29. Fuir

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Le jeu c'était une chose.
J'ai vendu mon corps à un inconnu, je me sens sale et humiliée. Je veux me soûler, oublier cette histoire et ce connard de Jean. Rentrer chez moi.
Je quitte cet immeuble presque en courant, je ne veux pas qu'il puisse me suivre et presse le pas pour ne pas être rattrapée. Il fait déjà nuit, les yeux baignés de larmes et le menton tremblant de sanglots, je tourne et retourne aux différents angles de rue pour être sûre de ne pas être dans le champ de vision de ce prédateur, pour le semer à coups sûrs.
Une fois assise dans ma voiture, je m'enferme, j'hurle en martelant de coups de poings le volant de ma pauvre fiesta qui n'avait rien demandé à personne.
Par chance, personne n'a remarqué cette folle que j'étais devenue.
Au bout de quelques instants, la rage s'était commuée en énorme tristesse et un gros sentiment de honte commençait à m'envahir.

Honte de m'être laissée embarquée là dedans, piégée comme un papillon dans une toile d'araignée.

Une fois un peu calmée, je me regarde dans le rétroviseur, forcément les yeux tous gonflés et le maquillage tout coulé sur mes joues encore humides de larmes.
Je m'essuie le visage avec un mouchoir en papier.
Je démarre et roule en direction de la maison.

Je me demande quelle heure peut-il bien être.
Arrêtée à un feu, je regarde ma montre sans bracelet qui ne quitte pas mon sac à mains. Déjà 20h30.
Le feu passe au vert, j'accélère... et puis merde ! Prochaine intersection, je fais demi-tour et roule en direction des quais. Ce soir, je vais me soûler pour oublier tout ça. Au bout de quelques minutes, j'arrive déjà sur les lieux et je trouve rapidement une place. Je me regarde dans le rétroviseur, ça va, tout à l'heure, avec mon mouchoir trempé par le flot de mes larmes, je me suis, malgré moi, démaquillée.
Je prends ma petite palette et son miroir et je me remaquille. Un coup de crayon sur les yeux et du rouge à lèvres et le tour est joué, ou presque. En effet, le crayon posé sur les conséquences de tous ces pleurs donnent un air particulier. Je marche un peu et trouve un petit snack, et je dois me forcer pour avaler ce sandwich américain, histoire de ne pas être le ventre vide de nourriture consistante.
Assise dans le petit établissement, je regarde les gens passer devant la vitrine, je me laisse doucement hypnotiser par ce flot de badauds et ma tête se vide petit à petit de ces images négatives qui me venaient jusqu'alors.
Ensuite, je prends mon courage à deux mains et me lève pour sortir dans la nuit lyonnaise afin de rejoindre ce pub où j'ai mes marques et dans lequel je me sens en sécurité.

Lorsque je suis rentrée dans l'établissement, l'ambiance battait son plein.
Je tombe rapidement sur Marion qui me saute au cou.
- Ah ! Tu es venue c'est cooool ! Elle me regarde plus attentivement puis, ça va ?
- Oui, ça va, juste une journée un peu compliquée.
Le bar était bondé. Nous retrouvons notre serveur préféré, gay notoire, à qui nous faisons la bise.
Amélie est là aussi, en me voyant, elle vient carrément me taper un smack. Je suis surprise, mais je ne sais pourquoi, ce bisou du bout des lèvres me fait du bien.
Nous commandons rapidement à boire, et très vite je me lâche et suis déterminée à oublier mes soucis, quitte à les noyer dans le whisky.
Je force le trait, et ça me fait du bien, de jouer la fêtarde decomplexée. Alors je danse, rit et trinque beaucoup.
Petit à petit, je me rapproche de mon but. Dans un état d'ébriété relativement avancé, mon cerveau est en train d'effacer les mauvaises idées.
Au bout de quelques temps, n'y tenant plus, je file aux wc. Je croise un ou deux mecs qui tentent leur chance. Ils ont raison, qui ne tente rien... cependant, malgré le petit plaisir ressenti par leur sollicitation, et de sentir ces effleurements, je les éconduits un poil fermement mais avec le sourire, et ça, ça me fait vraiment du bien.
Enfermée dans les toilettes, je souffle un peu, la musique étouffée par la cloison me rappelle combien elle doit être forte dans la salle. Le calme apparent, me fait du bien. Après avoir fait ce que j'avais à faire, j'en profite pour me rafraîchir. La sueur naissante entre mes seins dans ce décolleté offert par ma veste donne un côté sexy qui regonfle ma fierté.
Ainsi parée à retourner dans l'arène, j'ouvre la porte et une vague de chaleur poussée par le volume de la musique me submerge. Je franchis le seuil et avance dans la semi pénombre de la salle du bar. Je me faufile tant bien que mal entre tous ces corps festifs.
C'est alors qu'au détour d'un couple enlacé qui danse devant moi, je l'aperçois.


