En dérive

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— C’est si brutal que ça la maladie de ton père ?

Je termine ma banane, dérivant vers le rire bruyant de Léo, le pitre de sa bande et de notre classe. Dès qu’il se tourne vers nous, je détourne bien vite, les joues rouges. Ma famille à beau être un bazar, de mon côté, je ne peux pas m’empêcher de penser à lui.

C’est le dernier jour avant les vacances, les dernières heures avant les séparations. Par chance, Manuella reste tout l’été ici et moi ?

— Luna? Hey ho tu portes bien ton nom toi !

— Pardon, tu disais ?

— Je parlais de ton père.

— Son cancer ? Ah, ouai, bé ça fait quelques mois qu’il est en stade deux voir trois. Il refuse la chimio pour tester des médocs pour repousser l’échéance. Il fumait beaucoup et c’est son poumon droit qui trinque le plus. On lui donne moins de six ans à vivre…

— J’imagine que tu le prends mal et comment va ta mère ? J’avais cru comprendre à la fête, qu’elle était malade aussi.

— Elle m’a dévoilé la vérité enfin. Il y a des éléments de son passé dont je suis trop jeune pour tout entendre. Ce que je sais, c’est que mes parents, étaient élèves dans la grande école des arts de la scène de Carmen Arranz à Madrid, ils avaient vingt-quatre environ.

— Connais pas.

— Pareil. Elle existe toujours, dirigé par ma tante Adela. Une des meilleurs pour former des grands artistes. Bref, ma mère une très bonne élève, bosseuse. Faut dire que pour avoir les examens en théâtre, chant, danse notamment, faut ne jamais compter ses heures. Et pourtant, en début de sa dernière année, elle avait apprise qu’il lui rester moins d’un an à vivre si elle ne recevait pas à temps un greffon. Une cardiopathie sévère si j’ai bien retenu le truc. Par chance, elle fût greffé à temps. Après, sur les zones d’ombres à me raconter plus tard, elle a vite raconter la même histoire que quand j’étais enfant. Des méchants lui ont fait du mal et des bons sauveurs ont été là à temps. En rajoutant, qu’elle avait appris que son cœur était un artificiel illégal.

— Houlà, deux secondes. Tu me dis qu’elle a eu une greffe pas légal ? Pourquoi ? Et puis, maintenant, des artificiels ça existe ! Et si… Je te l’avais dit en plus !

— De quoi ?

— Tu ne savais pas pourquoi elle a ses mains amputés. J’ai supposé une agression !

— Ouai, je n’en sais rien de plus. Juste que, ce cœur pas certifié, elle avait retiré pour un deuxième vrai. Cependant, l’opération avait eu lieu, il y a douze ans. Un greffon à une courte durée et c’est hyper rare que ça dépasse quatorze ans. Sauf, les derniers modèles modernes artificiels conçus pour des cas particuliers qui ont aussi, une durée. C’est compliqué la médecine, ma mère m’avait tenté de tout expliqué. Moi ce que je retiens, ce sont des parents qui jouent à la roulette russe avec la mort. Bien que ma mère pense demander à des chercheurs qui ont étudié sa première machine et qui finalise un nouveau sur le marché, de le tester pour évaluer les différences ainsi que de le rendre performant.

— Tu penses qu’ils peuvent refuser ?

— Je prie pour qu’ils acceptent. Enfin, dernière chose, j’ai oublié de te le dire mais, tu sais, mes parents étaient vite parti ces trois derniers jours pour résoudre la disparition d’une amie et à leur retour, ma mère est beaucoup mieux.

— Ta famille est compliqué en ce moment. Tout s’effondre en quelques jours, je ne pige pas surtout justement ta mère, qui avait reçu une lettre étrange, apprend la maladie de ton père, semble amoureuse de ton parrain, comment elle peut revenir le sourire aux lèvres !

— Son secret ? Elle me l’a souvent partagé. Rire à travers les larmes, la meilleure arme face aux tourments. Ho, tu sais quoi, justement, mon père recommence à l’appliquer. Il s’est promis de passer de bons moments avec nous pour mourir heureux. Je n’aime pas ce qu’il se passe, j’aimerais stopper le temps sauf que, on n’a pas le choix. Et chez toi ? Tout va bien ?

— Calme sauf les ronflements de Patou.

Patou est le vieux labrador de sa grand-mère. On l’épuise souvent à le faire jouer mais c’est un amour pour se coller.

— Et ton parrain ? Tu l’as revu ?

— Je le revois ce soir d’ailleurs. Après pas eu de nouvelles hors mis pendant l’annonce. Il avait dit accompagné mes parents pour le voyage et rester fidèle pour s’occuper de moi, le moment…

— Bé dis donc, je connais ta technique pour toi aussi rester positive.

