Chapitre 13 : Adrien
— Où étiez-vous ? s’énerva Adrien sur Dorian qui fut le premier à franchir la porte.
Voilà, près d’une heure que lui et Maxime étaient rentrée au loft et à leur retour, ils n’avaient trouvé personne. Ils étaient tombés sur un appartement complètement vide sans trace de personne.
Adrien avait fait les cent pas pendant une demi-heure avant d’être forcé de s’asseoir. Sa condition physique n’était pas encore totalement revenue. Il avait imaginé mille et un scénarios, et avait même pensé aux pires. Alors quand il vit la voiture de Dorian se garer au bas de chez lui et les trois Zodiaques en sortir, il sentit toute la colère monter en lui et elle était en train d’exploser.
— Pas maintenant, se contenta de répondre le Scorpion.
— Comment ça pas maintenant ? Tu te fous de moi ? Qu’est-ce que vous êtes allés faire dans mon dos ? Je croyais qu’on était une équipe.
De les avoir cru disparus, enlevés ou encore pires, et de les voir revenir ainsi mettait Adrien dans une rage folle. Même la main de Maxime posée sur son épaule ne parvint pas à le calmer.
— On a appris du nouveau, nous, pendant que toi, tu reposais, le tacla Martin. On a revu le journaliste de notre interview, il était en train de se transformer en démon. Avant que Dorian ne le tue, il nous a donné beaucoup d’informations très utiles.
Adrien crut rêver en entendant les paroles du Lion, mais sa dernière phrase fut celle qui le fit disjoncter.
— Comment ça, tu l’as tué ? s’emporta-t-il. Il s’est transformé en démon devant vous ?
— Non. Dorian posa un temps d’arrêt avant d’avouer en serrant les dents. Il était encore humain.
— Il était humain et tu l’as tué ? Tu te fous de moi ? Qu’est-ce qui t’as pris de faire ça ? On aurait pu le sauver, trouver une solution, un remède. On est des protecteurs, pas des assassins !
— Tu crois que je ne le sais pas ? s’énerva à son tour Dorian. J’aurais bien voulu t’y voir à ma place. Il était en train de souffrir le martyre, la douleur lui devenait insoutenable. Il nous a suppliés de le faire.
— On aurait pu le sauver !
— Et comment ? Nous ne sommes au courant de rien ! On est perdu ! Tu es blessé et as du mal à te remettre. Mélanie entend toutes tes pensées et ne parvient pas à faire fi de ta douleur. Martin n’arrive pas à contrôler ses émotions, ni son pouvoir. Maxime n’est qu’un humain qui ne peut rien faire contre les démons. Et moi, j’essaie de ne pas sombrer et de prendre les bonnes décisions.
— Et tu crois l’avoir prise là ?
— J’ai fait comme j’ai pu ! Et au lieu de t’occuper de moi, concentre toi sur les tiens. Un vierge fait partie de toute cette histoire ! C’est quelqu’un de ta famille qui transforme les humains en démon !
— Comment oses-tu accuser les miens ? Tu n’as aucune preuve !
— Seulement la parole d’un homme qui a vécu l’enfer et m’a supplié de l’aider. Alors maintenant, débrouille-toi avec ça !
Mettant fin à la discussion, Dorian partit dans le couloir et s’enferma dans la première chambre, celle de Mélanie. Adrien était en train de devenir fou. Il avait chaud et avait l’impression que sa tête allait exploser. Il se remit à faire les cent pas, se rejouant la dispute qu’il venait d’avoir. Dorian ne pouvait dire vrai, aucun Vierge n’aurait pu prendre part à cette folie. Et puis, s’ils l’avaient attendu, s’ils n’avaient pas disparu le laissant là seul avec ses doutes et ses peurs, il aurait pu démêler le vrai du faux. Ils auraient pu prendre une autre décision, une meilleure décision.
— Le journaliste nous a aussi parlé d’un autre Zodiaque, ajouta Mélanie d’un ton plus calme. Il n’a pas reconnu son symbole. On a peut-être à faire à un imitateur. C’est peut-être à cause de lui qu’un Vierge se retrouve mêlé à tout ça.
Adrien s’arrêta net en entendant Mélanie évoquer l’implication d’un Vierge. Il vint s’asseoir autour de l'îlot central et posa ses mains à plat dessus comme pour s’y ancrer.
— Il y avait vraiment quelqu’un de ma famille ? demanda-t-il.
