11 - Nancy - Vendredi PM

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Haut les cœurs, cette nuit, je dois veiller à la paix sur la Cité !

J’ai vraiment trop mal… Put***, cela me fait chier ! J'en ai marre ! Je suis si fatiguée… Si les mecs pouvaient savoir ce que c'est la douleur tous les mois, ils arrêteraient de rouler des mécaniques et de la ramener tout le temps. Moi, je vous l'dis.

Ma mauvaise période se pointe bien trop vite. Mes crampes au bas-ventre me le rappellent assez. Ce mois-ci, ce n’est pas « du gâteau ».

D’habitude, cela arrive quasi à l’heure dite et si c'est douloureux sur le moment, cela n'a qu'un temps. Mais ce sont des émotions volcaniques pendant quatre jours… C’est pourquoi j’ai inversé mes services. Cela me fera une prestation supplémentaire mais de cette façon, je pourrai débrayer jusqu'à mercredi midi. Mais aujourd’hui, je doute que cela soit le bon plan…

Ce vendredi soir, je traîne les pieds. Mais je suis encore motivée. Surtout après la journée que je viens de passer. Non pardon, de ces deux derniers jours.

Hier, tout avait bien commencé. Master m’avait donc dit de rejoindre le beau brun. Je devais lui préciser d’attendre et lui prêter assistance si nécessaire. J’étais plutôt motivée pour cela ! Je me souviens de sa « fiole » lorsqu’il m’a vue en « Policewoman ». Depuis lors, il m’appelle sa Schtroumphette. C'est mignon.

C’est un gars qui aime l’action le Bruno pour ainsi se promener sur les toits dès huit heures du mat’. Et en plus, il a le sens de l’observation tant pour avoir repéré les gens de la Sûreté que pour son œil sur moi. Je me suis sentie déshabillée par son regard dans la voiture et devenir chaude comme la braise… Pour un peu, j'aurais taché mon siège.

C’est pour cela qu’à peine de retour au studio, j’ai voulu me donner du plaisir pour faire retomber cette tension sexuelle qu’il avait fait monter. Mais je suis tombée trop vite endormie…

On dit « que l’air ne fait pas la chanson ». Comme le Bruno. Il n’a pas l’air baraqué, mais il est musclé. Et de partout ! Quand il est sorti de sa douche, il était tout ruisselant. Moi, je le devenais rien qu’à le voir… Et lorsque négligemment - mais pas innocemment - il a aperçu mon sein que j'avais découvert pour lui, son émotion a été très visible ! Il s’en est fallu de peu que je ne découvre sa musculature dans les moindres recoins sous la violence de sa réaction. La chute de la serviette était proche ; j'ai bien ri.

Pour la suite, je suis restée bien sage. Je suis retournée chez-moi après une longue mise en commun de nos informations. On avait décidé d’en rechercher encore plus ; chacun de notre côté.

Et ce que j’ai trouvé, je ne lui ai pas tout expliqué…

Ce matin, je lui ai raconté que la Sûreté avait retiré l’avis de recherche. Ça, c’est étrange, mais je ne pouvais pas trop interroger les collègues là-dessus, sans attirer l’attention sur moi.

Bruno m’avait donné une plaque d’immatriculation pour en rechercher le propriétaire. Un certain Chapon qui a déjà eu quelques démêlés avec nous ; surtout sa fille. J’ai dit fumette à l’école, mais on la soupçonne d’être complice assez active de deal.

J’ai recherché Ferraille. Rien à signaler. Il habite sur les hauteurs du quartier de Beaufort et il travaille pour une société d'import-export, chez Vancelor. Il y avait un astérisque sur le nom de la boîte : « À contacter Service de Répression des Fraudes ». Plus, je ne pouvais pas gratter sans déclencher à nouveau une alarme interne à notre réseau. Faut pas croire qu'on peut faire n'importe quoi. Il y a des jours où cela me pompe toute cette paperasse et ces explications à donner pour la moindre des choses.

Ça, je l’ai expliqué ou presque. Ce que j’ai tu c’est que la Chloé, je la connais. Ou plutôt, je connaissais sa mère. C’était ma "collègue". En y repensant, j’avais même ressenti qu’elle était comme une grande sœur pour moi. À certains moments…

Je ne sais pas si ce sont mes hormones qui me travaillent, mais là, je suis au bord des larmes en pensant à elle.

Ces infos, je ne les ai pas rapportées à Bruno. J’étais trop pressée de le revoir. J’ai à peine pris le temps de me doucher, de m’habiller un peu plus féminine. Pas dur, en comparaison avec mon pantalon d’intervention. Je me suis précipitée chez lui avec passage préalable par la boulangerie du coin. Car ne dit-on pas que ventre et bas-ventre sont les deux mamelles de l’homme ?

Et là, quand il a ouvert la porte, c’était comme s’il venait de voir la huitième merveille du monde. Cela m’a remué les tripes et fait mouiller ma petite culotte. J'avais hésité à en mettre une ce matin. Mais vu la mauvaise date qui s'approche et ces crampes, c'étaient prendre des risques. D'ailleurs, cela me tiraille à nouveau. Vais-je pouvoir tenir toute la nuit ?