De profil, je l'ai reconnue de suite, toujours le même look, elle rigole, un verre à la main.
Je suis irrémédiablement attirée vers elle. Je m'avance, elle me voit.
Elle fait comme un stop image, et reste plantée dans mes yeux.
Je la trouve divinement belle. Elle me sourit, je lui souris.
Je m'approche, nous restons face à face, les yeux dans les yeux.
- Tu es très belle, Carole.
- Et toi, tu l'es toujours autant, Audrey.
Elle tend sa main vers ma joue qu'elle caresse tendrement.
Je ferme les yeux et profite de cet instant tendresse, je voudrais que tout s'arrête.
Les spots de couleurs qui passent en clignotant, les stroboscopes caressant sa blondeur naturelle ne font que la mettre un peu plus en valeur.
Soudain, on me saisit par le bras et on m'entraîne dans la masse humaine. Je suis aspirée à travers tous ces gens et elle disparaît de ma vue au milieu de la foule. Je tourne pour trouver qui est responsable de cela. C'est Sophie qui, n'ayant rien vu de ce qui se passait, m'avait littéralement embarquée. J'étais un peu déçue mais cette parenthèse enchantée m'avait retiré un poids du cœur et des épaules.
C'est ainsi que j'ai replongé au plus profond de cette mêlée.
C'est agréable que de verser dans l'ivresse d'une soirée comme celle-ci où l'on s'abandonne, où l'on oublie problèmes et soucis et ce jusqu'au bout de la nuit.
Alors que j'étais en train de danser, et en train de parler au creux de l'oreille de Sophie, j'ai jeté un coup d'oeil plus loin derrière elle. Audrey était là, à quelques mètres de nous, elle dansait également, son verre à la main. Elle tourna la tête vers moi. Nous echangeâmes un doux et long regard.
Il était temps pour nous de nous retrouver seules dans le no man's land situé entre nos groupes d'amis. Chacune fit la moitié du chemin. Nous nous sommes retrouvées les yeux dans les yeux à danser l'une en face de l'autre. Seules aux mondes. Le pluriel est de mise.
Nous ne nous sommes pas dit grand chose verbalement, nos regards et nos sourires en dirent beaucoup plus long.
La soirée prit une autre tournure, plus douce, moins... alcoolisée.
Au milieu de tout ce tumulte musical et toujours sans un mot, nous nous sommes données la main. Elle a posé son verre, nous avons marché ensemble vers la sortie. Je crois avoir senti battre son cœur dans le creux de ma main.
Toutes en discrétion nous avons traversé la foule, pour retrouver la fraîcheur nocturne.
Au sortir de l'établissement, nous avons accéléré. Dehors, nous nous engagées dans la petite ruelle. Elle s'est tournée, et je suis venue directement l'embrasser sous le regard amusé du videur qui était quelques mètres derrière nous.
Comme si c'était une bouée de sauvetage je m'accroche à elle,
Ça tombe bien, elle se laisse faire et rentre dans la danse avec moi, ce ballet de sensualité qui suspend le temps.
Au bout de quelques secondes, elle me repousse doucement, peut-être pour respirer, elle me regarde plus profondément que depuis tout à l'heure.
Elle me dit juste :
- Viens
Nous avons ainsi traversé le quartier et rejoint son bâtiment, en évitant les groupes de mecs alcoolisés qui tentent leur chance auprès de toutes les nanas esseulées, ou non.
Elle a dû comprendre le besoin, limite l'urgence de mon baiser, car nous gravissons quatre à quatre les marches de son immeuble.
Une fois la porte fermée, effectivement, c'est à elle de m'embrasser à nouveau, ses baisers passionnés me transportent, elle me pousse ainsi jusqu'à la pièce de vie.
Nous sommes encore debout, je suis plaquée contre la petite banque qui fait de sa kitchenette une cuisine américaine. Elle me regarde :
- Tu es super classe comme ça, tu es trop belle !
Elle apprécie ma tenue mais ne perd pas de temps pour me déboutonner la veste, qu'elle fait glisser sur mes épaules nues.
Elle m'enlace, m'embrasse et déboutonne mon soutien-gorge.
Elle s'arrête net.
- Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
- Quoi ?
- Tu te fiches de moi ? Tu es pleine de bleus ! Même sur la poitrine ! Tu t'es faite agressée ?
Baissant le nez un peu gênée, effectivement, j'avais oublié le fameux petit détail : "Carole tu marques trop".
- Non non.
- C'est ton copain qui te maltraite ?

