Chapitre 2 : Mélanie

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Mélanie cria en voyant les démons tomber sur les deux Zodiaques. Dès leur sortie de la tour radio, elle avait entendu le bourdonnement typique de ces monstres de pétrole résonner dans sa tête. Au départ, assez faible, elle n’y avait pas prêté plus attention que ça. Le son s’était intensifié peu à peu jusqu’à ce qu’il devienne insupportable.

Heureusement, Adrien avait eu le réflexe d’activer sa barrière. Il les avait protégés avec Martin de ces êtres bipèdes qui tombèrent directement sur le dôme d’énergie et se retrouvèrent aspirés.

Mélanie se retrouva poussée en arrière par Dorian. Six autres démons attendaient encore pour en découdre. Forcée d’être spectatrice avec son don inoffensif, elle regarda hébétée ses compagnons passer à l’action.

Dorian libéra son poison qui enveloppa rapidement l’entièreté de ses bras et fonça tête baissée. Elle savait son pouvoir puissant. Un seul contact direct avec ces mélanges de boue et de pétrole suffisait pour les empoisonner. Sa toxine les immobilisait avant de les tuer à petit feu.

La Gémeaux sursauta avant de porter ses mains à sa bouche. Un des démons avait bien failli mordre l’une des jambes de Dorian. Ce dernier, agile, l’avait esquivé au dernier moment. Il était entouré de ces êtres immondes. Il ne pouvait passer à l’offensive. Il ne devait pas baisser sa garde. Il continuait d’esquiver et de parer les attaques des monstres.

Une hargne que Mélanie ne leur connaissait pas semblait animer les démons. Ils s’en prenaient tous au Scorpion. Avec son regard extérieur au combat, Mélanie se rendit compte du comportement étrange des démons. Ils ne cherchaient pas à détruire quoi que ce soit et à créer le chaos. Non, ils voulaient simplement s’en prendre à Dorian, mais sans chercher à le tuer. Ils attaquaient ses jambes, cherchaient à l’immobiliser ou à attraper ses poignets. Aucun de leur assaut ne visait son cou ou même le haut de son corps.

À ne vouloir s’en prendre qu’à lui, Adrien eut le champ libre pour les aspirer les uns après les autres avec sa barrière. Rapidement, il n’y eut plus aucun monstre encore en vie dans la ruelle.

Mélanie se précipita vers Dorian qui la repoussa. Elle souffla par le nez. Ne pouvait-il pas accepter une seule fois qu'elle soit de nouveau proche de lui. Non, il fallait qu’il s’écarte d’elle. Elle le détestait. Elle détestait qu’il agisse ainsi. Il ne s’en rendait peut-être pas compte, mais il la blessait d’agir ainsi.

— Vous allez bien ? se retourna-t-il vers les deux autres Zodiaques.

— Ça va passer, répondit Adrien.

Il se tenait la main droite dénouant ses doigts petit à petit comme pour relancer la circulation sanguine. L’ensemble de ses veines apparentes avaient pris une couleur noire et battaient plus fort que les autres à travers sa peau blanche. Le prix du pouvoir des Vierges était toujours aussi fort.

— Depuis quand les démons attaquent-ils directement les Zodiaques ? continua-t-il. Ils avaient une dent contre toi ou c’est moi qui me fais des films ?

— Ce n’est pas toi, confirma Mélanie. Ils en avaient après Dorian. En vous regardant de loin, c'était flagrant. Il ne cherchait pas à semer le chaos comme d’habitude, on aurait dit qu’ils avaient un objectif précis. Un objectif qui te concerne toi et seulement toi.

— Non mais je rêve, s’énerva Doria en ouvrant ses bras de dépit. Il y en a un qui essaie de prendre la fuite.

Mélanie se retourna et découvrit avec horreur la marre noire d’un corps désarticulé qui tentait de s’enfuir. Le monstre se tractait sur le sol à l’aide de ses bras mutilés. L'instant d'après, la jeune femme fut forcée de fermer les yeux. Une puissante lumière, capable de faire fondre sa rétine et plus encore, venait d'anéantir le fugitif.

— C’est bon Martin, l’informa Adrien. Tu peux couper ta lumière, c’est nous que tu vas tuer si tu continues.

— T’es au courant que ce n’est pas parce que tu n’as rien fait pendant le combat qu’il faut ensuite que tu utilises toute ta puissance pour en arrêter un seul ? lui fit remarquer Dorian.

