22. Tentation

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Nous y sommes. Un jeudi en début d'après-midi, et je suis assise dans ma voiture.
Je m'apprête à partir pour un rendez-vous un peu particulier.
Un inconnu.
Il m'a déjà fait l'amour, je ne l'ai pourtant jamais vu.

Mais revenons un peu en arrière.

Cela faisait maintenant plusieurs semaines que j'avais trouvé ce mot plié dans la poche de mon manteau... que je l'avais caché en vitesse, après l'avoir lu. Oui plusieurs semaines que, rouge comme une pivoine, le cœur battant la chamade, je l'avais glissé dans mon petit agenda qui se trouvait dans mon sac à main.

J'aurais très bien pu le jeter ce bout de papier, mais.. mais, allez savoir pourquoi, je l'ai conservé... en secret..

Les semaines ont passé, sans que je n'y pense trop, je ressassais plutôt cette fameuse soirée où j'ai servi de dessert à je ne sais combien de personnes... et il faut le reconnaître, j'avais adoré cela.

Christophe m'avait expliqué comment il avait échafaudé son plan surprise, puis par bribes les différentes étapes de la préparation sans que je m'en aperçoive...
Ainsi, le temps s'écoulait tranquillement jusqu'à ce stage professionnel de 3 semaines que Christophe avait à réaliser. L'entreprise qui l'accueillait était située non loin de la frontière suisse. Il allait donc être logé sur place.
Si c'est possible, il redescendra le week-end, à moins qu'il n'en profite pour commencer à rédiger son rapport.
Je m'étais dit que cette petite parenthèse ne ferait pas de mal, je pourrais avancer dans mes révisions sans m'énerver sur mon homme qui a tant de mal à s'y mettre.
Et puis faire tous mes petits trucs de femme que notre vie commune m'empêchait de faire.
Arriva, le jour du départ, un dimanche. Il devra prendre la route en début d'après-midi.
Après des au revoir plus poignants que je ne le pensais, je me retrouve seule dans l'appartement, avec le petit pincement au coeur de le voir partir...
J'ai ainsi, passé ce dimanche après-midi à traîner en jogging et gros pull. Vers 16h, je bois mon café en regardant le paysage lointain de la capitale des Gaules, en laissant mon esprit divaguer.

On se dit toujours que lorsque l'on sera seule, on aura le temps de faire ci ou ça.. mais en ce dimanche, jour de son départ, je n'ai rien fait de spécial, à part buller et errer dans l'appartement... la semaine de cours s'annonçait plutôt light, alors je pouvais me le permettre.

Dans l'après-midi, je reçois un coup de téléphone de mon chéri pour me dire qu'il est bien arrivé, il a fait bonne route. Bien sûr on s'échange quelques mots d'amour.
On dit qu'on s'appelle dans la semaine quand on pourra, on le sait avec nos plannings ce ne sera pas évident.

Le début de semaine est vide sans lui...heureusement, le mardi soir, je suis invitée chez un couple d'amis. La soirée se passe plutôt bien, on rigole un peu et la conversation revient inévitablement sur nos études.
Je ne veux pas rentrer trop tard alors je les quitte peu de temps après le café.
Au moment de démarrer la voiture, je décide de fumer une cigarette.
Je pars à la recherche de mon briquet au fond de mon sac.
Vous l'avez deviné, travers typiquement féminin (oui oui ne dites pas le contraire messieurs, vous l'avez pensé si fort !), c'est le bazar.
Alors je commence à vider les choses une à une pour les déposer sur le fauteuil passager.
Paquet de mouchoirs, deo, mon agenda.
Ah ! Mon briquet. Je remets les affaires dans mon sac et quand j'attrape l'agenda, un papier en tombe...

LE papier que l'on a glissé dans ma poche le soir de la blind date.

Lentement, je le ramasse.

