Chapitre 12 : Mélanie

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— Je les ai reçus ! s’exclama Maxime en débarquant dans le salon, Adrien sur ses talons.

Cinq jours s’étaient écoulés depuis l’attaque de la boutique. Adrien se remettait lentement mais il était sur la bonne voie. Ses veines noires s’étaient retirées de son buste et avait presque entièrement disparu de sa main gauche tandis qu’elle persistait encore sur l’ensemble de son bras droit. Ses pas étaient lents et mal assurés, cependant il parvenait à avancer seul ce qui était déjà une grande avancée dans sa rémission.

Mélanie allait de mieux en mieux elle aussi. Plus le temps passait, plus Adrien se soignait et mieux elle se portait également. Elle n’entendait plus aussi souvent la souffrance qu’endurait le Vierge, mais elle était aussi beaucoup moins violente.

Dorian et Martin arrivèrent enfin dans le salon. Les deux Zodiaques passaient beaucoup de temps ensemble désormais. Dorian entraînait son cadet à reprendre son pouvoir en main. Mélanie aimait bien les regarder faire. Elle trouvait le Scorpion aussi sortait grandi et dans un meilleur état mental à chaque fois qu’il travaillait avec Martin.

Tout leur groupe se remettait sur pieds petit à petit.

— Alors qu’est-ce que ça donne ? le pressa Martin.

Maxime les fit attendre encore quelques secondes le temps pour lui de lire le papier qu’il avait reçu par mail et d’analyser les résultats.

Mélanie l’avait regardé prélever le sang, ou du moins ce à quoi cela ressemblait pour un démon et partir avec à son laboratoire d’analyse de la police.

— C’est très étrange. Son sang est principalement humain. Il n’a presque pas changé. Il y a des marqueurs inconnus en quantité moyenne qui doivent être la part de démon, mais je m’attendais à ce que ça soit beaucoup plus prononcé. C’est comme si les marqueurs démoniaques n’étaient pas si différents de ceux des humains. Un rien sépare l’être humain des démons.

— Est-ce que c’est un Zodiaque ? demanda Dorian.

— Il y a bien quelques marqueurs Zodiaques mais non, il n’était pas l’un des votres. Si ça avait été le cas, les marqueurs auraient été bien plus prononcés.

— Tu es sûr de toi ?

— Sûr et certain. On avait déjà fait des analyses avec Adrien. Votre sang de Zodiaque est bien différent. Ce démon n’a jamais été un Zodiaque à la base.

Toute la pression qu’ils avaient accumulée jusqu’à présent, toute la peur qu’ils avaient ressentie, disparut instantanément. Il ne s’agissait pas d’un Zodiaque. Il ne s’agissait pas du père de Martin. Ils avaient encore une chance de le retrouver.

— Ce n’est pas Pascal Léos, certes, mais nous avons la confirmation que les démons sont des humains, rappela Mélanie.

Le dire à voix haute lui fit mal au cœur. Leur combat, celui de leur famille, était basé sur des informations complètement erronées. Ils affrontaient chaque jour des êtres humains.

— Nous avons confirmation qu’il s’agit d'humains. Mais on doit aussi noter que même si ce n’est pas Pascal, ce démon possédait des marqueurs Zodiaques qui viennent forcément de l’un d’entre nous. On doit agir. On doit mettre fin à toute cette histoire.

Adrien qui n’avait pas pris le temps de souffler entre chaque phrase se mit à tousser à s’en décrocher les poumons.

— Vous devriez aller prendre l’air tous les deux, leur proposa Dorian. Adrien a besoin de sortir, de marcher pour réhabituer son corps à l’effort.

— Et vous alors ? Vous allez rester là ? s’enquit Maxime.

— On va commencer à réfléchir à un plan d’action.

Adrien et Maxime partirent lentement mais sûrement laissant leur trois amis au loft. À peine avaient-ils fermé la porte que Dorian se tourna vers Mélanie et Martin. La Gémeau connaissait ce regard, ce sourire. Il avait une idée derrière la tête. Et contrairement à ce qu’il avait dit à Maxime, il n’avait pas prévu qu’ils restent au loft.

— Il est hors de question qu’on reste ici à attendre plus longtemps. Adrien a besoin de se remettre mais pas nous. On peut très bien agir seul.

