Centre de Sainte-Marie les Bois

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Centre de Sainte-Marie les Bois est adapté à des patients polytraumatisés. Accidents de la route, violences conjugales, blessés de guerres…et il y a moi.

Moi, dans une chambre, seule. Mon première réveil ici. Enfermée, est-ce un bien ou un mal ? Chaque porte, chaque bruit est je pense à eux…Où sont-t-ils ? Pourquoi ils m’ont laissés pourrir ?!

Je ne sais pas combien de temps j’ai dormi. Mon corps est lourd, flottant presque. Les draps sentent le propre et la peur. Comme aux urgences, ou presque….

Quelqu’un frappe doucement à la porte entrouverte. Trois silhouettes entrent, en blouse, mais pas en uniforme rigide. Des tons pastel, des badges aux prénoms lisible et pourtant petit pour mes yeux. Ai-je perdu la faculté de lire ? En tout cas, ils sourient humainement, pas les sourires de ces monstres. Une nouvelle fois ce qui m’avait manqué.

— Bonjour Mademoiselle Ramos, je suis Louisa, infirmière référente du service. Voici Erwan, kiné, et Andréa, la psychologue du pôle. Évidemment on est plus nombreux hors tous se présenter d’un coup, ferait un peu beaucoup. Tu rencontreras tranquillement, Suzanne et Zoé pour les aides-soignantes, dans la journée et la soirée. Et le moment venu, Xavier, le psychiatre, Rachel, l’art-thérapeute et Inès, l’ergothérapeute qui travaille avec Erwan.

Je hoche à peine la tête.

— J’ai conscience que ça fait du monde. C’est ton premier jour ici, mais tu n’as rien à faire pour l’instant. Juste te reposer. On viendra doucement vers toi. Pas de pression. On est dans un centre pour polytraumatisés. Tu sais ce que ça veut dire ?

— Je crois….

— Ça veut dire qu’on accueille ici des personnes qui ont vécu plusieurs traumatismes graves. Accidents de voiture, violences, blessures de guerre… ou d’autres choses. Ton dossier est particulier, mais tu as ta place ici. Et tu vas avoir toute une équipe pour t’aider à reprendre des forces, à bouger à ton rythme, à comprendre ce qui t’est arrivé.

Je ne sais pas quoi répondre. Ils ne le demandent pas.

— On est là aussi pour tout ce qui ne se voit pas. Tu peux nous parler, ou ne pas parler. Poser les mêmes questions cent fois. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réactions. Et tu peux nous tutoyer. On fera pareil, si tu es d’accord ajoute la psychologue, une fois que finalement mes yeux sont bien ouvert pour distinguer les lettres.

Je ferme les yeux un instant. J’ouvre la bouche. Pas pour parler, juste pour souffler.

— D’accord.

Louise me montre une petite fiche à côté du lit, plastifiée.

— Tes proches ont fait un planning, si tu es d’accord. On l’adaptera si besoin. Ta sœur Adela passera chaque matin sauf les week-ends. Tes parents viendront l’après-midi, jusqu’en début de soirée, sauf le week-end aussi. Et Roberto viendra les samedis et dimanches.

Je cligne des yeux, émue, confuse.

— Bien sûr, tu peux dire non, si un jour tu veux être seule. Ou si tu veux changer. Il y a le bouton juste à côté de la fiche, en cas de besoin, tu appuie dessus et on vient, d’accord ?

— Je…je peux boire ?

— On te laisse Louisa, on va se présenter à Monsieur William, arrivé aussi hier annonce le kiné.

— Allez oui, j’arrive. Tu as beaucoup soif ou un peu ?

La porte se referme et mes doigts se crispent par réflexes sur le drap. Elle me tend le verre un peu plein :

— Oui…peut essayer ?

— Bien sûr, tu veux que je t’aide à tenir le verre ?

J’accepte en tremblant, rapidement mes mains retombent tels un chiffon. Trop dur pour moi et ça me fait plaisir d’être aidé :

— Pas fermer…

— Tu veux parler de la porte ?

— Oui, veut ouverte.

— Il n’y a de problème, c’est compréhensible.

— Vous, comment m’a trouvé ?

— Je n’ai malheureusement pas toutes les informations, mais ta sœur passe dans quelques minutes pourra t’éclairer. On se retrouve dans quelques heures ?

Elle repart en laissant la porte grande ouverte. Mon esprit se souvient finalement de ses heures de peur, de tortures, du froid, de la faim, du silence, du noir et « Elle est là ! Appelez vite les secours ! Vous êtes en sécurité maintenant Mademoiselle ». Et puis, à nouveau, plus rien que la sensation de mon corps dans les nuages.

— Coucou petite sœur.

Adela. Un ange plus âgée, une étoile qui même éteinte, ne m’a jamais laissé tomber. Mon idole, mon guide. Je tends de toute ma volonté ma main gauche et elle le prends sans hésiter. Elle remet mes coussins et caresse mes joues creuses.

— Je reviens de l’Enfer…Je suis revenu des camps, non ? Racontes, racontes moi ma libération.

— Tu es sûr ?

Elle émue, tourne son regard vers les arbres puis les perfusions. Avant de revenir à moi, prenant son souffle face à ma détermination.

