Code rouge

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« Ils ont été arrêtés en Allemagne Marta » Quand ? Comment ? Où précisément ? C’est mon père qui d’habitude silencieux, avait lancé la corde. Pour remonter ou pour descendre ? Sixième mois, trente-sept kilos, c’est peu oui.

Pourtant, j'avance au mieux. Mange seule enfin je tente ou demande parfois l’aide de ma sœur et de ma mère. Avec la psy, on consolide la famille et Roberto. Tant mieux, je suis d’accord avec ça. Si je compte bientôt tomber à nouveau, je peux leur faire confiance.

Hors de questions de choisir d’évoquer ce monstre, mon oncle incestueux, le Présentier imaginaire ou encore mes deuils. Disons que j’en ai déjà oui, poser des mots là-dessus hors, c’est trop lourd, trop lointain, trop violent.

J’avais surtout avant ce coup de filet bienvenu, du travail sur mon corps également. Erwan est blagueur et me rassure, me motive sur ma marche. C’est frustrant de se dire qu’on sait marcher et que néanmoins, on y arrive plus comme avant.

J’avais demandé aussi à me muscler moi-même sauf qu’ils veulent que j’atteigne quarante-cinq kilos en ayant plus d’apports nutritifs. J’ai accepté de mauvaise grâce, le mal en patience. Alors, le kiné prend le relais.

Quand je sors, je suis quand même heureuse de laisser le fauteuil et de prendre le stabilisateur. De tout manière, au fond, ils ont raison. La gravité est une montagne, trop de longs mois allongés, assise, à genoux. La danseuse est morte.

Et mes mains ? Inès m’accompagne de temps en temps sur l’autonomie au quotidien. Me douche, m’habiller seule, me coiffer ect. Mes doigts me manquent oui, rien n’est facile dans la vie. Cependant, j’ai toujours su me battre, même en fuite, même perdue, je suis une battante.

Enfin, une guerrière amaigrie, aux troubles neurologiques défaillants. J’ai eu le droit à mon premier examen complet qui confirme que les drogues répétés, les traumatismes crâniens ainsi que ma dénutrition plus mon stress post traumatique, ont altérés quelques fonctions.

« L’examen neurologique et psycho cognitif montre une atteinte légère à modérée des fonctions exécutives et mnésiques, en lien avec l’exposition prolongée à des substances psychoactives (cocaïne, LSD, psychotropes), une dénutrition sévère, des épisodes dissociatifs répétés, et des traumatismes crâniens anciens. Marta présente des troubles anxiodépressifs sévères, une mémoire autobiographique lacunaire, une difficulté d’attention soutenue, et un ralentissement moteur et cognitif généralisé. Elle reste toutefois partiellement rééducable, avec des points d’ancrage émotionnels solides grâce au soutien familial et au lien thérapeutique."

J’avais capté le mot du professionnel à mes parents quand ils venaient me chercher après l’entretien. Je ne pige rien et je me rappelle que maintenant qu’il m’avait expliqué au mieux un peu avant :

«

Le docteur Florent Vidal, neurologue, est en face d’elle, un dossier en main. Il prend le temps de la regarder avant de parler.

Bonjour Marta. D’abord, je veux te remercier d’avoir passé les tests avec courage. Ce que tu fais depuis six mois, c’est impressionnant. On avance à ton rythme, mais on avance, et tu n’as jamais reculé. Je tenais à le dire d’entrée.

Il ouvre calmement le dossier, puis croise les doigts devant lui.

On a terminé les évaluations neurologiques et cognitives. Les résultats montrent certaines séquelles, qui sont liées à plusieurs choses que ton corps et ton cerveau ont dû supporter pendant longtemps. D’abord, on observe une atteinte légère à modérée des fonctions exécutives et de la mémoire. En clair, tu peux parfois avoir du mal à te concentrer longtemps, à organiser tes idées ou à retenir certaines choses récentes. C’est normal, Marta. Et ce n’est pas irréversible.

Il marque une pause.

