Chapitre 15 : Dorian

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— Vous êtes sûr que c’est là ? demanda Dorian en arrivant sur le parking de la forêt.

— Oui oui, assura Martin.

— C’est calme et paisible. Je pourrais presque m’en faire un sanctuaire quand il y a trop de pensées superflues.

— Et l’Envers ? s’étonna Adrien.

— Vous êtes là sur l’Envers. Et il faut dire qu’à force, vos petits sourires et regards complaignants, on ne les supporte plus. Ici, il n'y a vraiment personne, seule la nature pour nous tenir compagnie.

Dorian regarda Mélanie. Il n’était pas si étonné de la réponse de la Gémeau et puis il savait qu’elle aimait particulièrement les balades en forêt. Les arbres et les buissons ne commettent pas d’actes horribles comme le font certains humains.

Ensemble, les quatre Zodiaques, accompagnés de Maxime, prirent le petit chemin de randonnée qui s’enfonçait dans les bois. Ils suivaient les indications de Mélanie et Martin qui d’après leur dire avaient tout de même du mal à reconnaître les lieux. Le chemin était mieux entretenu, certains arbres avaient été abattus à cause de maladie, d’autres étaient tombés suite aux tempêtes. Il s’agissait là de plein de petits changements qui compliquaient leur repérage.

Dorian ne cessait de porter son regard sur la Gémeau. Bien que plus au calme depuis qu’ils s’étaient éloignés de la route et du passage humain, elle triturait toujours le bas de son tee-shirt.

— Tu vas y arriver, lui chuchota-t-il alors qu’elle s’arrêtait pour regarder autour d’elle. Tu vas réussir à nous mener au bon endroit.

Il haussa les épaules et s’éloigna en la voyant ouvrir grands les yeux devant ces encouragements. Il était vrai qu’il lui avait rarement dit qu’il était fier d’elle, qu’elle était une femme forte qui pouvait tout accomplir. Pour lui, ces mots-là ne servaient à rien. Il n’avait pas besoin de mots doux ou d’encouragements, non lui, il avait besoin d’une présence, de prouver physiquement qu’on était là à ses côtés et son propre don lui en avait privé. Il le savait, et à présent, il commençait à comprendre que tous n’étaient pas comme lui et que peut-être la vie valait la peine d’être vécue à fond.

Lorsqu’ils pensèrent enfin avoir où avait bifurqué Pascal Léos dans le souvenir de Martin, ils se mirent à marcher dans un silence parfait. Ils étaient aux aguets. À la fois pour ne pas manquer l’entrée du bunker semi-enterrée, mais aussi de peur que d’autres Zodiaques ne les surprennent dans le coin.

Dorian souffla un coup, lorsqu’ils arrivèrent enfin devant cette fameuse porte. Elle était là, à moitié recouverte par un filet de feuilles. En parfait état, se fit la réflexion Dorian. Elle était entretenue donc il y avait du monde qui venait ici.

— Vous êtes prêts ? demanda Adrien. On ne sait pas ce qui nous attend en bas.

— On peut y aller, répondit Dorian pour les autres.

Le Scorpion prit la tête du groupe et laissa un nuage de poison enrober ses doigts. Si quelqu’un les attendait en bas, il saurait réagir assez vite pour protéger ses compagnons. Ils choisirent ensemble que Martin fermerait la marche. Si on essayait de les prendre à revers, il saurait les ralentir avec sa lumière.

Toutes les précautions qu’ils prirent ne servirent à rien. Personne ne se trouvait en bas. La salle était entièrement vide de monde.

Ils se séparèrent et firent un petit tour de la pièce. Comme pour la porte, Dorian se fit la même réflexion. Tout était rangé, nettoyé, il n’y avait pas une once de poussière. Les tables et étaux collés au mur de droite supportaient des dizaines de flacons chacune. Toutes remplies de substance et liquide colorés, elles étaient parfaitement alignées et triées par couleur. Les teintes de roses se trouvaient au tout début de la rangée, on passait ensuite par des nuances de rouge, de vert, de bleu, de noir, et même de doré tout au fond.

— Vous pensez qu’il y a quoi dedans ? s’approcha Maxime.

— Je ne sais pas, mais je n’ai pas très envie de savoir, répondit Dorian.

— Le Serpentaire dans mon souvenir. Il n’était pas seul ici.

Tous se retournèrent vers Martin. Le jeune homme avait porté l’une de ses mains à son front et avait fermé les yeux.

— Tu te souviens de quelque chose ?

— Je crois oui. Je suis venu plusieurs fois ici après avoir été malade. Il y avait un ado avec lui. Je crois que c’était son fils.

— Un autre serpentaire, donc, en déduisit Adrien.

— Tu as autre chose qui te revient ?

— Non, ça m’arrive comme des flashs. Je pense qu’avoir fouillé mes souvenirs avec Mélanie a débloqué quelque chose.