— Pour le moment, rien en tête. Vagues images, histoire d’Elue, toi et lui. Besoin de savoir, ils ont été arrêtés ? Fuit ? Vaguement attachées moi, noir, pluie….

— J’entends ta demande Marta. Bien, on va commencer par le début. C’était il y a deux mois et demi. Papa et maman t’avaient aperçue dans le village, tu leur avaient parlés pour le dire que de t’oublier, que tu étais plus de ce monde et même que c’est notre oncle Nicolas qui tiré les ficelles. Après, tu étais venu me voir, pour me dire aussi de t’oublier, plus revenir dans ce culte, ni au club. Déjà, tout ça, ça te dis quelque chose ?

….

Sa main glacée se réchauffe, elle sert la mienne comme elle peut. Je pensais pas qu’elle voulait tout savoir aussi rapidement. Hors après tout, c’est une bonne chose pour sa reconstruction.

Elle ne répond pas à ma question, ce qui me permet de me concentrer sur la suite avec mes propres mots. Est-ce la conséquence du stress post traumatique ou les traces de coups violents sur son crâne qui ont affecté sa mémoire ?

— Pourquoi j’étais là ?

— Aucune idée. En revanche….

— Tout maman…tout.

— C’est Adela, pas maman. Bien, il faut savoir qu’on a appris que le Docteur Arena est décédé probablement poussé par un tier. Il avait chuté contre une armoire dans son bureau chez lui. On, enfin, on pense que c’était toi. Oui, tu avais intenté un premier procès suite à son refus de modifier ton traitement pour ta greffe.

— Il est faux…

— Une machine de génie.

— Moi pas l’avoir fait….

— L’avocate est en train de convaincre que tu as bien été manipulé.

— Ils m’ont punis et fuit….ils sont où ?

— On suppose que le crime fut commis pendant ta courte fuite. Tu avais donc pris le temps de venir nous parler. Et plus rien. Le lendemain matin, un colis avec….enfin avec un mot de Sergio et tes doigts.

Elle détourne le regard vide pour se poser sur nos mains enlacer. Elle est si courageuse d’entendre ça. Je retiens mes larmes.

— La police a conclu comme moi que ça venait de toi. De là une longue enquête. C’est l’idée de maman qui t’a permis de te retrouver. En fait, la première semaine, une première fouille de la maison abandonnée de nos grands-parents n’avaient rien donné. En plus, assez rapidement, la police avec Interpol, avait suivi la piste d’une fuite vers l’Italie. Une personne qui te ressemblait était avec Sergio. On ne les a pas encore trouvé.

— Quand….maman….

— Maman est allé voir la police car elle se souvenait, la semaine dernière, que son frère avait son refuge dans la cave. Une sous cave quand il était ados. Alors, malgré les réticences de fouiller une seconde fois, ils sont allés, un matin, vers sept heure. Une enquêtrice avait déplacer une bibliothèque, pour tomber sur un mur. Un mur de briques, construit, de quelques jours. Il caché une porte fermé aussi à clé.

— Non….

— Malheureusement si. Tu veux que je continue ?

— Fin…court.

— D’accord. Comment te le rapporter sans que ça soit trop difficile à entendre. Il n’y avait pas de lumière, tu étais attachée par les poignets, nue, yeux bandés, une corde dans ta bouche. Tu te souviens vraiment de rien ?

Elle tend l’autre main pour signifier sans doute de boire un peu. C’est que deux verres plus tard qu’elle me répond :

— Un peu maintenant.

— Tu veux me raconter ? Tu auras tout le temps pour témoigner, le jour où ils seront en prison, lors du procès.

Elle revient serrer ma main et me plonge dans l’antre.

— J’étais déjà fatiguée, je fixais le sol. Et…Nicolas avait dû dire quelque chose, du genre, « Il faut partir, elle crèvera ». L’autre avait dit en bandant mes yeux et ma bouche, « J’arrive, je l’a prépare pour son enterrement sauf si on retrouve la mignonne. Tu es si belle, tu vas me manquer, oui, chut. Bonne chance, Marta Rosalia. »

Je ne sais que répondre. L’infirmière avec deux collègues repasse dans le couloir. Je file les interpeller.

— Excusez-moi, je voudrais discuter d’un point important.

— Oui, je vous écoute Madame Ramos me rassure la psychologue.

— Merci et sans vous dénigrez, Madame Ares, je voudrais échanger avec vous Madame Molin. Ma sœur m’a déjà demandé comment on l’a retrouvé et elle m’a dit un souvenir de la dernière fois que ses hommes lui avaient parlés. Je me sens lâche d’être juste partir à l’instant vous parlez mais, je ne sais pas quoi répondre, si c’est cela que ma sœur a besoin d’entendre.

— J’ai un peu de temps à vous consacrez.

Ses collègues continuent leurs routes et j’accueille avec soulagement, ces précieux conseils ainsi que ceux nécessaires pour changer un peu les idées de ma sœur. Je reviens dans la chambre avec quelques magazines de beautés et un petit roman. Ma lecture lui fait du bien et elle s’endort en douceur.

Le midi, elle dort encore quand nos parents prennent le relais. Je leurs faits un premier point sur le parking avec ma deuxième pause cigarette avant de partir manger à l’école où je sais que Carmen attend aussi mon point.

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