Le couvent

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Pendant les quelques secondes de marche jusqu'à la voiture, je remarque que certains clients de la station-service nous observent. Certains semblent simplement surpris, étonnés, intrigués, confus, tandis que d'autres discutent en souriant avec enthousiasme. Comme quelques uns sont français, je parviens à comprendre quelques paroles :

- Ça alors ! Supers, leurs gadgets !

- Tu penses que c'est pour un film ou pour une série ?

- Je n'en sais rien, mais ça me semble un peu étrange : je ne vois ni éclairages, ni micros, ni caméras. . .

- Peut-être qu'ils se contentent de l'éclairage déjà présent pour un souci de réalisme et les micros et les caméras ne doivent pas êtres loins. Ne pas les voir ne signifie pas qu'elles ne sont pas là.

- Oui, ajoute un autre, ils ont peut-être même des petits micros accrochés dans leurs vêtements.

- Ce sont certainement des amateurs qui vont publier leur contenu sur Internet.

- Ils sont drôlement talentueux pour des amateurs et ces gadgets sophistiqués ne collent pas avec cette supposition. . . dit une sceptique.

- Qu'est-ce que tu penses que c'est, alors ?

- Je n'en sais rien. . .

C'est à ce moment que je ferme la portière, mettant fin à mon écoute. Noëmie enclanche le frein à main et démarre lentement, pendant que Gwenn, assise à côté d'elle, constate avec contrariété :

- Nous qui voulions rester discrets. . .

- Ne t'en fais pas, la rassuré-je. Ils sont loins de se douter de la vérité. . .

- Peu importe ce qu'ils croient, je pensais t'avoir précisé que la discrétion est importante dans notre armée.

- Comme si c'était de ma faute, répliqué-je en fronçant les sourcils.

- Notre ennemi a profité du fait que tu te sois éloignée de nous pour passer à l'attaque. Ne recommence donc plus jamais. Est-ce bien clair ?

Je garde le silence, vexée de me faire gronder comme une enfant par une personne récemment rencontrée. La capitaine plonge son regard marron dans le mien à travers le rétroviseur et repose sa question :

- Est-ce bien clair ?

- Oui, j'ai compris ! m'énervé-je.

Satisfaite de ma réponse, elle reporte son attention sur la route, pendant que je croise les bras en soufflant d'exaspération.

Sans doute désireuse de changer de sujet pour apaiser la tension, notre conductrice nous informe :

- Nous arriverons à Rome à l'aube si tout se passe bien.

- Continuer à rouler de nuit n'est pas prudent, surtout maintenant que l'ennemi connaît notre position, intervient le jeune homme. Je propose qu'on s'arrête dans l'édifice catholique le plus proche, capitaine.

- Sage décision, approuve-t-elle. Faisons ainsi. Nous reprendrons la route au petit matin et arriverons à la capitale italienne dans la journée de demain.

- À cette heure-ci, tout doit être fermé, rétorqué-je. Même si nous trouvons un édifice religieux quelconque, comment allons-nous entrer ?

- Ils ferment, mais ne sont jamais vides, m'explique la brune. Nous trouverons forcément quelqu'un pour nous ouvrir.

- Nous ne sommes pas loins d'un couvent, annonce Enzo suite à une rapide recherche sur son téléphone. C'est un établissement pour femmes, mais ils ont un bâtiment réservé aux voyageurs. Je pourrai donc passer la nuit là-bas avec vous.

- Parfait, commente Gwenn. Allons là-bas.

Quelques minutes plus tard, nous nous garons devant un grand domaine entouré de murs. Nous descendons du véhicule et je constate que l'endroit est plutôt isolé : aucune autre construction n'est en vue.

En remarquant que j'observe les alentours à la recherche d'un signe de civilisation autre que ce couvent, l'homme de notre groupe me rassure :

- Il y a un village non loin de là, à quelques minutes en voiture. Elles peuvent ainsi se réapprovisonner.

J'acquiesce et la capitaine toque à l'imposante double-porte en bois. Il ne faut attendre que quelques secondes pour qu'un espace rectangulaire apparaisse sur l'un des battants, laissant entrevoir le visage d'une femme, qui nous demande :

- Bonsoir. Que puis-je pour vous ?

- Nous vous prions de nous excuser pour l'heure tardive de notre visite imprévue, commence Gwenn, mais nous sommes des membres de l'ASC qui avons besoin d'un refuge pour la nuit. Nous vous promettons de repartir à l'aube.

- Vous dîtes être des membres de l'ASC ? Où sont vos papiers ?

- Voilà, dit-elle en sortant de l'une de ses poches un livret semblable à un passeport.

La femme l'examine, puis ouvre la porte en nous accueillant avec un chaleureux sourire :

- Bienvenue aux soldats de Dieu.

Nous entrons tous dans un grand jardin, éclairé par des lampadaires électriques. Il contient notamment un potager et un verger, en plus des parterres de fleurs encadrés de bancs. Elle nous conduit tout de suite à un bâtiment situé à l'écart des autres, dans lequel nous pénétrons à sa suite. Nous montons un escalier pour atteindre le premier étage. Elle nous ouvre une porte en nous expliquant :

- Voici votre chambre. Dois-je vous apporter une collation ?

- Ça ira, la rassure la capitaine. Nous avons récemment mangé. Nous nous restaurerons dans quelques heures, avant notre départ.

- Comme il vous plaira, accepte-t-elle. Je vous souhaite une agréable nuit. Que le Seigneur veille sur votre sommeil. . .

Enzo la retient :

- Un instant, je vous prie ! N'est-il pas possible d'avoir une autre chambre ? Notre religion nous invite à éviter de dormir dans la même pièce qu'une personne du genre opposé. Je ne le fais que lorsqu'aucun notre choix ne s'offre à moi.

- Je comprends, mais malheureusement, toutes les autres chambres sont occupées. Je suis sûre que le Seigneur ne vous en tiendra pas rigueur tant que vous faîtes lit à part. . .

Sur ces mots, elle referme la porte et je peux entendre ses pas pendant qu'elle s'éloigne.

- C'est curieux, remarque Noëmie. Cet endroit est si isolé. . . Je suis étonnée qu'il accueille autant de voyageurs.

- Peut-être accueillie-t-il aussi des sans-abris, relativise sa supérieure. Nous avons en tout cas suffisamment de lits pour avoir chacun le sien. Ce n'est donc pas un souci.

Elle ôte sa veste et ses bottes pour s'agenouiller devant un crucifix accroché au mur, imitée par ses subordonnés. Ils prient en commun, puis se glissent sous les draps. Je me mets aussi au lit et ferme les yeux, mais quelques minutes plus tard, une envie pressante me les fait rouvrir. Je me redresse pour regarder autour de moi : leurs respirations calmes indiquent qu'ils dorment tous paisiblement. Je descends du lit et ouvre tout doucement la porte de la chambre. Je marche ensuite dans le couloir à pas de loup, à la recherche des toilettes. Aucune inscription n'indiquant la fonction des différentes pièces environnantes, je décide de les ouvrir une à une jusqu'à trouver celle que je cherche. Je m'approche donc de l'une des portes et l'ouvre lentement pour faire le moins de bruit possible. La chambre n'est éclairée que par le clair de lune passant à travers la fenêtre, mais ça me suffit pour voir le corps gisant au sol dans une mare de sang. . .

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