J'ai le cœur qui se met à taper fort... je me sens toute bizarre...
J'allume ma cigarette, je ne bouge plus, comme tétanisée.
Au bout d'un petit moment, je me ressaisis en soufflant un bon coup puis je glisse le papier dans ma poche...
Tout le trajet du retour de chez Magalie, j'ai la tête dans les draps de St Genis Laval.
Je me sens toute chose, avec des papillons dans le ventre.
Je n'ai pas vu le trajet passer, et je suis étonnée d'être déjà au bas de chez nous.

Je monte.
Dans l'entrée, je me déchausse, vide mes poches et range ma veste.
Je vais me démaquiller puis prendre une douche bien chaude histoire de me délasser.
Je sors en peignoir de la salle de bain, et je me pose sur le canapé. Machinalement, j'allume la télé.
Le bout de papier revient de façon incessante dans mes pensées et commence sérieusement à m'obnubiler.. je me lève alors et prends le papier gisant là...
Je le relis :

"Mademoiselle,
Merci pour cette belle soirée,
Avec l'espoir de vous revoir... en toute discrétion.
04 72 .. .. ..
Jean "

Ça fait maintenant plusieurs semaines...oh ben ... il a peut-être oublié.
Et si je...

- Si tu, quoi ? Mais tu es folle ma fille ! Tu ne vas pas faire ça !

- Oh allez, quoi ?! Si on se voit juste pour boire un coup, juste histoire de voir à quoi ressemblait un de mes amants de ce soir là. Juste ça..ou peut-être...

- Tu es folle... Et Christophe ?

- Il n'est pas là et puis il serait fier de moi...

Je respire profondément, et puis... et pis mince ! Pourquoi pas...
Je décroche le combiné et compose doucement, le numéro.
Ça sonne. J'ai le corps tout chaud..
Un voix d'homme répond :

- Allo ?

Je suis tétanisée...

- Euh allô... Jean ?

- Oui ? Qui est à l'appareil ?

- Euh c'est ... c'est... euh, je ne sais pas si vous vous souvenez, je suis la personne, qui euh vous avez glissé un mot dans la poche de mon ..

Il me coupe : - Oui je me souviens très bien... Ainsi, vous me rappelez.

- Euh et bien, oui.

- Et..Vous acceptez que l'on puisse se revoir ?

- Oui.. Pourquoi pas...

- Vous voulez qu'on se voit cette semaine ? C'est possible pour vous ?

- Oui, oui.

- Un soir, un après-midi qu'est-ce qui vous convient ?

- Un après-midi, comme ça... on pourra peut-être boire un café ensemble.

- Très bien. Alors, vas pour un après-midi... hum jeudi ça vous va ? 14h ?

- Jeudi 14 h...Ça me va.

- On se donne rendez-vous place des Jacobins ? Je connais un café sympathique à proximité.

- D'accord.

- A jeudi alors.

- A jeudi.

Je raccroche fébrile.
J'ai accepté.
C'est fait J'ai rendez-vous avec un inconnu.
J'ai le corps en feu. J'ai le ventre en ébullition. Je marche lentement vers le canapé sur lequel je me laisse tomber.
Qu'est-ce que je viens de faire ? QU'EST-CE QUE JE VIENS DE FAIRE ???
J'ai la tête qui tourne.
Ces pensées inquiètes et ce jugement que j'ai de moi sont inlassablement balayés par des sensations, des souvenirs corporels.
Je sens à nouveau, ces doigts sur mon corps, cette petite morsure à la cheville, ces projections séminales sur ma peau.
Mes mains glissent sur mon corps, écartent mon peignoir. Ma main droite est déjà sur mon ventre. Sans y penser, je ferme les yeux, je suis de nouveau la femme offerte...
Cette excitation si... brutale m'entraine dans une masturbation intense que j'ai du mal à réprimer et contrôler. Ma main gauche malaxe carrément mon sein gauche et triture le téton, la droite s'acharne sur mon petit bouton.
Mes mains se rejoignent. Mon corps est trempé à cet endroit là, les doigts de ma main gauche glissent entre mes lèvres, rentrent si facilement, j'en viens même à me caresser le petit coquelicot... je ressens un violent plaisir...
Pensées maudites, désirs interdits... un orgasme puissant me parcourt le corps... je me relâche complètement et reste affalée comme cela, sur mon canapé, les jambes écartées, les mains sur mon ventre...