— On devrait continuer à avancer dans ce cas. Peut-être que ça t’aidera.

— Par là, indiqua Mélanie en pointant la porte de droite du doigt. J’entends des bourdonnements comme avec le journaliste.

L’évocation de cet homme glaça le sang de Dorian un instant. Il n’avait aucune envie de revoir quelqu’un comme lui, dans son état. Il ne voulait pas raffronter la mort. Pas si tôt.

Il laissa les autres s’approcher de la porte en question, tandis que Mélanie vint se poster à côté de lui. Elle ne fit aucun geste dans sa direction, mais elle était là. Elle était là pour lui, pour le soutenir. Elle avait toujours été là et il l’avait continuellement repoussée. Il était temps qu’il arrête.

Il prit une grande inspiration, puis noua ses doigts à ceux de la Gémeau. Ils restèrent ainsi quelques secondes, puis toujours main dans la main s’approchèrent des autres.

La porte avait une petite fenêtre qui donnait à l’intérieur. Il y faisait complètement noir, impossible pour eux d’y voir quoi que ce soit.

D’un commun accord, Adrien et Martin se mirent en première ligne et furent les deux seuls à d’abord pénétrer à l’intérieur de la pièce. Tout danger avorté et la lumière de la salle allumée, ils furent rejoints par les autres.

Dorian devint tout pâle en découvrant ce que renfermait la pièce. Deux immenses étagères formaient deux colonnes de part et d'autre de la pièce. Celles-ci abritaient des dizaines et des dizaines de cages dont la majorité était occupée. À l’intérieur des hommes ou du moins ce qu’il en restait étaient enfermés.

— C’est vraiment ce que je crois ? demanda Adrien en s’approchant des premières cellules.

Aussitôt, les êtres à l’intérieur commencèrent à se déchaîner. Ils hurlèrent et seuls des sons rauques, animaliers, sauvages, s’échappèrent d’eux. Ils n’avaient plus aucune conscience humaine. Seule leur apparence pouvait rappeler qui ils étaient à l’origine.

— Ils ne sont pas exactement comme le journaliste, plutôt comme le patient D, remarqua Mélanie qui avait lâché Dorian pour s’avancer à son tour. Ils ne sont plus humains, mais ne sont pas devenus des démons à part entière.

— Alors que sont-ils ? Et comment en sont-ils arrivés là ? demanda le Scorpion.

— Je ne sais pas. Ils sont bloqués entre les deux états, je dirais.

Dorian comme ses compagnons se mit à arpenter la pièce. Il était difficile pour lui de regarder ces êtres étranges qui lui rappelaient ce qu’il avait été forcé de faire. Mais pour autant, il savait qu’ils n’étaient pas comme le journaliste. Beaucoup d’entre eux avaient perdu toute trace d’humanité dans leur regard. Leurs yeux, explosés de sang, étaient ceux de bêtes, de monstres démoniaque prêts à tout détruire sur leur passage.

— Non… Ce n’est pas possible. Pas toi…

Les plaintes de Martin attirèrent l’attention de ses amis qui le retrouvèrent devant la seule cage installée seule, en retrait des autres.

— Pascal ? demanda Adrien en s’approchant doucement des barreaux.

Adrien, Dorian et tous les autres avaient tout de suite compris à qui ils avaient à faire. Contrairement aux autres spécimens, celui-ci avait conservé nombre de traits humains et malgré des marques dénotant le début de sa transformation, on reconnaissait aisément les mêmes airs que ceux de Martin.

Son père était bien là, avec son tatouage de Lion sur la main. Il était encore en vie, ou du moins ce qui pouvait ressembler à la vie. L’approche de Martin ou d’Adrien ne le fit pas réagir. Il était étrangement calme par rapport aux autres. Son regard fixé droit devant lui, il semblait éteint.

— Papa, c’est moi s’il te plaît… l’implora Martin alors que les larmes s’entendaient jusque dans sa voix.

Sa lumière commença à pulser au creux de ses mains tandis qu’une douce chaleur commençait à se faire ressentir. Mélanie s’approcha aussitôt de lui et le prit dans ses bras. Elle ne dit rien, elle attendit ainsi qu’il se calme et reprenne ses esprits et par la même occasion l’ascendant sur son pouvoir.

— Attendez, c’est quoi ça ? les interpella Dorian. Martin éclaire son dos s’il te plaît.

Le Scorpion était persuadé d’avoir vu quelque chose d’étrange.

— On dirait une figure de Lichtenberg. Vous savez ? C’est la marque que laisse un éclair sur la peau.

— Non pas celle d’un éclair, celle de la magie du Serpentaire.

Tous se retournèrent vers Martin.

— Tu as un nouveau souvenir ? le questionna Mélanie.

Il hocha de la tête.

— C’est la marque que laisse le Serpentaire lorsqu’il utilise leur énergie pour transformer un humain en démon.

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