Après, quand il m'a parlé de sa Kate et de le voir perdu dans ses pensées, je ne pouvais que lui proposer un gros câlin. Car j’en avais besoin, moi aussi… Pas croire, on est des petites choses fragiles, nous. Spécialement dans ces périodes.

Je ne voulais pas qu’il s’attache à moi. J’avais peur qu’une fois qu’il me connaîtrait, que je me serais ouverte, qu’il me rejette comme les autres. Ça m’aurait blessée, je crois. Fait chier à mort.

Mais un câlin, cela ne mange pas de pain…

On s'est levés, déshabillés. Nos regards se sont plongés l’un dans l’autre. Sa peau contre la mienne… Rien que de m'en souvenir, c'est à nouveau la danse aux papillons dans mon ventre. Bruno, t'as au moins servi à cela : j'ai presque plus de douleurs en pensant à toi. Pas pour autant que cela ne remue pas en dessous de la ceinture !

Tandis que ses mains agrippaient mes reins, je lui avais attrapé la tête et nos lèvres se dévoraient. Hors d’haleine, nous nous sommes séparés. J'en suis encore à bout de souffle. Je revis vraiment ce moment.

Je lui ai dit que je n’étais pas prête à aller jusqu’au bout mais que j’avais envie d’apprendre à le connaître et à lui faire confiance. Cela a donc été une journée d’intenses activités : débriefing et autres actions nettement plus érotiques que romantiques entre les quatre murs de son studio…

Bruno, tu finiras par passer à la casserole ! J’en ai marre de vivre cette attente. Mes hormones vont avoir les réponses à leurs questions. Mais cela attendra la semaine prochaine. J'ai trop le ventre explosé. Ouh, la crampe là ! Mais je vais accoucher, moi ! Je suis fracassée et je commence seulement mon service. Dans quel état serais-je demain matin ?

Je commence à encoder les dernières affaires de la journée avant d’entamer la routine de cette nuit.

Nous sommes vendredi soir et déjà, il y a une patrouille supplémentaire qui tourne. L’ambiance m’a l’air assez électrique. Un jour n'est pas l'autre ; alors les nuits...

Nos deux équipes sont parties en intervention, la troisième, la réserve, vient de démarrer.

Étant la dernière paire possible avec Sam, tout jeune grand-père de 39 ans à peine, je me rends au vestiaire pour m’équiper et glisser sous mon pull une veste de protection supplémentaire. Ce soir, je ne la sens pas très bien cette prestation à la con.

En revenant, je passe par le dispatching pour noter les interventions en cours. La première patrouille est partie sur une bagarre dans un café. La seconde, à l'opposé de la ville sur une autre altercation, mais sur la voie publique cette fois avec dégradations du matériel urbain. Quant à la réserve, c’est sur une possibilité de home-jacking dans le quartier de Beaufort qu'elle s’est rendue.

Pourquoi ai-je pris note de l’adresse, je ne sais pas. Intuition ? Hasard ? Certains disent que cela n’existe pas ; d’autres prétendent que c’est la même chose… Moi, ce que je peux vous dire, c’est que c’est chez le Père Ferraille qu'elle s'est rendue. À peine, le temps d’avertir Bruno que nous voilà envoyés à la société Vancelor pour un début d'incendie. Re-SMS tout en courant pour rejoindre le véhicule d’intervention. Pas évident.

Arrivée légèrement en retard sur le parking, Sam est déjà au volant. J’ai eu à peine le temps de grimper dans la voiture qu'il a fait crier les pneus.

— Cool Papy. No stress. Laisse au moins mon pied droit rentrer dans le véhicule, dis-je tout en fermant la portière.

— Ça chauffe ce soir. On est de la partie !

Je suis dans mes pensées. Ferraille d’un côté, la société Vancelor de l’autre. Étrange, mais je ne peux pas partager cela avec Sam.

— Hola, Nancy, tu rêves ?

— Hein, oui un peu…

— Hé, je compte sur toi ce soir ! Tu me couvres ; n'oublie pas, me dit le Sam d'un air inquiet.

— Moi, je veux d'abord arriver vivante. Alors, lève le pied. C'est une suspicion de feu et nous ne sommes pas pompiers.

A l'entrée du zoning, on manque de se faire emboutir par un SUV foncé qui me rappelle des souvenirs.

— Lui, il a de la chance qu'on a autre chose à faire, sinon je lui colle au cul, crache mon conducteur les lèvres pincées.

— Cool le Sam, parviens-je à articuler. Car chaque cahot me vrille littéralement le ventre.

Arrivés sur le site de la société Vancelor, il y a du monde…

Un véhicule des pompiers manque, lui aussi, de nous cartonner en quittant le parking.

— C'est quoi ce soir ? Tout le monde veut nous emplafonner ? parviens-je à dire entre deux douleurs.

Un autre véhicule des sapeurs-pompiers bloque le passage et du monde semble s'agiter autour. On va aux renseignements.

