Chapitre 21 : Adrien
Adrien n’avait pas lâché son compagnon des yeux de tout le trajet en voiture. Maxime avait l’air de plutôt bien se porter pour autant le Vierge ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter. Lorsqu’ils arrivèrent, il le fit monter en hâte dans l’appartement.
— Adrien, du calme, je vais bien.
— Tu n’en sais rien ! lui cria-t-il dessus. On ne sait pas exactement comment fonctionne son don, mais on sait que c’est avec ça que sont transformés les démons.
— Mais je ne ressens rien ! J’ai mal nulle part.
— Peut-être pour l’instant. Tu as été touché, on ne peut pas laisser ça de côté. Son pouvoir met peut-être du temps à s’activer.
— Je ne pense pas, les interrompit Mélanie en s’approchant d’eux.
Elle abaissa légèrement le col de Maxime du bout des doigts. À la naissance de son cou, juste au-dessus de sa clavicule, une zone d’ombre était en train d’apparaître et de recouvrir son tatouage de dragon.
— Elle commence déjà à faire effet…
— On doit faire quelque chose. Il faut agir, on ne peut pas juste attendre que cette chose prenne le dessus. Je ne laisserai pas ça arriver ! s’emporta Adrien.
— Je peux peut-être essayer…
Le Vierge se retourna aussitôt vers Martin. Le jeune garçon regardait Adrien droit dans les yeux, pourtant ses mains trituraient le bas de son tee-shirt. Il essayait de se donner l’air sûr, mais ses gestes trahissaient son stress.
— On a vu que ma lumière pouvait faire fondre la partie démoniaque au bunker. Je pourrais peut-être réessayer. Peut-être que je pourrais entièrement la faire disparaître de Maxime.
— Tu veux bien essayer ? demanda le Vierge difficilement tellement sa gorge était nouée.
Martin hocha de la tête avant de se tourner vers Maxime.
— Je ne sais pas si ça va marcher, est-ce que tu veux que j’essaie ?
Maxime le regarda avant de tourner son regard vers son compagnon.
— Très bien, nous n’avons que ça à essayer de toute façon.
Il s’assit sur le fauteuil au centre du salon et enleva sa chemise.
Adrien ne put s’empêcher de regarder le corps de son compagnon. Maxime était un homme sportif. Ses épaules carrées et son ventre parfaitement plat en étaient les résultats. Le problème était cette tâche noire qui se développait lentement au niveau de sa clavicule et qui venait recouvrir la queue du dragon tatouée à cet endroit.
Il regarda Martin s’approcher de lui, tandis que Dorian et Mélanie se mettaient plus en arrière. Adrien ne bougea pas, il était hors de question qu’il détourne le regard. Il voulait que Maxime puisse le voir, puisse s’accrocher à quelqu’un de connu si cela devenait trop compliqué à supporter.
— Tu es prêt ? lui demanda Martin.
— Vas-y ! répondit-il sèchement.
Le Lion mit sa main à quelques centimètres de sa nuque. Une lumière d’abord douce s’échappa de sa main. Adrien vit l’ombre légèrement onduler. Martin devait aussi s’en être aperçu puisqu’il accentua l’intensité de son don. La lumière pulsa plus fort.
La marque noire se détacha progressivement de son cou et commença à suinter puis à glisser le long de son dos.
— ça marche… n’en revenait pas Adrien.
Il tourna ses yeux vers Maxime et le vit serrer les dents tandis qu’il s’accrochait fermement au fauteuil. Ses doigts étaient enfoncés dans les accoudoirs. Il fermait les yeux.
La lumière s’intensifia une nouvelle fois. Adrien avait du mal à garder les yeux ouverts, il les plissait au maximum et vit Maxime commencer à se tordre de douleur. Il ne pouvait supporter de voir son compagnon dans cet état. Cela ne pouvait continuer.
— Stop ! s’écria-t-il en s’emparant du poignet de Martin pour le diriger vers le plafond.
Aussitôt, il coupa sa lumière. La tâche noire s’était déplacée jusqu’à l'omoplate pour s’y ancrer, mais elle était toujours bien présente et accrochée.
— Pourquoi tu l’as arrêté ? demanda Dorian. Cela fonctionnait.
— Ce n’est pas supportable, il était en train de le brûler ! se défendit Adrien.
Le Vierge se jeta aux pieds de Maxime qui peinait à garder la tête droite et les yeux ouverts. La douleur l’avait vidé de toute son énergie.
— Je vais lui chercher de la glace, se porta volontaire Martin d’aller à l’épicerie du coin de la rue.
— Maxime ? Tu m’entends ? demanda Adrien en posant délicatement sa main contre sa joue.
— Ça va aller… répondit-il difficilement.
— Je vais t’aider à te lever. Je t’emmène à la chambre, tu as besoin de te reposer.
Il le prit contre lui et le porta plus qu’autre chose pour monter les escaliers qui menaient à leur chambre. Il l’installa sur le lit et arrangea les coussins pour qu’il soit bien installé.
