Il était étrange pour Martin de se retrouver dans la même pièce que le Serpentaire. Comme Adrien, il avait énormément de mal à lui faire confiance et encore plus de mal à lui pardonner. Son père était mort par sa faute.

Au-delà, du fait qu’il fût la personne responsable de la création des démons. Enzo était celui qui avait créé la fausse substance pour améliorer leur don. Pascal avait été un cobaye d’une expérience dont le remède était déjà au point. Le jeune Lion comprenait qu’il avait fait cela dans l’objectif de protéger les leurs, mais il ne pouvait se résoudre à le lui pardonner.

— Vous êtes sûrs que c’est bien ça ? demanda Adrien sortant Martin de ses pensées.

Il redirigea sa concentration vers le petit groupe qui s’était regroupé autour de l'îlot de la cuisine.

— Sûre et certaine, approuva Mélanie. C’est exactement ce que j’ai vu dans les souvenirs d’Enzo. Si on parvient à récupérer chacun de ces ingrédients, alors on pourra créer la décoction qui pourra sauver Maxime. Un souvenir ne ment pas, Adrien.

— Il aurait pu t’en montrer un faux. Une recette qu’il a essayée sur quelqu’un d’autre, sur Pascal par exemple.

Martin prit mal que Dorian utilisait son père comme argument, surtout qu’il se doutait que ce n’était pas forcément qu’il ne faisait pas confiance à Enzo, mais plutôt qu’il avait du mal à accepter que Mélanie lui fasse confiance si rapidement. Il n’arrêtait pas de lui jeter des regards noirs chaque fois que la Gémeau prenait sa défense.

— Je vous promets que je vous dis la vérité, appuya Enzo. J’ai déjà ouvert mon esprit, à présent, c’est à vous de m’ouvrir votre confiance. Je ne peux pas y arriver si vous ne m’aidez pas. Il en va de la vie d’un homme.

Martin jeta un coup d'œil en arrière. L’homme en question était toujours assis sur le fauteuil du salon. Sa situation n’avait pas évolué depuis l’arrivée du Serpentaire, mais elle était déjà assez alarmante. Il ne savait pas si c’était de fatigue ou de douleur, ou sûrement les deux, mais Maxime était affalé, et à moitié endormi. Il ne savait pas combien de temps, il allait pouvoir tenir comme ça.

Leur seul exemple était le patient D qui aujourd’hui était plongé dans un coma artificiel pour éviter qu’il ne fasse un carnage. Il ne pouvait pas faire la même chose à Maxime. C’était inconcevable. Même pour lui.

Il fallait dire que Martin avait eu énormément de mal à accepter sa présence. Il en avait voulu à Adrien pour aucune raison et s’en était pris à lui. Maintenant, qu’il y repensait, avec le recul, il se trouvait ridicule. En quoi ça le dérangeait qu’Adrien et Maxime soient ensemble ? Ils avaient tous raison, il valait mieux que ça. Il valait mieux qu’un gamin jaloux que le premier homme qui l’avait pris sous son aile après la disparition de son père, choisisse un autre homme que lui. Il avait eu l’impression de se faire voler sa place, alors que ce n’était clairement pas le cas. Il n’était pas en concurrence avec Maxime, loin de là. Les relations qu’ils entretenaient chacun avec Adrien étaient complètement différentes. Il s’en rendait bien compte à présent.

— Comment on va se procurer du sang pur ? demanda finalement Adrien en s’emparant de la liste.

— Il nous faut un humain, expliqua Enzo.

— Un qui n’a pas été contaminé par l’essence démoniaque, je présume ?

Le Serpentaire hocha de la tête avec un sourire désolé.

— Je peux appeler une amie ! intervint Martin. Si je lui explique, elle peut arriver d’ici vingt minutes.

— Fais-le ! l’implora Adrien.

Il n’avait pas besoin de plus pour sortir son téléphone de sa poche et le déverrouiller. Il hésita entre un SMS et un message sur Instagram, mais décida d’appuyer sur le bouton pour l’appeler. Une sonnerie, deux sonneries… Elle décrocha.

— Martin ? répondit la voix de Sophie de l’autre côté du fil.

— Oui, c’est moi. J’aurai besoin de toi. C’est une question de vie ou de mort…

— T’es où ? Je dois aller où ?

Il la bénissait. Sophie savait toujours que lorsqu’il parlait ainsi, de manière rapide et sans blague dissimulée, c'est qu’il était très sérieux. En ce moment, il l’était encore plus que d’habitude. Martin lui donna l’adresse et elle lui promit de faire au plus vite.

— On devrait parvenir à tout préparer avant son arrivée.

Martin les regarda en restant dans son coin. Il était physicien, lui, pas chimiste. Il n’avait jamais été à l’aise lorsqu’il s’agissait de manipuler certains liquides ou autres et cette fois qu’il en allait de la vie de Maxime, il était hors de question qu’il soit la raison que ça foire.

Pour faire leurs mélanges, Mélanie, Dorian et Enzo s’étaient servi des verres, bocaux, et saladiers qu’ils avaient réussi à trouver dans la cuisine. Ils étaient loin des conditions optimales, mais au moins, ils avaient de quoi faire.

Adrien était resté auprès de Maxime tout le long. Ce dernier s’était réveillé. Le Vierge tentait de le rassurer bien que le tapotement de ses doigts contre sa jambe trahissait son stress.