Mélanie lui fit les gros yeux. Il n’avait pas besoin de faire une telle réflexion.

— Ouais, c’est bon. Je me casse d’ici de toute façon. Je rentre chez moi. Ça m’a saoulé toute cette histoire.

À ces mots, le jeune Lion attrapa son téléphone de sa poche, enfonça sa capuche sur sa tête blonde et se mit en marche en direction du métro le plus proche.

Mélanie leva les yeux au ciel étonnée qu’il n’ait pas fait plus de zèle. On était loin du caractère typique des Lions, et encore plus loin de son attitude à son arrivée en début de soirée. Elle reporta son attention sur ses deux autres compagnons. Même sans pouvoir entendre les pensées d’Adrien, elle lut à travers ses yeux froncés et sa tête légèrement en arrière que lui aussi était surpris. Martin était passé d’un Zodiaque plein d’assurance et puissant à un jeune renfermé et froid et accro à son téléphone. Cette dernière partie pouvait être tout à fait normale pour un jeune homme de son âge, mais cela ne correspondait pas à l’image que donnaient les Lions. Ils étaient d’ordinaire très extravertis, très imbus d’eux-même. On les entendait rire et parler avant même de les avoir vus.

— Ça pourrait être pas mal d’aller sur l’Envers prévenir les autres de ce qu’il vient de se passer, la sortit de ses pensées Dorian. Je ne suis peut-être pas le seul à qui c’est arrivé. Ce n’est pas normal que des démons attaquent des Zodiaques comme ils viennent de le faire, proposa-t-il.

— Je retourne chercher Martin, annonça Adrien. Sans portail, on a besoin d’être quatre pour partir sur l’Envers.

— Vas-y oui. Avec Dorian, on va pousser les démons encore existants. On va éviter que quelqu’un ne panique en les voyant écroulés au milieu de la rue.

Elle regarda le Vierge partir en petite foulée avant de se concentrer sur Dorian qui s’était déjà mis au travail. Il l’ignorait. Elle savait qu’il faisait exprès de se conduire ainsi et le détestait pour ça.

Il n’avait pas fait que tirer un trait sur leur histoire, ce qui avait déjà détruit son cœur à elle. Non, ça ne lui suffisait pas, il fallait en plus qu’il la considère comme une étrangère, comme quelqu’un à éviter comme la peste. Cette distance entre eux lui broyait l’estomac, et lui donnait plus mal à la tête que les pensées des humains. Tout était si simple et si beau avant l’accident…

Elle sécha la larme qui s’échappa de ses yeux et le rejoignit pour transporter le démon restant dans la benne à ordure. Au vu de la puanteur qui en sortait, personne ne viendrait y jeter un œil d’ici leur retour.

Adrien revint rapidement avec Martin dans la ruelle. Bien que le Lion n’avait aucune envie d’être là et n’avait pas relevé la capuche de son sweat, il restait tout de même une meilleure présence que Dorian. Au moins avec le plus jeune du groupe, elle pouvait parler sans souffrir.

Adrien l’interrogea du regard dès son arrivée. Elle le rassura d’un léger signe de tête et d’un petit sourire. Elle allait bien. Elle était forte. Elle pouvait affronter cette histoire seule sans qu’il ne s’en mêle. Elle savait qu’il ne cherchait qu’à la protéger, comme il l’avait toujours fait, mais cette fois-ci, elle devait s’en sortir toute seule. Malgré la grande fratrie à laquelle appartenait le Vierge, il avait réussi à se trouver une nouvelle petite sœur. Mélanie appréciait le cocon qu’il lui offrait quand elle en avait besoin, bien qu’il ait tendance à trop vouloir la couver.

— Bon, on y va ? accéléra les choses Martin.

Ils se mirent tous les quatre en cercle et attrapèrent les mains des autres. Mélanie sentit le frisson courir dans le dos de Dorian et se propager jusqu’à sa paume quand elle noua ses doigts aux siens. Elle oublia cette sensation et se concentra sur la création du portail.

— Nous appelons l’Envers, domaine caché de nos âmes, entamèrent-ils ensemble.

— Par la pensée partagée et l’esprit unifié, que nos esprits se connectent à la clé du passage ! enchaîna Mélanie

— Par la lumière flamboyante, éclaire notre chemin, que la clarté perce les voiles du mystère !

— Par l’énergie protectrice, dessine la frontière sacrée, que notre passage soit sûr et sanctifié !