— C’est ce qu’il nous a dit. Il était souffrant, en train de lutter contre l’énergie démoniaque alors peut-être, devenait-il fou, mais…
— Mais ce n’est pas une piste à écarter, compléta-t-il.
Un grand blanc s’installa entre eux. Il ne savait plus quoi penser, sa convalescence lui donnait l’impression de louper tellement de choses. Il aurait dû être là, avec eux.
— Tu devrais rejoindre Dorian, proposa Maxime. Il a besoin de toi.
Alors que Mélanie partit s’enfermer dans sa chambre, Adrien se laissa guider par Maxime jusqu’à la mezzanine où ils s’enfermèrent eux aussi.
Leur petit nid douillet était une grande chambre de dix-sept mètres carrés dans des couleurs taupe. Un lit à la parure grise occupait le centre de la pièce. De part et d’autre du couchage, deux petites tables de chevet étaient surmontées pour l’une d’un roman de Marc Levy, pour l’autre d’un petit carnet de dessin. Un coffre en bois d’ébène se trouvait au pied du lit et contenait toute sorte de bibelots et d’affaires qu’ils n’avaient pas su où ranger. Un bureau d’angle, sur la droite de la pièce était recouvert de croquis en tout genre et de stylos, feutres et crayons tous bien rangés dans leur boîte. Juste à côté un pouf couleur ocre avait encore la forme de la dernière personne à s’être assise dessus.
Adrien se laissa tomber dedans, fermant les yeux quelques instants. Maxime, avec un léger sourire, s’accroupit devant lui et posa sa main sur sa cuisse.
— Tout va bien, lui répéta-t-il doucement en faisant des cercles sur sa jambe avec le bout de son pouce.
— Pourquoi sont-ils partis sans me le dire ? Je ne comprends pas.
— Ils ne voulaient peut-être pas que tu t’inquiètes, pour que tu puisses te concentrer sur ta rémission. Tu iras bientôt parfaitement bien et tout rentrera dans l’ordre, tu verras.
— Et s’ils se rendent compte qu’ils n’ont pas besoin de moi, qu’ils sont mieux sans moi, que je ne fais que les déranger, que ma présence les gêne. Imagine qu’ils ne veuillent plus me voir, ni me parler. Peut-être qu’ils ne m’aimeront plus. Je ne veux pas que ça arrive.
— Ehla, l’arrêta Maxime. Est-ce qu’on est toujours en train de parler d’eux ? Ou plutôt de ta famille ?
Sans crier gare, des larmes montèrent aux yeux du Zodiaques tandis qu’une boule se formait dans sa gorge. Maxime le prit dans ses bras, caressant lentement ses cheveux.
— Tu n’as pas besoin de leur dire si tu ne te sens pas prêt. Je n’ai pas besoin que tu fasses ton coming-out pour savoir que tu m’aimes. Tu peux prendre tout le temps dont tu as besoin.
— Je sais, mais j’en ai marre de mentir. C’est tellement plus simple d’être avec toi et encore plus maintenant que Mélanie et les autres sont au courant. Je n’ai plus envie de me cacher, de te cacher. Mais j’ai peur. Ma famille a toujours tout représenté pour moi, je ne sais pas comment ils vont réagir si je leur dis. Et si Dorian a raison et que l’un d’entre eux change les humains en démons. S’ils apprennent que je t’ai dans ma vie, ils voudront s’en prendre à toi. Je ne veux pas risquer de te perdre.
— Et cela n’arrivera jamais Adrien. Je ne suis peut-être pas un zodiaque, mais je sais quand même me défendre. Rien, ni personne ne pourra un jour me séparer de toi. Tu sais que quoi que tu décides de faire, je te soutiendrais. Je serai toujours là pour toi.
Adrien serra un peu plus fort Maxime contre lui. Le Vierge en avait fait voir de toutes les couleurs à son compagnon depuis qu’il se connaissait et pourtant, il était toujours là, à ses côtés. Jamais il n’avait espéré pouvoir connaître une telle relation, rencontrer une telle personne.
Après un moment d’intimité, Adrien finit par se relever avec une idée bien en tête.
— Où vas-tu ? lui demanda son compagnon.
Adrien revint vers lui et l’embrassa.
— Je vais sur l’Envers. Je dois en avoir le cœur net en ce qui concerne ma famille et leur lien avec toute cette histoire, avec les démons. Et puis, si j’ai la chance de croiser mon père, j’aurai une discussion avec lui.