Lorsque le téléphone de Martin sonna et qu’il vit le nom de Sophie s’afficher. Il sauta littéralement dessus pour décrocher et partit en courant dans les escaliers. Elle était bien là.

— Qu’est-ce que je peux faire ? lui demanda-t-elle en premier.

— Suis-moi, Enzo pourra mieux t’expliquer.

Il la mena jusqu’à l’intérieur, où il la vit ouvrir grands les yeux de se retrouver au milieu de tous ces Zodiaques.

— Parfait ! Tu arrives pile au bon moment ! approuva le Serpentaire. Approche s’il te plait.

Martin l’accompagna et se posta de l’autre côté, alors qu’elle se posait au-dessus de la mixture qui avait une couleur mauve et que Mélanie continuait de remuer doucement.

— Pour finir, nous avons besoin de ton sang, lui indiqua-t-il. On a besoin que de quelques gouttes, cinq gouttes pour être précis.

— Tu veux la couper ? s’affola Martin qui se rendait compte qu’il lui avait demandé de venir sans se préoccuper de ce qu’elle devrait faire.

— Juste lui piquer le bout du doigt, le rassura Enzo.

— Si c’est que ça, je peux le faire.

Alliant le geste à la parole, Sophie tendit sa main. Le Serpentaire la prit et la déplaça au-dessus du saladier. Il attrapa une petite pointe et piqua son index. Une petite boule rouge se forma aussitôt. Il lui fit tourner la main et appuya sur son doigt. Une première goutte rejoignit le reste du sérum.

— Vas-y, mélange, ordonna-t-il à Mélanie après que la cinquième bulle de sang tombât.

Martin s’empara de la main de Sophie et regarda attentivement ses doigts avant de la lui rendre sans rien ajouter de plus. Il se reconcentra sur le mélange qui à présent avait une couleur un peu plus rosée.

— C’est bon, annonça Enzo. Adrien, tu es prêt ?

— Je le suis, affirma-t-il en se levant et en s’approchant du groupe. Injectez-moi ce truc.

Le Serpentaire s’empara de la seringue qu’ils avaient récupérée des affaires de Maxime et destinée à l’origine aux crises de douleur d’Adrien. Il la plongea dans le liquide et en extraya une petite quantité.

Il se tourna ensuite vers le Vierge, s’empara de son bras et lui enfonça l’aiguille dans le bras avant d’appuyer sur le piston.

— Comment tu te sens ? lui demanda Dorian.

— Normal, je ne sens aucune différence.

À peine sa phrase finie, les veines de sa main puis de tout son bras se teintèrent de rose.

— Ça a fait effet, annonça Enzo.

— Alors sauvons Maxime, ajouta Adrien.

Martin et Adrien se rapprochèrent du malade tandis que les autres restaient autour de l’îlot pour ne pas être trop exposé à la lumière du Lion. Il leva une main vers la nuque de Maxime et attendit qu’Adrien en fasse de même. Il allait libérer son don lorsqu’il vit le bras de son ami trembler comme une feuille. Pas besoin d’être un Gémeau pour devenir à quoi il pensait.

— Ça va marcher, lui murmura Martin. Nous allons y arriver. Tu vas le sauver.

— Et si je ne suis pas assez puissant ?

C’était la première fois qu’il voyait Adrien dans cet état de faiblesse et d’hésitation. Martin tourna instinctivement la tête vers Sophie, il aurait les mêmes doutes s’il s’était agi d’elle plutôt que de Maxime.

— Tu es assez puissant. L’amour que vous vous portez est assez fort. Vous avez ce qu’il faut pour vous sortir de cette situation. Tu peux le faire, j’en suis convaincu.

Adrien le regarda un temps puis hocha de la tête avant de cligner plusieurs fois des yeux. Martin approuva. Maintenant, ils étaient prêts.

Il déclencha son don. Il sentit sa lumière traverser son corps pour être émise au bout de ses doigts. Comme la première fois, l’énergie démoniaque accrochée à Maxime se mit à fondre lentement et à s’écouler le long de son dos. Elle se séparait lentement de lui.

La magie d’Adrien s’activa à son tour. Cette fois-ci, elle ne prenait pas la forme d’un dôme de lumière, non, elle copiait celle du corps de Maxime. D’abord assez loin de lui, elle rétrécit petit à petit jusqu’à venir quasiment se coller à sa peau.

Dès qu’elle entra en contact avec l’essence noire, celle-ci se retrouva aspirée par l’énergie du Vierge. Plus elle fondait sous la lumière, plus elle était arrachée puis avalée. Lentement, mais sûrement, le corps de Maxime se purifiait. Lorsque plus aucune tâche noire ne fut visible, les deux Zodiaques rappelèrent leur magie.

La pièce avait gagné plusieurs degrés, ils étaient tous en sueur et le dos de Maxime était rouge comme s’il venait d’attraper un coup de soleil, mais plus aucune trace marquant le passage d’un démon n’était visible.

— On a réussi… souffla Adrien. Tu n’as plus rien ! cria-t-il d’un coup en se jetant au cou de son compagnon.

Martin sourit en les voyant s’étreindre. Maxime était encore faible, mais il était sorti d’affaires. Ils avaient réussi. Ils l’avaient sauvé.

Tout en le gardant dans ses bras, Adrien releva la tête vers le Lion et lui murmura un simple merci qui suffit amplement à Martin.