Qu'était-il en train de m'arriver ? J'avais du mal à me reconnaître...

Ainsi, jeudi en début d'après-midi, je suis dans ma voiture, prête à démarrer vers l'inconnu.

Pour l'occasion je me suis habillée d'une longue robe-chaussette en laine et de bottes style cavalières mais avec un pied fin et un talon moyen.
Je ne sais pas pourquoi mais je ne veux pas passer pour la petite étudiante mal fringuée... donc j'ai soigné ma tenue.

Je roule donc en direction de Lyon.
Je me gare au parking des Celestins.
Je sors dans la rue, un peu perdue dans mes pensées, pas trop sûre de ce que je fais.
Je souffle un bon coup et j'avance.
Au bout de quelques minutes, je suis déjà sur la place.
Il fait beau mais encore un peu frais, je resserre le col de mon manteau sur moi.
Je fais un tour d'horizon, je vois des passants, des badauds, mais à priori, pas celui que je cherche.
Je regarde la montre sans bracelet que j'ai dans mon sac, 13h53. J'ai de l'avance...
Je m'avance vers la fontaine et la contemple quelques minutes. J'ai le cœur qui tape fort, et, et me demande ce que je fais là. Il est encore temps de partir, tant pis, c'était un coup de folie...
Pourtant, je reste sur place et :
- Elle est belle n'est-ce pas ?
Je me tourne vers l'homme qui venait de se placer à côté de moi sans que je m'en apercoive.
Là, un bel homme, la cinquantaine ou presque, les tempes grisonnantes, bien coiffé, très bien habillé, les mains dans les poches.
Il me sourit. Je suis figée. Nous avons une grande différence d'âge, certes mais mon corps se rappelle à moi, en me disant que cet homme là, m'a connue charnellement.
Il me tend la main.
- Jean.

En lui tendant la mienne : - Carole.
- Enchanté de faire vraiment connaissance avec vous Carole.
- Moi aussi.
Je ne savais trop quoi dire, j'étais assez troublée.
Il a un regard perçant, déstabilisant, sûr de lui.
- Vous êtes ravissante.
- Merci.
- Vous voulez prendre un café ? Il y a une adresse sympathique pas loin.
- Je vous suis.
Et nous voilà partis côte à côte, d'abord silencieusement. Puis petit à petit, une discussion banale s'installe.
Il s'est presque excusé d'avoir enfreint les règles de la blind date, en tant qu'invité, ne pas chercher à connaître ou revoir l'inconnue.
Je lui avouai que la seule règle dont j'étais au courant était celle de ne pas retirer le bandeau avant d'y être autorisée.
Quelques instants plus tard, me voilà assise dans un salon de thé assez huppé.
Il n'y a quasiment personne dans l'établissement.
À cet instant, je remercie mes parents.
En effet, je suis un peu issue du mariage du feu et de la glace.
Mon père était un artisan du bâtiment, bon vivant, enfant de la classe ouvrière des cités Berliet qui avait été apprenti dès ses 14 ans avec dans sa musette paquet de cigarette et quart de rouge . Le feu.
Ma mère était vendeuse dans un magasin de chaussures et prêt à porter (d'où mon penchant pour les chaussures !), elle avait été apprentie dans les grandes maisons du centre ville de Lyon, et était fascinée par les belles toilettes des "dames" de la rue Mercière. Elle était issue d'une famille plus empreinte de bonnes manières, un peu petite bourgeoisie avec de la classe.
J'ai grandi avec ce mélange de codes : Ouvrier/bourgeois au milieu d'une banlieue populaire. Je savais me défendre, même parfois être un vrai garçon manqué, mais je savais aussi me tenir.

