Chapitre 23 : Poire pochée

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Ce matin-là, Rosa avait le pressentiment que quelque chose allait arriver. Cela faisait trop longtemps que Luigi n'avait pas donné signe de vie et ce scélérat était un vrai pitbull, il ne lâchait jamais l'affaire. Robert le vit tout de suite que la jeune cheffe était plus inquiète que d'ordinaire. Il fit son possible pour distraire la jeune femme. Rien n'y fit. La journée passa. Rosa en vint même à douter de son instinct.

- Vous avez fait du bon boulot !

La brigade applaudit le chef à la fin du service, comme ils en avaient pris l'habitude depuis l'arrivée du chef américain. La nouvelle carte avait du succès et l'attrait de la nouveauté avait permis d'augmenter encore le chiffre d'affaire. Rosa avait repris contact avec le critique culinaire, ils devaient se voir le mois suivant. Elle ne prenait pas autant de plaisir à travailler qu'avec Marc mais le chef Sanders était une personne joviale et exigeante. Elle avait appris auprès de lui. Elle avait aussi pris confiance en elle lorsqu'ils avaient travaillé ensemble pour l'élaboration de la carte. Deux plats portaient d'ailleurs sa signature.

Ce soir-là, Robert attendait Rosa, ils étaient de fermeture. La nuit était fraîche et de la vapeur s'échappait des bouches de ceux qui étaient encore dehors. Alors que la jeune femme pestait après la serrure qui faisait des siennes. Ils ne remarquèrent pas les quatre silhouettes qui s'étaient cachées tout près. Ils ne se rendirent pas compte des sacs qu'ils tenaient dans les mains. Rosa et Robert se firent surprendre. On leur mit un sac sur la tête, l'obscurité complète fit paniquer Rosa qui eut l'impression d'étouffer. Elle ne put se débattre, son corps en panique ne lui répondait plus. Seules ses pensées se heurtaient dans son esprit : "alors ça va se passer comme ça ?" "Finalement mon instinct avait raison." "Marc..." "Bouge-toi Rosa !"

Elle entendait Robert qui se démenait comme un beau diable. Il donnait du fil à retordre à leurs agresseurs. Les coups pleuvaient. On voulut l'emporter, mais ses jambes refusaient toujours de bouger, elle entendit clairement des jurons et la voix de Luigi plus loin qui invectivait ses hommes.

- T'as qu'à la porter ! Grouille-toi ! Mets-là dans la bagnole !

Rosa résista tant qu'elle put, la sonnerie de son téléphone la sortit de la torpeur et elle surprit son agresseur en lui faisant une prise de self-défense. Elle put se libérer et ôta le sac qui lui masquait la vue. Elle retrouva son souffle. Par chance, une voiture passa dans la rue. Les malfrats effrayés prirent la fuite. La voiture s'arrêta en voyant la jeune femme au dessus de Robert inconscient. Charitables, les deux pompiers qui rentraient de soirée prirent en charge les gestes de premiers secours. Rosa était prostrée, figée, sous le choc. Elle ne sut comment elle se retrouva dans une salle d'attente de l'hôpital où une ambulance les avaient menés. Elle accepta le café que lui tendit une infirmière. Deux policiers vinrent l'interroger. Les témoignages allèrent gonfler encore davantage le dossier à charge de Luigi. Elle se demandait quand cela finirait-il enfin.

Elle devait prévenir la femme de Robert, elle devait s'inquiéter de ne pas les voir rentrer. Rosa passa le coup de fil, elle parla peu, donna juste les informations utiles. Une heure plus tard, Lydia la rejoignit. Elle prit la jeune cheffe dans ses bras et accueillit ses larmes.

- Rosa, ma belle, tu as des nouvelles de Robert.

Elle fit non de la tête avant de reprendre en un sanglot :

- Je suis désolée Lydia, c'est de ma faute.

- Qu'est-ce que tu racontes ! Ce n'est pas toi qui a frappé Robert. Il t'a protégée comme il a pu et je sais qu'il l'aurait fait pour n'importe lequel d'entre nous.

- Il était inconscient quand on est arrivé. Ils l'ont emmené directement au bloc. J'ai cru entendre une histoire de côte et de poumon perforé, ... je suis désolée, je ne peux même pas te rassurer sur son état.

Les yeux et le nez coulants, Rosa tentait de respirer entre deux sanglots. Lydia lui passa un mouchoir et la serra contre elle pour la réconforter. Elles ne surent combien de temps passa avant qu'un médecin les appelle.

- L'opération s'est bien passée. Les hémorragies sont circonscrites. Nous l'avons mis dans un coma artificiel afin qu'il ne souffre pas trop. Il a un hématome sous-dural, nous allons surveillé avec attention son évolution.

- Peut-on le voir ? demanda sa femme.

- Pas avant demain. Je vous conseille de rentrer et de vous reposer. Nous avons pris vos coordonnées, s'il y a quoique ce soit, nous vous contactons.

Lydia prit Rosa par les épaules et la guida jusqu'à sa voiture. Durant le trajet, les larmes de Rosa coulèrent silencieusement sur ses joues. Elle aurait mille fois préférer être à la place de Robert. Cela serait-il toujours ainsi ? Était-elle condamnée à la solitude ? Elle semblait apporter le malheur à tous ceux qu'elle approchait. Ne la voyant pas bouger, Lydia lui prit la main et déclara :

- Il faut que l'on reste forte et optimiste pour lui. Nous n'avons pas le droit de nous apitoyer. C'est un battant, il reviendra à nous. Rosa, ne les laisse pas gagner. Ton inquiétude, ta peur les confortent dans leur projet. Ils pensent pouvoir t'avoir.

Rosa leva les yeux vers Lydia et une idée lui effleura l'esprit, ce fut fugace, un demi seconde. mais cela suffit à la mère de famille pour la saisir.

- Jamais ! Jamais tu m'entends ? Tu n'as pas le droit de céder Rosa. Mon Robert ne s'est pas battu pour que tu te livres. C'est compris ? On les aura ces enflures et je me chargerai personnellement de leur couper les couilles.

Rosa sourit à l'entente de cette expression qui lui rappela Robert. Elle hocha la tête pour rassurer Lydia. De toute façon, elle n'aurait jamais la force de le faire. Elles descendirent de voiture et se quittèrent pour aller dormir. Sous la douche Rosa ferma les yeux laissant les images de l'agression s'imprimer sous ses paupières. Elle coupa l'eau chaude, l'eau froide crispant ses muscles et la ramenant dans la réalité. Elle avait besoin de se sentir vivante. Encore une fois elle avait échappé au proxénète. Grelottante elle quitta la salle de bain et se glissa sous la couette épaisse. Elle regarda son téléphone et vit un appel en absence de Marc. C'était lui qui avait appelé alors qu'ils se faisaient agresser. Elle n'avait pas la force de le rappeler. Alors qu'elle allait éteindre l'appareil, il se mit à sonner. Elle souffla et décrocha :

- Rosa ! Enfin j'ai cru que je n'allais pas pouvoir t'avoir. Comment vas-tu ?

Elle ne put répondre, seul un sanglot lui échappa.

- Mon Dieu, Rosa ! Que se passe-t-il ?

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