Adrien était résolu et déterminé, la souffrance qui lui infligeait l’essence de démon n’allait pas l’empêcher d’avancer. Il en était hors de question. Il sortit du loft et se mit en marche. Il n’avait pas choisi cet appartement uniquement pour sa superficie et le charme qui s’en dégageait, mais également pour sa localisation. Non loin de là, au coin d’une petite place de marché se trouvait un pont menant sur l’Envers. En un claquement de doigts, il changea d’espace.
Le manoir de l’Envers était toujours là, imposant, au milieu de tout cet univers de lumière et de ce bleu à perte de vue.
Bien que motivé par sa quête, Adrien ne savait pas par où commencer. La demeure était immense et abritait de nombreuses pièces et de nombreux quartiers. Le mieux pour lui était sûrement de se rendre directement dans la partie réservée aux Vierges, pour autant, il était persuadé que ce n’était pas là-bas qu’un des siens parleraient de ses activités avec les démons.
Lorsqu’il pénétra dans le grand salon principal, il ne fut pas étonné de croiser les anciens de Balance et Taureau toujours en pleine partie d’échecs. Concentrés sur leur jeu, ils ne firent pas attention à Adrien qui passa à quelques mètres d’eux. Il arpenta les couloirs en long, en large et en travers ne croisant presque personne. Il vit principalement les Gémeaux habituels qui avaient abandonné leur vie terrestre pour être à l’abri des pensées humaines. Aucun ne sembla suspect aux yeux d’Adrien qui resta un moment à les observer. Ils vaquaient à leurs occupations, la peinture, le jardinage, la lecture. Toute activité qui ne nécessitait aucun mot, aucune phrase était pour eux la meilleure chose qui puisse exister.
Il s’apprêtait à abandonner ses recherches, fatigué, après avoir passé près de deux heures à courir un peu partout dans le manoir sans rien trouver, lorsqu’une conversation à mi-voix attira son attention. Il était à l’entrée de l’un des couloirs regagnant la salle principal, celui qui longeait le jardin intérieur et qui était principalement constitué de fenêtres. Des vitres toujours ouvertes au vu de la chaleur et de la lumière constante sur l’Envers. Essayant de se faire le plus petit possible, il tendit l’oreille.
— Tu crois qu’on va finir par trouver ? demanda une première voix féminine.
— J’espère que oui. Si ça pouvait m’empêcher de souffrir à chaque fois que j’utilise un peu trop ma barrière ça serait parfait.
Cette seconde voix, Adrien la reconnut de suite. Lui qui aimait plus que tout sa famille et avait tout fait pour rester en contact avec chacun des siens, il n’eut aucun mal à reconnaître la voix de Louis Virgo, son cousin.
— Je suis d’accord, mais j’ai l’impression que le Serpentaire nous cache quelque chose. Il ne joue pas franc jeu avec nous. Il garde des infos pour lui au sujet des démons. J’en mettrai ma main à couper.
— Je pense aussi. Il faut qu’on garde un œil sur lui, on ne sait jamais. En plus, c’est lui qui est venu nous chercher à l’origine, mais je ne sais pas, il y a quelque chose qui me dérange chez lui.
— Il faudra qu’on en parle au vieux. Bon, je ferai bien d’y aller, c’est à mon tour de nourrir les bêtes, conclut la femme.
Adrien attendit plusieurs minutes après qu’ils aient quitté le jardin pour sortir de sa cachette. Ce petit temps lui avait permis d’enregistrer tout ce qu’il avait entendu et de commencer à y réfléchir.
Dorian avait raison. Son cousin, un Vierge, trempait dans toute cette histoire. Cette certitude lui fit mal, lui qui vivait pour sa famille, pour qui les proches représentaient énormément, il se sentait trahi.
Le nom de Serpentaire le faisait également pas mal cogiter. Le Serpentaire était une légende des Zodiaques. Son père la lui avait contée lorsqu’il était encore enfant. Était-ce un nom de code pour désigner quelqu’un en particulier ?
Il revint au salon principal avec cette pensée qui lui trottait dans la tête. Il passa devant la grande porte qui menait à la chambre du conseil des douze anciens. Son regard se porta presque instinctivement sur la clef qui restait toujours dans son encoche. La salle ne s’ouvrait que lorsque les douze Zodiaques se réunissaient et que chacun utilisait la clef de sa famille. Alors pourquoi y avait-il toujours cette treizième clef qui restait là, à attendre ?
Il s’approcha un peu plus de la porte et remarqua que son encoche était complètement grattée, comme si on avait cherché à effacer une gravure. Il tendit la main pour l’attraper lorsqu’une voix le surprit dans son dos.