— Par le poison et le remède, purifie notre passage, que le venin devienne la clé de notre passage !

— Que les énergies se concentrent, que les pouvoirs se mêlent, reprirent-ils en cœur. Par la volonté des étoiles, nous ouvrons le passage !

Un losange se dessina à leurs pieds, tandis que chacun de leur symbole zodiacal apparut au centre de la forme. Ils se superposèrent tous pour former un nouveau glyphe. Lorsque le dernier s’ajouta, fermant la rune, ils furent tous aspirés par le sol. En quelques secondes, ils avaient quitté la petite ruelle de Toulouse pour se retrouver sur le pont d’entrée de l’Envers.

Mélanie prit plusieurs grandes inspirations alors qu’elle laissait le calme et le silence envahir son esprit. Tout était si paisible sur l’Envers. Elle avait l’impression d’être sur un petit nuage. Cet espace, dédié aux Zodiaques, était un véritable havre de paix pour elle et ceux de sa famille. Aucune pensée intrusive, aucune voix, juste elle.

— Allons-y maintenant qu’on est là, les lança Martin.

Ils avancèrent dans cet autre espace, sur ce pont d’un vert irréel, au milieu de ce bleu profond, vers ce manoir si grand qu’il semblait ne jamais prendre fin.

Ils passèrent ensemble les grandes portes d'ébène que formaient l’entrée principale et arrivèrent dans une immense salle aux couleurs lumineuses. Des colonnes d’un blanc éclatant montaient jusqu’au plafond où les chapiteaux étaient façonnés à l’image de chaque signe du Zodiaque. Le plafond, du moins si ça en était bien un, était du même bleu azur que celui de l’extérieur. Entre les tables de pique-nique en marbre et les poufs multicolores installés un peu partout, il aurait été facile de se croire au paradis. Mélanie y était en tout cas.

Elle pouvait se rappeler le moelleux du gros coussin vert dans lequel elle s’était assoupie après une journée au tribunal. Il y avait l’orange irisée où elle s’était blottie pour enfin finir La nuit où les étoiles se sont éteintes en paix. Tout était parfait ici.

Quelques Zodiaques étaient justement installés dans ce jardin intérieur. Croiser leur regard noir, fit rapidement disparaître le sourire de ses lèvres. Il n’y avait que peu de doute à avoir sur cet accueil froid. Ils avaient tous suivi l’émission en direct et n’avaient pas vraiment apprécié la tournure qu’elle avait prise.

Ils continuèrent leur chemin sans s’arrêter, priant pour rapidement croiser un ancien. Après leur fiasco à l’interview, il valait mieux faire passer l’information par l’intermédiaire d’un des aînés.

Heureusement pour eux, ils n’eurent pas besoin de sortir de la salle principale pour croiser l’ancien des Balances et celui des Taureaux en pleine conversation alors qu’ils jouaient aux échecs dans leur coin.

Mélanie fut désignée silencieusement par ses trois comparses pour prendre la parole. Elle savait qu’elle était celle à qui on ferait le plus confiance au vu du passif de chacun.

Elle s’approcha lentement, les autres sur ses pas, et attendit qu’on l’invite à avancer. Les anciens étaient les Zodiaques les plus respectés de toutes les familles réunies. Ils étaient à la fois les sages et les décisionnaires. Tout le monde s’en remettait à eux lorsqu’il fallait faire un choix. Jamais personne n’avait osé remettre leur parole en question. Ils étaient ceux à respecter.

— Si vous venez vous excuser pour l’image que vous avez donnée, c’est inutile. Il est déjà trop tard, commença le Taureau.

— Nous sommes vraiment désolés de la tournure qu’ont prise les événements. Jamais nous n’avons voulu que ça se déroule ainsi.

Pour une fois, elle aurait aimé que les pensées des Zodiaques lui soient accessibles. Taureau et Balance étaient aussi fermés que des tombes, malgré leurs paroles, aucune émotion n’était visible sur leur visage. Il était difficile de savoir ce qu'ils pensaient et encore plus de savoir quoi leur répondre.

Elle était bien loin de ses affaires au tribunal où son don lui permettait de connaître la vérité et de savoir comment l’interpréter pour qu’elle soit acceptée.

— Nos excuses sont bien vaines, nous en avons conscience, mais nous venons également vous informer d’une chose étrange qui nous est arrivée en sortant des studios. Des démons s’en sont pris directement à nous. Enfin, ils étaient surtout intéressés par Dorian.

