Retour aux sources
Les vagues se coordonnent avec mon âme. Dans le doux vent, le souffle de Roberto et dans mes chuchotements, mes pardons. Je me détourne lentement du beau tableau de ma chambre pour marcher en boitant jusqu’à mon fauteuil.
Ici, la décoration date des années soixante-dix mais je m’en fiche. Je me suis vieille de tout manière avec mon pied droit sous attelle. Mon nez n’est pas mieux, je respire quand même un air…triste.
Ma routine me manque, mes enfants aussi. Le bruit du réveil, l’eau de la douche, le café qui goutte, les jumeaux qui se disputent un jouet, ma grande qui rentre du skate le sourire aux lèvres et Alvaro qui gratte sa guitare dans le seul but de me rendre heureuse. Adela aussi qui partage un livre avec un thé.
— Des photos je devrais plus tôt mettre ici, six semaines c’est si long. Pourquoi ai-je accepté ? Sans doute que je devrais vraiment annuler ce truc là en moi, je pourrais vivre avec quelque chose d’humain et non enchainer à mes humeurs comme une chienne en laisse !
«
— Tu te sens comment dans cette posture hein ma chienne ?
— Je suis comme tu le veux Sergio…
— En fait, tu n’es plus rien. Oublies toi quand tu as fauté !
— Pardon Sergio…Mais, je ne sais jamais ce que tu veux de moi ! Un coup je suis libre, un coup je subis tes jeux idiots ! Et un autre, entre-deux ! Expliques-moi !
Il serre la corde presque en m’étranglant. Les week-ends sont ces jours préférés. Si la semaine, je me prostitue encore pour lui surtout au club, c’est dans la cave de l’immeuble, qui laisse son démon me détruire.
La laisse est extrêmement rare en ces trois premiers mois. Pour continuer à me canaliser en oubliant volontairement de parler du carnet, je devais obéir ou réciter des choses. Je ne comprends rien à ce jeu glissant.
Regrettant d’avoir menti pour protéger ma sœur de ma dépravation. Elle avait surement vu que je tiens debout après plusieurs bières, forcés par Sergio…Pour le moment, je dois reconnaitre que mon cœur tient mais je doute qu’il soit fabriqué d’une autre matière non naturel.
Le cardiologue ne voit plus rien d’étrange et pourtant, je remarque que je dois de moins en moins consulter. Je dois prendre forcément des doses modifiés qui…ma pharmacie est complice ? Je ferme les yeux, je verrais sans doute une réponse claire à ce trouble. Je me concentre sur le loup, sa poigne me sert les joues :
— Le procès tu l’as quand ma mignonne ?
— Dans deux semaines….
— Tu tiens à jouer donc avec tout le monde. Tu sais accuser un respectueux médecin est passible d’une vie de honte ma chérie ! Tu vas pourtant bien mieux hein en m’écoutant à genoux ? En donnant ta vie pour moi pour qu’un jour tu sois comme ton oncle. Il est rare, furtif mais tellement puissant. Il brille de projet et tu peux en faire partie ! Tu veux tenter de mourir sur scène en continuant de suivre tes leçons parmi d’autres ou juste être en là dans ta posture temporaire pour que tu puisses toi aussi éclairer le monde hein ?!
— Je veux juste comprendre ce que tu attends de moi, tu me perds…J’ai froid en plus…
— Tu te perds toi-même en obéissant pas ! Déjà, ce soir, tu as osé demander un verre de vin à ce client, donc tu es punis. De deux, tu as aussi chercher des choses futiles, je vais sévir.
— Pitié Sergio…je dois à jamais me taire ? En quoi ça m’aide ?
— Tu vas vite comprendre. Suis-moi, pas un mot.
Il me tire pour sortir sur le parking intérieur, le téléphone filme alors que je restes humiliée. Ma mémoire supplie que c’est un cauchemar ! J’avance difficilement, je recule, il me tire. Enfin on monte la pente, le froid m’engourdie, je suis nue, en larme.
— Là ! Restes à genoux ma chérie. Tu vois à ta gauche ? C’est le garde du corps, si tu parles, d’un geste de ma part, il va te descendre. Je vais rallumer, il est deux heures du matin, je vais chercher ma dose avec ma chienne de compagnie. Voilà, ça filme. Ce soir, ma chérie à voulu m’accompagner et prouver sa dévotion à son maître, n’est pas Marta ?
— Oui Sergio.