— Je reviens vite, le rassura-t-il avant de l’embrasser et de quitter la pièce, prenant soin de bien refermer la porte derrière.
Il arriva en bas en même temps que Martin revînt avec une poche de glace.
— Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? demanda Dorian.
— Et si on retournait à l’hôpital ? proposa Mélanie. Avec les informations que nous avons à présent, peut-être qu’on découvrira de nouvelles choses avec le patient D. On aura un regard neuf dessus et on remarquera peut-être de nouveaux éléments qui ne nous avaient pas sautés aux yeux la première fois.
— C’est une bonne idée, approuva Dorian. Qu’est-ce que tu en penses ? se tourna-t-il vers Adrien.
— Allez-y si vous le souhaitez, je vais rester ici. Il est hors de question que je laisse Maxime tout seul.
Il récupéra la glace qu’était allée chercher Martin en le remerciant et les regarda partir tous les trois.
Adrien prit une grande inspiration. Il voulait plus que tout aller auprès de Maxime, mais une boule au fond de l’estomac lui étreignait le ventre. Il avait du mal à déglutir. Il ne pouvait s’empêcher d’imaginer les conséquences de cette tâche sombre sur le corps de son compagnon.
Le froid de la glace dans ses mains le ramena à la réalité. Voilà plus de cinq minutes qu’il se tenait là au milieu du salon, seul. Il secoua la tête et monta les escaliers.
Maxime ouvrit un œil en le voyant arriver.
— Je croyais que tu m’avais abandonné, se moqua-t-il avant de froncer les sourcils.
— Je t’ai apporté de la glace, ça devrait te soulager un peu, se contenta-t-il de répondre.
Il s’approcha du lit et posa la poche froide dans la nuque de son compagnon en la calant à l’aide des coussins. Il s’assit ensuite à côté de lui et déroula ses jambes devant lui.
— À quoi penses-tu ? souffla Maxime gardant ses yeux fermés.
— À rien, pourquoi ?
— Tu mets tes pieds sur le lit, sans enlever tes chaussures.
— Comment fais-tu ? Comment fais-tu pour réussir à me faire sourire même quand rien ne va, quand on est au bord du précipice, quand toute notre vie est sur le point d’être foutue en l’air ?
— On va trouver une solution.
— Et si on n’en trouve pas ?
— Adrien, regarde-moi.
Le Vierge tourna la tête vers son compagnon. Il fut immédiatement happé par ses yeux verts qui pourtant étaient bien plus éteints que d’habitude. La glace dans son cou avait au moins permis de lui redonner quelques couleurs. Ses joues s’étaient légèrement teintées de rose.
— Si on ne trouve pas de solution pour retirer cette substance de mon corps, je vais me transformer en démon…
— Ne dis pas ça, l’implora Adrien.
— Si, il faut voir la vérité en face. On ne peut pas fermer les yeux sur cette éventualité.
— Mais…
— Adrien, arrête. Il faut s’y préparer, et si ça arrive, si on ne trouve pas de solution et que je commence à me transformer. Je veux que ça soit toi qui m’arrêtes. Je veux que ça soit ton pouvoir qui m’achève. Je ne veux pas que ça soit un autre.
— Tu m’en demandes trop… Jamais je ne pourrais te faire ça. Je n’en aurai pas le courage.
— Bien sûr que si ! Tu es l’homme le plus courageux que je connaisse. Regarde-toi, tu ne recules jamais devant le danger. Démons ou simples criminels, tu es toujours présent, prêt à protéger les innocents.
— Sauf que là, on parle de toi…
— Tu sauras trouver la force. Je n’ai aucun doute.
Les deux compagnons continuèrent de discuter un long moment allongés dans leur lit. Cette conversation fit du bien à Adrien. Son compagnon lui permettait de garder la tête froide et de ne pas baisser les bras dans les situations les plus difficiles comme celle-là. Maxime finit par s’endormir à ses côtés. La douleur l’avait énormément affaibli.
Il profita de son repos apaisé pour fermer les yeux et réfléchir à son tour. Il savait qu’il n’en était pas capable, il était même hors de question pour lui d’utiliser son don contre Maxime. Il devait bien exister une solution, et d’une manière ou d’une autre, il la trouverait. Il se promit de tout faire pour le sauver.
Il rouvrit les yeux en attendant la porte d’entrée du loft s’ouvrir. Ils étaient de retour. Il sortit de la chambre et descendit juste assez de marche pour pouvoir les regarder. Ils affichaient tous une mine affreuse.
— Vous n’avez rien trouvé ? demanda-t-il connaissant déjà la réponse.
— Non… secoua la tête Dorian. Il n’y a aucune avancée, rien dans les écrits de son père. On a tout épluché, mais aucun remède, aucune solution.
Il leur fit un sourire triste et remonta dans la chambre.
Il s’en doutait.
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