— Alors, c'est quoi ce bordel ? demandé-je à un des sapeurs en train de remettre du matériel dans son véhicule.

— Fausse alerte pour nous. Mais vous avez intérêt à la faire payer la P'tite Dame. Elle joue avec son téléphone et nous on a passé l’âge ! On déplace pas toute la Cavalerie parce qu’on ne sait plus ouvrir sa porte, me dit-il d’une voix rauque.

Je me retourne vers le bâtiment éclairé par les phares des pompiers. Bien visible sur les vitres on peut lire sur des papiers collés : Pas Feu et Enfermée.

Ce qui semble être le plus gradé des hommes du feu se tourne vers moi et me demande :

— On vous attendait pour rentrer puisqu’il n’y a pas de feu. On défonce la porte ?

— Attendez, j’ai la clé ! nous dit un bonhomme grassouillet qui se joint au groupe.

— Qui êtes-vous ? m’enquis-je par pur réflexe.

— Chapon, J’suis contre-maître ici. Et la Chloé m’a appelé pour que je lui ouvre la porte.

— Quoi ? Expliquez-vous ? coupa le Sam.

— Ben, m’a téléphoné pour me dire qu’on l’avait enfermée volontairement et qu’y allait avoir du spectacle. J’voulais pas rater cela !

— Ouvrez donc cette porte qu’on en finisse.

— Le temps d’trouver l’clé, nous dit-il en se dirigeant vers un hangar.

— Je vais pas traîner ici, nous dit le gradé des pompiers. Vous m’enverrez un rapport ? termina-t-il en se tournant vers moi ?

— Pas de soucis, je l’engueule pour deux. Promis.

Je confirme le deal sur une poignée de main.

Les hommes du feu s’en vont et le Bonhomme Chapon déverrouille la porte principale.

— C’t’au second qu’il l’ont remisé, ironise-t-il en s’engouffrant dans l’ascenseur.

— Remisé ? On a pas beaucoup de considérations pour elle, parviens-je à dire quasi écrasée contre la cloison et à moité écœurée par les remugles émanant du bouddha poussif.

— Elle est v’nue pour nettoyer le personnel. Fais pas plaisir. Pourtant l'est bien mignonne.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrent et la conversation s’arrête là. On se dirige vers le bureau de cette Chloé qui a dérangé tant de monde ce soir. Dans ce couloir, toutes les battants sont ouverts sauf un : le sien. Et pour cause, la clé est engagée dans le cylindre.

On déverrouille la porte et nous rentrons Sam et moi dans le bureau des secrétaires.

— J’ai failli attendre, entendons-nous clairement.

Sidérés, Sam et moi, on se regarde ; la voix semble venir du bureau voisin. On se bouscule pour être le premier à débouler dans la pièce suivante.

Un chantier ! Il n’y a pas d’autres mots pour décrire le spectacle. Des papiers en tas d’importances diverses avec qui une agrafeuse, et qui une lampe par-dessus. Pour éviter qu’ils ne se mélangent, sans doute. Derrière la table de travail, une superbe rousse, en tailleur, les yeux brillants : Chloé Dubrovsky. Je peux vous dire que la photo que j’ai vue a été ingrate avec elle. Elle est magnifique. J’en ferais bien plus que mon quatre heures.

— Alors si vous savez m’aider à emporter ces deux cartons, vous serez tout gentil.

Une crampe me vrille le ventre et je dois prendre appui sur le mur. Une lueur d’inquiétude passe dans les yeux de la rousse qui depuis que je suis rentrée ne m’a pas quittée du regard. Sam la coupe dans son geste pour venir vers moi.

— Vos papiers et vous allez m’expliquer tout cela maintenant.

Je m’éclipse laissant mon collègue gérer cela. Il a l’air dans ses bons jours… Moi, je suis dans mes mauvais. En me tenant le ventre, je me traîne dans les toilettes que j’ai aperçues en arrivant. Ma ceinture et son barda dans un évier, je me sens tout de suite plus légère. Je m’écroule lamentablement sur une cuvette pour essayer de récupérer un peu de forces. Je ferme les yeux en me concentrant sur mon souffle.

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Allant un peu mieux, je me relève et m’effraye en me voyant dans le miroir. Une morte-vivante a plus de couleurs que moi !

Une douce chaleur me réchauffe le ventre.

— Oh non, pas cela… dis-je en défaisant ma ceinture d’une main. L’autre étant trop occupée à me maintenir accrochée à la faïence de l’évier.

Mon pantalon tire-bouchonne sur mes chevilles.

— Oh non, entendis-je en écho.

Chloé vient de rentrer dans les toilettes.

— On vous a pas appris à frapper avant de rentrer quelque part, articule-je péniblement.

— Cela fait plus d’une heure qu’on vous cherche. Laissez-moi vous aider ? Vous pissez le sang.

Trop faible pour répondre, je m’accroche à la vasque. Je sens ses douces mains me soutenir aux hanches ? Je suis si épuisée que le mot pudeur et honte ne font plus partie de mon vocabulaire.

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