— Et donc ? Quel plan magnifique as-tu inventé ? demanda Mélanie peu convaincue par l’idée d’avoir menti à leurs amis.

— Là où tout a commencé pour nous. On retourne à la station radio.

— Retourner là-bas ? Mais que veux-tu qu’on y trouve ?

— Je ne sais pas, mais il faut bien commencer quelque part non ?

Mélanie haussa des épaules mais n’ajouta rien. Elle ne comprenait pas trop l’utilité de ce plan mais Dorian semblait si heureux de son idée qu’elle préférait le suivre. Au moins, ils ne restaient pas enfermés ici.

Ils arrivèrent devant l’immeuble en une petite trentaine de minutes. Heureusement pour eux, comme quelques semaines auparavant, le quartier était plutôt vide. Les quelques passants qui se promenaient dans le coin ne leur prêtèrent même pas attention.

Ils tournèrent et firent de long en large chacune des rues et ruelles alentour. Comme l’attendait Mélanie, ils ne trouvèrent rien du tout. Dorian proposa l’idée de remonter dans le bâtiment abandonné pour rencontrer à nouveau les SDF qui vivaient là mais à leur surprise, l’ancienne tour était complètement vide cette fois-ci. La police avait fait vider les lieux depuis qu’ils étaient venus ici.

Au bout de trois longues heures de marche et de recherches vaines, ils s’arrêtèrent devant l’entrée de la tour radio. Mélanie qui avait emporté son casque et l’avait gardé sur ses oreilles tout le long avec un fond de [] qui tournaient en boucle l’enleva finalement pour mettre fin à toute cette escapade sans queue ni tête.

— Et maintenant ? Voilà pourquoi on écoute Adrien d’habitude. Lui, il a de véritables plans, avec lui, on ne erre pas pendant des heures pour absolument rien. Il faut qu’on rentre maintenant et qu’on attende de voir avec lui la meilleure marche à suivre.

— Il est hors de question que je suive d’autres de ces plans. Il n’est pas net, contra Martin en croisant les bras.

Mélanie le regarda choquée par ses paroles. Elle avait peur de commencer à comprendre ce qui n’allait pas entre le Lion et le Vierge. Elle s’apprêtait à lui répondre mais se tût. Elle leva un doigt à l’intention de Dorian qui allait parler pour le faire taire.

Elle entendait. Elle ferma les yeux et laissa son pouvoir se développer. Elle le sentit prendre plus d’ampleur, plus d’espace. Elle écouta ce garçon qui se plaignait de ne pas avoir eu de glace, cette femme qui râlait de cet examinateur mais surtout elle écouta le bourdonnement.

— J’entends un démon. C’est très faible mais il y en a un.

— Tu saurais nous guider ? demanda Dorian en murmurant.

Elle hocha de la tête et prit une grande inspiration. Elle ouvrit son esprit, exacerbant tout ce qui lui parvenait. Elle chassa en arrière plan les pensées humaines et se concentra sur le bourdonnement typique des démons. Elle l’agrippa, noua un fil autour de ce bruit et remonta la piste.

Sans vraiment se contrôler, elle se mit en marche. Elle suivait l’onde sonore que transmettait le démon pour pouvoir aller jusqu’à lui. Elle les mena à l'intérieur même du bâtiment de radio. Elle ne faisait plus attention à rien, plus à personne. Elle oblitéra complètement le brouhaha des employés qui les regardèrent passer sans oser poser de questions à voix haute et continua sa lancée.

Ils arrivèrent dans un grand couloir où les murs d'une couleur légèrement ocre étaient ornés de portraits dédicacés de toutes les célébrités ayant foulé le sol en moquette de cet étage. Au début du couloir, on retrouvait des photos de jeunes stars comme Orelsan, Angèle ou encore Bigflo et Oli. Plus ils avançaient, plus ils avaient l’impression de remonter le temps des Cabrel, Goldman et Johnny. Ils s’arrêtèrent devant l’une des portes rouges qui coupait cette allée de vedette. Entre un portrait de Michael Jackson et un de Whitney Houston, était inscrit sur la porte de la loge un Xavier Morrain.

— Ce n’est pas ?

— Si, confirma Mélanie qui rouvrit enfin les yeux. C’est le journaliste qui nous a interviewés il y a presque un mois.

Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre en ouvrant la porte. Maintenant qu’ils savaient que ces monstres qu’ils combattaient étaient à l’origine des êtres humains, elle se doutait que tout était possible. Malgré leur découverte sur l’origine des démons, ils avaient toujours énormément de questions si ce n’étaient plus qu’avant.

Elle prit les devants et frappa à la porte avant que Dorian ne tente d’entrer sans même s’annoncer. Le bourdonnement venait bel et bien de là mais quelque chose la dérangeait, quelque chose qu’elle n’arrivait pas à expliquer.

Après de longues secondes d’attente qui usèrent la patience du Scorpion qui commençait à faire les cent pas, ils entendirent quelqu’un s’approcher, déverrouiller la porte et passer tout juste la tête par l’entrebâillement.

— Qu’est-ce que vous voulez ? demanda-t-il d’un ton légèrement trop agressif pour Mélanie qui le regardait de travers.
Elle sentit Dorian la pousser délicatement sur le côté avant de pousser de tout son poids et d’un coup contre la porte pour repousser le journaliste. Ne s’y attendant pas, Xavier fut forcé de faire plusieurs pas en arrière permettant aux trois Zodiaques de s’engouffrer à l’intérieur de la loge et de refermer la porte à clef derrière eux.

L’homme avait le teint blafard et des cernes de deux pieds de long couraient sous ses yeux. Des yeux justement qui ne reflétaient plus du tout la vie mais à présent un puits sans fond, sans âme.

— C’est bien vous, confirma Mélanie qui entendait bel et bien le bourdonnement démoniaque provenir de lui.

— Qu’est-ce qui m’arrive ? demanda-t-il au bord des larmes.

Les Zodiaques se regardèrent.

— Vous devenez un démon, lâcha finalement Dorian.

— Quoi ? Mais comment ? Ce n’était pas prévu.

— Prévu ? répéta Martin. Qu’est-ce que vous avez fait ? Qu’est-ce qui était prévu ?

Le journaliste se laissa tomber sur le canapé en cuir rouge au fond de sa loge et se prit la tête entre les mains.

— On m’avait promis que je deviendrai puissant, que grâce à ça je ferai la une des journaux. Ils m’ont dit que tout ce que je souhaitais deviendrait réalité grâce à eux, à ce qu’ils allaient me faire.

— Grâce à qui, comment ? demanda Mélanie. Vous devez tout nous raconter, nous expliquer. On a besoin de comprendre comment c’est arrivé.

Il leur indiqua des chaises sur lesquelles ils pouvaient s’asseoir. Il se pétrifia d’un coup, ses doigts et tout son corps se raidissèrent en même temps, un peu affolé mais complètement impuissant ils le regardèrent ne plus bouger, tout juste respirer pendant près d’une minute. Ses articulations reprirent ensuite lentement tandis que sa respiration se faisait sifflante.

— Ils ont pris contact avec moi, il y a un peu plus d’un mois, peu après que nous ayons décidé d’interviewer des Zodiaques. Enfin, je dis ils mais il était tout seul au début.

— Qui ça ? Comment était-il ? demanda Dorian.

— Je ne sais plus… se morfonda Xavier.

— Doucement, allez-y doucement, apaisa Mélanie. Vous vous souvenez à quoi il ressemblait ?

Le journaliste prit plusieurs longues respirations avant de reprendre.

— C’était un homme d’une trentaine d’années. Il avait les cheveux noirs tirés en arrière. Il avait un tatouage comme les vôtres, à la main. J’avais compris qu’il était un Zodiaque, cependant je n’avais jamais vu son symbole. Il ne ressemblait à aucun des douze signes.

Mélanie avait beaucoup de mal à comprendre. Quelqu’un se faisait passer pour les Zodiaques ? Il n’y avait toujours eu que les douze familles, leurs douze familles. Cependant, il était illogique de représenter un faux signes, leur symbole était connu après tout, il était facile de les recopier.