— Tu adores ça hein ? Elle ne répond pas par amour. En route… »
Je vomie mon repas dans la poubelle. Il ne partira donc jamais celui-là ! Si les premières temps après la naissance de Luna, je pouvais enfin observer des chiens sans me raidir, là, je m'inquiète …
Ok, l’an dernier avec l’ampleur des réseaux avait raviver les flammes ! Hors, là, rien ne le justifie. Alors, je ferme les yeux en me souvenant de quelques techniques de sophrologie. Ça fonctionne mieux que d’habitude, pensant à l’école des arts de la scène.
Le neurologue me disait qu’étant jeune, ma mémoire pouvait avec énormément de travail, retrouver parfois des souvenirs enfouis. J’ai envie de revoir les salles même si ma sœur m’a dit qu’il y avait eu quelques travaux, il y a quatre ans.
Et si je renouer avec moi-même ? Eva avait raison, faut que j’arrête d’être qu’une mère, qu’une veuve et l’enterrement comme le concert maison, m’avait donné une énergie folle. Une fois mon pieds réparé, je me remet à danser en priorité.
Non, non, c’était la dernière fois que les autres avaient voulu qu’on se réunisse…Peut-on encore en vouloir des années plus tard ? De moi à moi, oui mais pour une histoire de vols de chansons…je m’étais excusé non ?
— Madame Arenalez, tout va bien ?
— Oui Monsieur, juste eu une remontée de…enfin pardonnez-moi, faudra changer la poubelle. Au fait, est-ce possible que je participe pas aux ateliers ? Je voudrais surtout avoir l’autorisation de ramener un ordinateur, le mien. J’avais un groupe de musique formé à mon adolescence en psychiatrie court séjour puis, enfin, une longue histoire. Je ne sais pas si vous connaissez tout mon parcours en séjour complexe, je me rappel d’un concert raconté en état dissociation alors que j’étais amaigrie, ne pouvait plus bouger…et quelques chants chantés en toutes consciences seules aussi dans ce centre Sainte Marie les Bois pour polytraumatisés. Et le seul dernier concert c’était à mon école des arts après ma sortie. Je vous noie de détails simplement pour vous expliquez que chanter, danser étaient avec le théâtre, un immense vivier d’émotions. Ça m’avait tellement de fois sauvé ma vie sans recours à d’autres.
— Ici on s’adapte à chacun. On respecta votre choix, juste, veuillez respecter les autres chambres, histoire de pas dépasser un niveau sonore.
— Ne vous inquiétez pas, j’aurais mon casque. Pour le moment, je chanterais peut-être avec surtout, de l’écoute.
— Izan ! Manuel ! Doucement avec maman ! Elle encore bobo, oui. Salut maman !
— Soyez rassurer aussi, je saurais baisser le niveau sonore.
L’infirmier ne répond pas, juste un demi sourire lui suffit. Deux jours que je suis là et je sais déjà que c’est un blagueur avec moi comme les autres. Les miens aussi.
Luna me montre les dessins et elle a ramené…mon ordi !
— Tu as écouter au porte ou tu vois l’avenir ?
— Je sais que tu as besoin de revenir aux sources. Promis, on n’a rien écouté ! On attend le concert avec Manue !
— Je me suis entrainé une fois seule, c’était génial en effet. C’était pendant que ton père était…
— Donc tu vas rester en vie et prendre soin de toi ?
— Oui ma chérie. Alors, quoi de beau à la maison ? Luna est une superbe sœur hein les garçons ?
— Maman…
Même Manuel semble avoir changé. Il est dit autant de mot que son frère et cherche aussi de l’attention. Luna m’aide à m’assoir par terre pour jouer tous les quatre. Le monde où on raconte des histoires, on se chamaillent, on rit, c’est le meilleur des remèdes. Sans eux, oui, finalement, je pense que je serais déjà partit dans un battement d’aile. Les adultes auraient compris ce que des jeunes ne pourront jamais concevoir et heureusement pour eux.
Enfin, après le jeu, je dors avec les petits dans le lit, autorisant ma fille à copier le fichier « Les Passagers, clips, concert ». D’un œil, je me réveillerais parfois pour l’observer avec le casque, le sourire aux lèvres, en larme ou simplement choquer. Elle se retournera aussi quelques fois, se demandant qui est vraiment sa mère entre mon corps de quarantaine en ruine et celle des années avant. Je lui souris, caressant la tête de ses frères toujours endormis.
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