissantes et des pieds à quatre doigts pourvus de griffes d’une taille effrayante. Sa tête ressemblait à celle d’un dragon, avec des yeux plus grands, vigilants, une mâchoire puissante. Ses écailles avaient une teinte ocre cuivrée, ponctuées de nuances et d’ocelles colorés, dorés, noirs ou rouges, formant un ensemble assez discret. Dans une savane d’herbe sèche, il aurait pu devenir invisible.

La créature dégageait une telle impression de puissance martiale qu’Arvak en eut froid dans le dos alors même qu’aucun de ses gestes, regards ou attitudes, n’était belliqueux.

Il portait un pagne autour de la taille, des bracelets aux poignets et des colliers autour du cou. Sa tête était ornée d’une coiffe de métal finement travaillée, dont partaient de longues et fines plumes colorées. Arvak savait pour l’avoir étudié que les dragons-mirages partaient au combat en armure de plates et il osa à peine imaginer l’effet que cela lui ferait s’il se retrouvait attaqué par plusieurs créatures similaires, vêtues d’armures, dans la savane sauvage du Magcam.

— Il est très impressionnant, remarqua-t-il.

À côté de lui Roawir toussota légèrement.

— « Elle », corrigea-t-il, c’est une femelle. Les mâles ont des écailles de couleur beaucoup plus vive.

À ce moment-là, des coups discrets furent frappés à la porte de l’alcôve et Norgar alla ouvrir, ce devait être le copiste.

Eliwyl apparut dans l’entrée, un paquet de feuilles à la main et au côté une sacoche de scribe. Elle entra sous le visage stupéfait de Norgar :

— Comment tu as fait ça ? lui demanda ce dernier, très surpris à l’idée qu’elle ait pu être désignée comme scribe du conseil.

— J’ai attrapé dans le couloir le scribe qui devait venir, expliqua Eliwyl en installant ses affaires. Je lui ai dit que s’il ne me laissait pas sa place je lui casserais la gueule. Oh, rebonjour Roawir !

Il fit un geste hésitant de la main.

— Vous vous connaissez ? s’étonna Arvak.

— On s’est croisés tout à l’heure dans les écuries, raconta Eliwyl.

— J’étais allé voir Kaléogrim, compléta Roawir.

— Très belle chimère d’ailleurs.

— Merci.

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