— La treizième clé t’intéresse Adrien ?
Un petit homme aux veines aussi noires que la nuit se tenait juste derrière lui, les mains dans le dos. Il le regardait avec un air amusé sur son visage. Malgré son âge avancé, visible par son dos légèrement courbé et les rides sur son front, ainsi que malgré sa maladie typique de sa famille, l’ancien des Vierges n’avait rien perdu de sa joie de vivre.
Adrien ne l’avait jamais vraiment côtoyé, il n’en avait jamais eu l’occasion. Pourtant, plusieurs fois, il avait imaginé écouter ses récits, à son âge, la vie n’avait plus aucun secret. Il rêvait de l’entendre raconter sa vie et prodiguer des conseils. Il savait qu’il devait se méfier des autres Zodiaques dont certains de sa famille, pourtant, il avait envie de faire confiance à cet air curieux et compatissant de l’ancien.
— Je me demandais pourquoi elle était là. Ce n’est pas vous, les douze anciens, qui possédaient les clefs ? Pourquoi en avoir une treizième ?
— As-tu déjà entendu parler du Serpentaire ?
— Mon père m’avait conté cette légende, petit. Celle d’un homme qui avait cherché à égaler la puissance des Zodiaques, mais n’y était jamais parvenu.
— Cette histoire est racontée par ceux qui veulent effacer le passé, pourtant, il est important de s’en souvenir pour en tirer des leçons et grandir. Les Serpentaires n’ont jamais eu besoin d’égaler les Zodiaques puisqu’ils faisaient partie des nôtres. Ils représentaient le treizième signe, ils étaient la treizième famille.
— La treizième famille ? Ils ont vraiment existé ? Mais alors où sont-ils ?
— Ils ont été bannis de l’Envers il y a des siècles déjà. Leur pouvoir a été jugé trop dangereux. Ils représentaient une menace pour nous et pour les humains qu’ils étaient censés protéger.
— Donc ils sont encore là ? Quel est leur pouvoir ? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? Vous savez où sont ? Vous savez qui ils sont ?
Toutes ces nouvelles informations changeaient complètement la donne. Il avait enfin l’impression d’avancer, de toucher du doigt quelque chose d’important.
— Héla du calme jeune homme. Je ne sais pas d’où te vient ce soudain intérêt pour les Serpentaires et je ne pense pas vouloir savoir, ajouta-t-il en plissant les yeux. Mais même si je le voulais, je ne pourrais pas t’aider plus que ça. Il y a bien longtemps que plus personne n’a entendu parler de l’un d’eux. Peut-être même n’existent-ils plus. Il est bien compliqué de savoir. Tous les documents, les histoires, les rapports pouvant les mentionner ont été brûlés lors de leur bannissement. Les douze familles restantes ont préféré les barrer de l’Histoire, celle avec un grand H. Elles les ont fait disparaître pour préserver leur intégrité.
— C’est horrible, remarqua Adrien à voix haute.
— Et pourtant véridique. Aujourd’hui seule cette clef et la légende que nous essayons de conserver sont les témoins de leur existence.
— Je vois…
— J’ai bien peur de ne pas pouvoir t’en apprendre plus.
— Tu m’as déjà énormément aidé, crois-moi.
— Tu sais, ils ne sont peut-être pas la réponse à tes questions. S’ils n’ont pas assuré leur descendance, ils ne sont peut-être déjà plus de ce monde. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui nous insistons dessus. Il est important que de nouveaux Zodiaques voient le jour.
— Je sais oui, mais…
Adrien avait envie de le dire, d’enfin avouer la raison de son célibat apparent qui n’en était pas un pour de vrai, mais il hésitait toujours, il ne savait pas comment le prendrait les autres.
— Adrien ? l’arrêta le vieil homme dans ses pensées. Tu sais, nous sommes plus ouverts que ce que tu crois.
Cette phrase figea Adrien sur place. Il regarda son ancien, incrédule. Venait-il vraiment de sous-entendre ce qu’il avait sous-entendu ou était-il en train de se faire des films ?
Avec un sourire jusqu’aux joues et les yeux remplis de malice, l’ancien Vierge fit au revoir de la main à son descendant et se retourna pour partir sans se soucier de la réaction d’Adrien qui resta là encore plusieurs secondes sous le choc.