— Comment ça, on y va ?

— Tu rougies à chaque fois que Léo te fixe. Je vois ta peine et pourtant, tu rêves de vite passer à autre chose.

— Ne dis pas de bêtises, allez on y va !

J’initie le mouvement après m’être rapidement coiffé sous les éclats de mon amie. Les garçons nous suivent. Une fois dehors, je ne peux rester longtemps secrète, avouant finalement que Léo attends ma réponse pour savoir si je l’aime. Manu me pousse à accepter de sortir avec lui.

Une bulle étrange de ciel bleu de l’amour qui ne va pas éclater quand j’arrive à la maison. Du moins, l’image d’un couple normal sera brisé au profit de….

De l’entrée, de dos, sur le canapé, se dessine des embrassades à trois. Mes parents et mon parrain ! J’hallucine ! Ma mère embrasse les deux et ils se déshabillent ! Mon sang ne fait qu’un tour, je prends l’air en claquant presque la porte.

Je descends en courant les quatre étages pour sonner à l’immeuble d’en face « SOS ! Ramène ta fraise pour sauver une amie ! »

— Tu me fais une crise de panique là ! Ton père est …Ok bonne nouvelle et ta mère ? Si tu me parles pas, je ne peux t’aider ma pistache !

Je lui en collerais bien une de me surnommer ainsi ! Sauf qu’elle a une nouvelle fois implanté un beau souvenir datant de nos cinq ans. Le jour de son anniversaire, je me suis simplement tachée. Aucune idée de la façon dont c’était restée !

— Sacré brioche va !

— Touché coulé ! Moi, j’ai accepté avec fierté d’être un peu ronde ! Ma mère fait des régimes pour maigrir. Bon, tu reprends vie, doc amie est là à ton écoute.

Elle pose sa main sur ma poitrine, mon souffle se calme et elle suit mon attention en direction du balcon. Derrière les rideaux jaunes, se trame :

— Tu sais, on est jeune pour tout connaitre. Mais, c’est normal de voir une telle scène ?

Je lui parle tout bas. Elle cherche quoi me dire avant de me répondre tout en laissant passer les gens :

— Les adultes mentent peut-être. Il existe sans doute plus que deux papas ou deux mamans ou un papa et une maman. Souviens-toi que l’infirmière nous avait parlé de consentement, de respect. Ils sont heureux et ils t’aiment aussi.

— Il y a quelque jours, j’avais le sentiment d’un divorce. Mon père avait surpris ma mère et mon parrain à la fête ! Et là…

— C’est leur problème pas le tien lulu.

— Si Alvaro commence à bientôt habiter chez nous…et si mon père laissait la place dans le cas où….

— Pense à autre chose, tu veux rentrer chez toi ou attendre ? Enfin, c’est risqué et sortir l’oiseau en plein jour…

— Je suis perdue, si mon père laisse sa place, pourquoi il …

— Tu l’as vu embrasser ton parrain ?

— Oublions ! Les bisous c’est…j’aimerais d’ailleurs embrasser Léo mais, c’est beurk. Baveux je dirais ! Bon mes parents le font vite !

— Et notre baiser à la fête tu n’avais pas aimé ?

— On verra avec les garçons ! On dit qu’ils embrassent mieux ! Je peux squatter chez toi en attendant ?

— Bien évidemment ! Pour un dernier jour d’école, c’est gratiné !

Après une heure de jeux-vidéos, je rentre enfin pour faire mes devoirs. Ma mère m’a demandé si tout c’était bien terminé. Mon père s’est terré dans le bureau pour tes dossiers et mon parrain, consulte son ordinateur gérant sans doute des factures pour sa vente de guitares.

— Tu vas bien toi maman ?

….

Elle me pose rarement cette question. Son regard indique qu’elle sait. On a entendu son départ, on a regretté bien vite. Nous sommes des irresponsables ! Pourquoi tout a pu basculer à une relation à trois ?! Comment l’expliquer maintenant à Luna ?

En fait, on a regretté juste de le faire en journée. Scellant sans doute, une envie de tout posé, tout vivre, Roberto passant le flambeau à Alvaro et moi, brûlant d’un dernier feu ardent pour l’amour passé et présent.

— On vit le jour le jour mon miracle. Et toi, tu sembles vouloir me demander autre chose non ?

Elle me ressemble tellement autant physiquement que dans ses mimiques. Dommage qu’elle ne se lance pas dans la danse ! Même si j’avais arrêté d’épuiser mes muscles, on avait énormément improvisés des pas jusqu’à ses huit ans.

Luna m’a apprise à vraiment renaitre. Si le centre m’avait accompagné, elle fût mon ancre. Le neurologue qui me suit tout les cinq ans, semble ne pas comprendre ma guérison. Je fonctionne parfaitement bien.