— Il m’a raconté qu’il y avait un moyen pour moi de devenir plus fort, plus puissant. Grâce à lui, j'allais pouvoir devenir une meilleure version de moi-même. Il m’a vendu du rêve, alors je l’ai suivi. Il m’a emmené dans une sorte de laboratoire d’analyse médicale. Nous étions plusieurs. Nous attendions tous le même miracle. Un miracle qui s’est transformé en cauchemar. J’ai été installé sur un banc de médecine puis attaché, on m’a dit que c’était pour ma propre sécurité alors j’ai laissé faire. Et puis un autre homme est arrivé. Tout ce que je peux vous dire de lui est que c’était un Vierge, son tatouage restait visible à travers ses gants. Ils m’ont piqué, m’ont injecté un produit, comme un vaccin mais en bien plus douloureux. J’avais l’impression de me déchirer de l’intérieur. La douleur était affreuse, je ne pouvais y faire face. Je me suis évanouie. Tout ce dont je me souviens est de voir une onde d’énergie s’échapper du premier homme et me frapper de plein fouet. Lorsque j’ai repris connaissance, j’étais de retour chez moi avec un affreux mal de tête. Un mal de tête qui s’est rapidement transformé en crampes, en nausées et crises de douleur. Chaque fois qu’elles arrivent, elles sont plus fortes et persistent plus longtemps. Maintenant, j’ai tout le temps mal, j’ai l’impression de prendre un nouveau coup de poignard chaque seconde. Je n’en peux plus.

— Vous savez où se situe le laboratoire ? demanda Martin.

— Non… répondit le journaliste en commençant à se plier en deux. Il m’avait bandé les yeux… Je ne sais pas où il m’a emmené.

— Vous allez bien ? s’inquiéta Mélanie.

Elle entendait les bourdonnements s’amplifier dans son esprit. Les pensées humaines étaient en train d’être balayées. Elle le sentait, il était en train de devenir un démon.

Avant qu’elle n’ait pu dire quoi que ce soir, le journaliste s’effondra par terre et commença à avoir des spasmes faisant se soulever son corps et le faisant trembler de la tête au pied. Ses yeux se révulsèrent tandis que de la mousse s’échappait de sa bouche.

— On doit faire quelque chose ! s’écria Martin.

— J’appelle une ambulance, approuva Dorian en s’emparant de son téléphone.

Mélanie se jeta sur lui pour le lui prendre des mains.

— On ne peut pas. On ne peut pas leur dire qu’il est en train de se transformer en démon. On créerait une véritable vague de panique.

— Alors quoi ? On le laisse comme ça ?

— Tuez-moi…

Cette phrase n’avait été qu’un murmure pourtant ils l’avaient tous entendue et elle avait suffi à tous les figer sur place.

— Je ne peux pas… Je ne peux plus le supporter.

Il s’agissait d’une véritable supplique. Cet homme qui parvenait tout juste à parler, que la douleur mettait au sol et empêchait de se relever, ne souhaitait plus qu’une chose que tout s’arrête.

— Tuez-moi, répéta-t-il avant de pousser un nouveau cri.

— Sortez d’ici, ordonna Dorian à ses deux amis.

— Qu’est-ce que tu vas faire ? osa demander Martin.

— Dehors ! Et assurez-vous que personne n’entre.

Martin n’attendit pas plus longtemps pour sortir de la loge. Mélanie le comprenait. Elle aimerait faire comme lui, mais elle ne pouvait pas. Lorsqu’elle regarda Dorian, elle vit ses poings fermés à se planter les ongles dans la peau, ses lèvres trembler d’appréhension, ses yeux vides se refusant de regarder ce qu’il s’apprêtait à faire. Elle ne pouvait pas le laisser affronter cela seul.

Lorsque le Scorpion s’accroupit doucement à côté de Xavier, elle vint se poster juste derrière lui et posa sa main sur son épaule. Elle le regarda prendre délicatement les poignets du journaliste entre ses mains.

— Vous êtes sûr de vous ? se sentit-il obligé de demander.

Pour toute réponse, il hocha de la tête. Il n’avait plus la force que de ça.

Dorian gonfla sa poitrine d’air et déploya sa fumée toxique autour de ses doigts. Elle pénétra par volute dans le corps douloureux. Les spasmes s’espacèrent, les gémissements de souffrance se turent et finalement le cœur arrêta de battre.

Mélanie sentit toute la dureté de cette épreuve alors lorsque Dorian rappela son pouvoir à lui, elle se laissa tomber à ses côtés et le prit dans ses bras. Elle sentit une larme tomber sur son épaule mais aucune ne suivirent.

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