Il finit par reprendre sa route essayant de ne pas trop cogiter, sans vraiment y parvenir. Il ne savait pas trop comment comprendre ce qu’avait dit l’ancien. Avait-il vraiment deviné sa relation avec Maxime, ou du moins son orientation sexuelle ? Le plus étrange pour le Vierge et qu’il semblait que l’ancien l’eût plutôt bien pris. Il se serait attendu au contraire.
Ce qui était sûr était que ce passage dans l’Envers avait été plus que bénéfique. Il revenait de là avec les idées claires, et des informations importantes sur plusieurs sujets.
Le chemin pour rentrer lui sembla rapide et il retrouva Mélanie et Maxime accoudés au bar.
— Adrien, tu es rentré ? demanda-t-elle.
— Tu as du nouveau ? s’enquit son compagnon.
— Oui, mais attendez, d’abord, je voudrais parler à Dorian. Vous savez où il est ?
— Dans ma chambre, mais il ne voulait voir personne. Même moi, il m’a rejetée, bien que je commence à m’y habituer… répondit la Gémeau avec une pointe de tristesse dans la voix que reconnut Adrien.
Il savait que la situation entre eux était compliquée, mais ils devaient régler ça entre eux. Là, il devait déjà se préoccuper de sa propre relation avec le Scorpion.
Il s’arrêta devant la porte et frappa une première fois. Personne ne lui répondit. Il essaya une seconde, puis une troisième. Ce n’est qu’à la cinquième fois qu’il reçut enfin une réponse.
— Laisse-moi Mél. Je t’ai dit que j’avais besoin d’être seul.
Malheureusement pour lui, le Vierge pouvait se montrer bien plus insistant qu’elle. Il ouvrit la porte et le trouva assis par terre, dos au lit et à la porte.
— Dans ces moments-là, la solitude est vraiment la pire amie.
Il le vit légèrement se tendre en l’entendant lui et pas Mélanie. Il vint s’asseoir sur le lit à côté du Scorpion qui garda ses yeux fixés droit devant lui. Adrien savait qu’il l’avait blessé en le jugeant, il comprenait sa réaction.
— Prendre la vie d’une personne n’est jamais une décision prise à la légère, commença Adrien, et pourtant, elle nous hante jusqu’à la fin de nos vies. On a l’impression de vivre ce moment en boucle, de le revoir en permanence, on imagine une centaine de scénarios différents qui auraient pu nous éviter ce choix, bien qu’on sache qu’aucune autre option n’était possible. C’est quelque chose qui reste en nous, qui change notre âme d’une façon indescriptible, qui peut nous mettre à terre si on ne sait pas comment y faire face.
— J’ai vraiment tout envisagé, toutes les options, toutes les perspectives.
— Je sais et je n’aurai pas dû te remettre en cause. Je crois que si je me suis tant emporté tout à l’heure, c’est que je sais ce qu’on ressent après avoir ôté la vie et j’aurais préféré t’épargner ça.
Dorian le regarda stupéfait.
— Ne me regarde pas comme ça. Il m’arrive d’être envoyé sur des situations compliquées et dans ces cas-là, on se retrouve dos au mur et c’est alors notre seule option. Cela m’est arrivé deux fois et jamais je n’oublierai leur visage.
Il était rare qu’Adrien parle de cela à quiconque. Seul Maxime était au courant, mais il sentait que s’ouvrir à Dorian était la bonne décision. Il fallait cesser les faux-semblants.
— Est-ce que ça passe un jour ? Cette douleur… demanda Dorian.
Adrien lui adressa un fin sourire avant de plonger son regard vers l’extérieur, à travers la fenêtre.
— Jamais entièrement, mais on apprend à la supporter, à vivre avec, à l’accepter. Elle fait partie de nous et nous fait prendre conscience de toute la beauté et de toute la fragilité de la vie.
Un silence s’installa entre les deux hommes. Un silence qu’Adrien apprécia. Il n’avait rien de gênant ou de pesant, bien au contraire, il était calme et apaisant. Le Vierge savait que comme lui Dorian prenait conscience de toutes ces petites choses qui font la vie, qui font qu’il faut la choyer et en apprécier chaque instant.
Ce fut Dorian qui finit par rompre leurs réflexions.
— On devrait rejoindre les autres et réfléchir à la suite.
— Surtout que j’ai de nouvelles informations à vous partager. Et tu avais raison. Mon cousin semble mêler à cette histoire.
— Je suis désolée, je ne voulais pas…
— C’est moi qui le suis, le corrigea Adrien. J’aurai dû t’écouter et te faire confiance. Je ne commettrais plus cette erreur.
Annotations
Versions