Ma mémoire n’a pas de trou hormis des floues liés aux passés. Je marche bien, je conduis, j’ai plus peur de l’extérieur. Quoi que, Adela le pense car je n’ai plus de lien social mise à part les amis communs de l’école avec Roberto.

Et ceux de mon dernier concert ? Alvaro avait bien réussi à nous faire réunir pour une dernière fois. Ils ont coupés les ponts à cause de lui et du passé. Ils ne l’ont jamais pardonnés de ne pas avoir le courage de vite parler à la police et à eux. J’avais tenté de prendre parti, ils m’ont aussi mise en cause sur…un autre sujet. J’avais volé toutes les musiques pour me les appropriés des quelques années plus tard. Finalement, on a bien réaliser ce concert filmer pour contenter tout le monde et ne plus en parler. C’était une dernière volonté avant que tout dérive….

— Tu laisses brûler les cordons bleus maman.

— Ho merde !

Elle mordille son stylo fière de sa blague. Je baisse le feu par sécurité avant de m’installer à ses côtés dans cette petite cuisine.

— Tu me fais parfois flipper avec ton sourire maman. Tu penses à quoi ?

— Dans quelques jours, tu sauras tout. Je te vois à mon âge, mature et curieuse. Inquiète de l’avenir qui se dessine sous tes pieds, sans que personne ne le contrôle, pas même moi.

— Je vous ai vu. Je ne veux pas me mêler vraiment de vos affaires mais maman…pourquoi tu fais ça ? Papa va mourir, il t’a dit alors de voir Alvaro mais, non, je suis perdue maman. Vous jouer avec la mort, une course et je vous ai entendu aussi à l’école, à la fête ! Oui, ton amie Eva, morte en vie, une rose, un divorce possible puis…

— Ok, ça te perturbes, c’est sain, c’est normal. Nous aussi. En tout cas, personne ne va divorcer et on va sans cesse s’efforcer de t’offrir un cadre rassurant avec tout notre amour pour toi. Tu sais, être adule n’est jamais facile. Crois-moi, on cherche à t’apporter le meilleur pour toi.

Je sens qu’elle est moyennement convaincu. Au moment où je me saisis de ses mains dans les miennes, Alvaro passe dans le couloir quelque secondes. Des bribes d’avant reviennent et…

« Tu penses trop, tu souffres non Marta ? Vient là alors que je te corriges ma fille ! Super, à genoux, tu mérites la laisse et une bonne correction ! » « Tu dérives à tout le temps connaitre les réponses ! Obéit ! Agit ! Je sais ce qui est bon pour toi ! Tu me remerciera un jour ! »

— Maman ? Ne pleures pas tu sais, je vous aime tout les trois et je juges pas votre relation, juste que j’ai besoin qu’on me cache rien, je suis capable de comprendre.

…..

— Occupes-toi du repas, désolé.

Elle embrasse mon front et s’en va en me laissant le gaz allumé, mes neurones en feu avec les maths, des questions sans réponses. Ai-je dis quelque chose de mal ? Je l’ai pourtant rassuré sur mon amour pour eux. Soudain, je me demande pourquoi je travaille alors que c’est le début des vacances ? Un moyen de ne pas me perdre ? En entendant la TV, je file voir mon parrain.

Il a beau avoir quarante ans, il se marre devant les dessins-animés. Si mes parents avaient aussi une capacité d’humoriste, le plus performant, c’est lui.

— Un coca cher enfant ?

— Avec des bonbons pour fêter la fin des cours barbants ?

— On dira rien à maman alors ?

— Elle le verra.

Son clin d’œil est aussi fondant que Léo ! Non pas que je craque sur mon parrain mais je ne me demande pourquoi ma mère ? Je veux dire, il y a sans doute une femme sur Terre pour lui ! Après, j’ai une chance quelque part.

Si ma théorie est la bonne, je n’aurais pas à me taper un beau-père relou ou autoritaire. Alvaro est un bon second papa ! Jamais il ne remplacera mon père, il apportera sans doute, le moment venu, ce qui risque de me manquer.

En vrai, ça peut être cool de vivre dans une famille différente des autres. Évidemment, ça restera un secret. Tout manière ma mère à bien les siens, elle est vraiment quelque d’autre, une survivante d’après mes proches.

Et mon père ? Un ex chanteur connu. C’est dans mon village, un cas unique. Car survivante d’un accident, il y a bien une autre femme. Pour moi, vu les amputations et le mystère d’une rose, ma mère doit vraiment avoir survécut à quelque chose de dingue !

Ça me donne envie d’en savoir plus ! Par où commencer ? Déjà, attendre que ma mère se dévoile enfin. Mon noël avant l’heure. Je pense que les deux dernières fois, je ne suis pas au bout de mes surprises !

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