J'essaie de me faire rassurante :
- Mais non, ne t'inquiète pas... je ne veux pas que tu te prennes la tête !
Et je vais pour l'embrasser. Elle ne me rend qu'un baiser furtif, puis me serre dans ses bras et me glisse à l'oreille :
- je vais m'occuper de toi, elle s'écarte de moi me prend la main, viens.
Je la suis, seins nus pantalon et escarpins, jusqu'à la salle de bain.
Elle se rapproche de moi, se met dans mon dos, et défait mon pantalon. Elle le fait glisser sur mes fesses, en s'accroupissant, elle fait glisser ses lèvres douces sur ma colonne.
J'en profite pour me déchausser, j'entends sa réaction en découvrant, je le sais, les rougeurs que j'arbore sur les cuisses et les fesses..
Elle est câline, douce, une fois ma culotte enlevée elle entreprend de se déshabiller à son tour.
Nous rentrons dans la cabine de douche.. et sous l'effet de l'eau chaude, je lâche prise, je veux être discrète, pleurer sous la douche dos à mon amante cela ne se verra pas. Les deux bras qui viennent m'envelopper me prouvent le contraire, je sens son front posé dans ma nuque... sans un mot. Les sanglots me donnent comme des soubresauts. Elle me fait signe de me retourner, ce que je fais, j'ai rarement autant vu de bienveillance dans un regard que celle que je vois dans ses yeux bleu-azur. Elle m'embrasse doucement.
Une fois lavées et séchées, Audrey me prend la main et m'entraîne nue jusqu'à la mezzanine.
- Vas-y allonge toi sur le lit, je reviens.

Je m'installe donc sur son lit, jambes serrées et un bras sur la poitrine. Je ne sais ce qui m'attend et mon regard se perd sur les lignes de poutres de bois qui me surplombent.
Audrey revient, elle est toujours nue elle aussi, sa blondeur et sa blancheur me fascinent toujours autant.
Elle s'assoit à côté de moi, un tube de crème à la main avec lequel elle pose sur ma peau des noisettes froides. Elle étale tout ce produit sur mes rougeurs.
Tu verras ça va te faire du bien. Tourne toi .
Elle fait de même sur mes fesses.
Elle me masse délicatement et ce n'est pas que de la crème qui pénètre mon derme c'est aussi, je pense, un peu d'amour.
Et voilà !
Je me tourne en lui disant merci.
J'essaie de lire dans son regard si elle me trouve encore peut-être un peu désirable.
Elle passe sa main sur ma joue. Je la saisis doucement en la regardant fixement. Je la fais descendre sur mon sein en souriant.
Elle doit comprendre le message car elle entreprend de le caresser en se penchant vers mon visage.
Elle m'embrasse et je sens son corps chaud se coller à moi.

Je ne la remercierai jamais assez de cette nuit d'amour qui m'a fait tant de bien à l'âme. Je ne dis pas que cela m'avait guéri de tout, mais sa tendresse et ses caresses avaient ôté un poids de mes épaules.
Ainsi, l'image que le miroir me renvoya ce matin là n'était pas si horrible que ça.

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