L’ancien des Balances quitta l’échiquier des yeux pour les lever vers le Scorpion. Il scruta ensuite sur chacun d’entre eux. C’était elle la télépathe, pourtant Mélanie, avait l’impression que c’était l’aîné qui était en train de lire en elle. Le Taureau haussa les épaules.

— Tout le monde va bien il semblerait, où est le problème ? En plus, nous sommes déjà au courant. Nous avons déjà été mis au fait. Ne vous inquiétez pas, la situation est sous contrôle. Laissez-nous gérer cette histoire.

— À présent, partez. Nous avons une partie d’échecs à finir.

Les quatre compagnons prirent congé des anciens sans insister. Ils s’écartèrent de l’échiquier et retournèrent vers le centre de la grande salle. Mélanie n’en revenait pas. Si l’attaque des démons avait été étrange, la réaction des leurs l’était encore plus.

Elle se mit à triturer le bas de son tee-shirt, l’esprit distrait, n’écoutant que d’une oreille ses camarades.

— Et maintenant ? demanda Dorian.

— Maintenant, on rentre, répondit Martin.

— On ne peut pas laisser tomber, déclara-t-elle. Il y a quelque chose d’anormal.

— Je suis d’accord avec Mélanie, continua Adrien. Nos anciens ont déjà eu vent du comportement étrange des démons et pourtant, nous ne sommes pas au courant ? Il y a quelque chose de louche. Et si nos aînés ne veulent rien faire ou ne pas nous mettre dans la confidence, il est hors de question que je laisse ce mystère en suspens.

— Parce que vous croyez que je ne vais rien faire alors que ces monstres en avaient après moi ?

— Dans tous les cas, on doit repartir à Toulouse. Donc allons-y, ne traînons pas plus de temps qu’il en faut ici, conclut le plus jeune du groupe.

Ils prirent la direction du pont d’où ils étaient arrivés lorsqu’Adrien s’arrêta tout à coup et se mit à tourner la tête dans un sens puis dans l’autre avant d’abaisser les épaules.

— Adrien ! Parfait, c’est toi que je cherchais.

Mélanie connaissait l’homme d’une soixantaine d'années à présent qui venait d’arriver par le couloir menant à la salle des portails. Habillé d’un complet noir, il ne passait pas inaperçu au milieu de l’arc-en-ciel de couleur que proposait la grande salle du manoir. Il y avait longtemps qu’elle ne l’avait pas croisé. Plus les années passaient, plus Adrien ressemblait à son père.

— Papa… Qu’est-ce qui se passe ? Je peux t’aider ?

— Je t’ai organisé un rendez-vous avec une charmante jeune femme qui voulait absolument te rencontrer. C’est mardi prochain, j’espère que tu n’as rien de prévu. Je compte sur toi pour enfin faire honneur à notre famille en l’agrandissant. Il serait temps. Tu sais moi à ton âge, j’étais déjà marié avec ta mère et tes deux frères étaient déjà là.

— Je sais oui, tu me l’as déjà dit. Tu sais avec mon travail à la police, j’ai très peu de temps pour moi. Je ne peux rien te promettre quant à ma présence à ce rendez-vous. Il vaudrait mieux que tu annules avant que je ne sois forcée de poser un lapin à cette jeune femme. Maintenant, excuse-nous papa, mais on doit y aller. À la prochaine.

Mélanie fit un petit geste d’excuse à monsieur Virgo alors qu’Adrien les emportait le plus loin possible de lui.

— C’est donc à ça que ça ressemble chez les Vierges ? fit la réflexion Dorian. Je pensais que c’était dur chez les Scorpions, mais pas tant que ça en fait.

La Gémeaux lui balança un coup de coude dans le ventre pour le faire taire oubliant le regard noir qu’il lui lança en retour. Il l’avait cherché celui-là. Elle savait les relations d’Adrien compliquées avec son père, il n’avait pas besoin que d’autres Zodiaques ajoutent leur petit commentaire en plus.

Adrien attrapa les mains de Martin et Mélanie qui fermèrent le cercle en prenant celles de Dorian. Ensemble, ils se mirent à incanter la formule de retour :

— Que les astres et nos pouvoirs unis ouvrent la voie, que le portail nous ramène à notre monde.

Dès qu’ils eurent fini, ils se retrouvèrent aspirés par l’illusion d’herbe du pont et retrouvèrent les couleurs habituelles de la ville de Toulouse.

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