Vous comprenez mieux l'espèce d'ambivalence qui me caractérise.
Mes parents ont fait de moi ce que je suis devenue : le feu et la glace.

Bref. Là, je mettais en application les bonnes manières enseignées par ma mère.
Ça me faisait tout de même bizarre d'être avec cet inconnu, en train de boire un café.
- Alors, Carole, qu'est-ce qui vous a amené dans ce type de soirée, à votre âge ?
- Et bien, comment dire.. j'ai...certains penchants et mon chéri est à l'écoute de... de mes désirs. Alors il a décidé de me faire cette surprise.
- D'accord.. et ça vous a plu ?
Je devais être toute rouge. Je savais pourtant qu'il avait été present, j'avais pourtant du mal à l'avouer au grand jour.. mais j'ai forcément dit la vérité : j'avais adoré.
- Et vous, Jean, vous faites souvent ce genre de soirée ?
- Oui, régulièrement. On est un petit groupe. On organise ce genre de parties fines de temps à autre, quand on trouve, les bonnes personnes pour y participer. Souvent rencontrées lors de nos dîners ou comme pour vous avec une annonce. Par exemple, notre hôtesse, du soir où vous êtes venue, et bien, elle a été à votre place régulièrement et accompagnée de son mari, puis, poussée par son petit côté bisexuel, elle a un peu bousculé les règles et ils se sont mis à leur tour à organiser des blind.
Je l'écoutais silencieusement, en buvant mon café.
- Et vous enfreignez souvent la règle ?
Il me sourit. Plante son regard troublant dans le mien.
- C'est très rare. Le serveur nous amène une bouteille d'eau à ce moment précis et il continue sans gêne : Mais on va dire que j'ai craqué sur les petits grains de beauté que vous avez. Notamment sur votre sein gauche et au creux de l'aine...
Je ne savais plus trop où me mettre. Le serveur m'a jeté un petit coup d'oeil très discret puis a regagné son comptoir.
Jean, lui était encore planté dans mes yeux.
Et oui ma fille, là c'est sûr, cet inconnu te connaît vraiment.. il n'a pas pu deviner pour tes grains de beauté.

- C'est pour ça que je vous ai laissé ce mot, entre autre. Il y a quelque chose de très particulier qui se dégage de vous. Je ne regrette pas. Et vu votre présence ici, - un temps- je pense que vous avez un tempérament comment dire... vous êtes joueuse.
Car, je suppose qu'IL n'est pas au courant ? Je fais non de la tête. Vous êtes donc joueuse...Et ça me plaît.
Cette discussion, avait un drôle d'effet sur moi, j'étais troublée par ses mots, fascinée par cet homme, qui vivait tout ça ouvertement.
Clairement, un grand trouble sexuel naissait en moi.
Ses yeux marrons me regardait fixement, et bien que troublée par tout cela je ne pouvais me détacher de son regard.
- Oui vous êtes joueuse, et, aujourd'hui, vous êtes là pour ça. Pour ressentir cette excitation intense de l'interdit et pour prendre beaucoup de plaisir... je me trompe ?
Il avait mis dans le mille. Je lui réponds doucement, toute rouge :
- Euh... non c'est...c'est vrai...
- Mais avant toute chose, me permettrez vous de vous faire un petit cadeau ?
- Et bien, euh, oui mais comment ça un cadeau, je ne suis pas là pour...
- Je sais je sais, mais, j'ai un penchant pour la lingerie fine et j'aimerais vous en offrir.
Il était cash lui au moins. J'étais troublée mais aussi un peu gênée, un homme d'un certain âge qui fait certains cadeaux à une jeune femme... ça commence à porter un nom...
Mais..

- Ne dites pas non, vous êtes étudiante ? Je suppose que vous ne roulez pas sur l'or... laissez moi vous aider en nous faisant un petit plaisir...

Que dire de plus... je devais refuser. Il fallait que je refuse.

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