Ces effets sont liés à plusieurs causes en même temps : tu as été exposée à des substances comme la cocaïne, à haute fréquence, puis au LSD, et à d'autres pilules que tu as été forcée de prendre. Tu as aussi subi une dénutrition sévère, des traumatismes crâniens et un stress très élevé pendant longtemps. Ton cerveau a fait ce qu’il a pu pour survivre. Tu présentes aussi ce qu’on appelle des troubles anxiodépressifs importants, ce qui veut dire que ton système nerveux réagit encore très fort au stress. Tu peux faire des crises, perdre des repères. Et ta mémoire du passé est… lacunaire. Il manque des morceaux, c’est normal après ce que tu as traversé. »

— C’est cassé… dans ma tête ?

Non. Ce n’est pas cassé, c’est blessé. Et tout ce qui est blessé peut guérir. Pas à l’identique, pas comme avant… mais suffisamment pour vivre. Tu es déjà en train de le prouver. Tu as un ralentissement général : ton corps et ton esprit prennent plus de temps, pour marcher, parler, penser. Mais c’est un ralentissement, pas une paralysie. Et ce qu’on voit, c’est que tu restes rééducable. Tu as des points solides sur lesquels on peut s’appuyer : ton lien avec ta sœur, Roberto, ta famille, ton envie de comprendre, d’avancer. Et ça, Marta, c’est ce que la science ne mesure pas mais qui fait toute la différence.

Prendre le temps, ça me convient plus facilement. On me disait impulsive, énergique. On me dit hyper vigilante, angoissée, presque Alzheimer. Aujourd’hui, j’ai accès à mon ancien ordinateur en fin d’après-midi.

J’active à nouveau le code rouge. Après mes automutilations, car oui, je me souviens que peut après avoir parlé des jeux de ce cher Serpent Sergio pour être parfaite, dans la nuit, j’avais cassé un embout de mon lit pour tailler la rose, le serpent et marqué mon bras droit d’un « Coupable ».

Une crise qui avait suivi une micro-paralysie quand un matin, alors que ma sœur me donner une compote, notre mère est rentrée. Et là, oui, là, j’avais su que les albums souvenirs ont bien remontés des saveurs acides, Nicolas. Il a volé ma vie ainsi que d’autres et surtout menti.

Car oui, ma mère m’a précise que même si elle aimait son grand frère, elle ne l’a jamais mis sur un quelque conque héritage. Il a refusé plusieurs fois sa part, c’était comme ça. Désormais, il va payer, je sais très bien qu’il se vantera de son culte à la con.

Et Sergio ? J’en tombe presque ma sacoche. Pourquoi je l’ai sur mes genoux ? Pourquoi je suis dans le couloir avec mon fauteuil ? Punaise ! Oui, oui, voilà. Code rouge. Bouton de bombe. Je file dans la grande salle, consciente cette fois ci de mon état.

L’idée de chanter de nouvelles chansons que je lirais parfois pour me rappeler de mon ordi. J’ai le micro aussi fournit par Roberto. L’accord du personnel de revivre mon groupe. Surtout, en fait, j’ai préparer avec mon casque les sons, mais besoin de plus grande pièce pour respirer, plus crier, pleurer, tout revivre.

Une fois en place, je reconnais quelques autres patients qui me demandent si je vais bien chanter et si oui, est-ce que j’ai besoin d’aide pour aller sur la grande scène. Je les fixe surprise, me renseigne, ne sait rien et attend le passage de Miguel, un autre aide-soignant d’une autre cellule pour m’aiguiller.

Il sort son téléphone pour me montrer une vidéo de moi qui est en transe il y a quelques mois. Il m’explique que c’était incroyable et c’est évidemment normal que ma mémoire l’avait rayé. Il me souhaite une bonne fin de journée, je l’oublie bien vite pour tout terminer de tout branchée.

Et je commence à chanter, je stoppe pour prendre l’appareil photo laissé par Roberto, il y a plusieurs semaines. Je pense qu’il reste de la batterie. En allumant, je tombe sur moi, nue. Il était venu pour filmer mes danses de bras avec Adela, je l’ai pris de mains pour exiger qu’ils me tienne debout dans la salle de bain pour ce cliché.

Je connais de plus en plus mes failles, mes doutes. Aujourd’hui ou demain, je reprends le contrôle de ma vie. Je retrouve mon ancienne moi, pour m’habiller demain. Les autres m’écoutent, tant mieux. Code rouge, sang qui a coulé de l’ancienne Elue. Code rouge, sang qui renaît, je suis la nouvelle l’Elue. Je suis ma propre croyance.

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