Une mise en scène macabre et sanglante

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Je fixe le corps allongé sur le sol en pierre. Le sang continue de s'étendre, indiquant que la reigieuse a été tuée récemment. Je sais qu'elle fait partie des habitantes du couvent car elle porte le même habit noir et blanc que la femme qui nous a accueillis.

Elle gît sur le côté, me tournant le dos, comme maman le soir où. . . Je sens mon coeur se serrer et les larmes monter. Elles commencent à couler abondamment sur mes joues, pendant que ma respiration se saccade. Mon corps tout entier est pris de tremblements. Ma main est crispée sur la poignée de la porte.

Le regard flamboyant de l'assassin me revient en tête. Je serre les dents si fort qu'elles grincent. Je le tuerai ! Oui. . . Je le tuerai ! Mais pour ça, il faut d'abord que je me tire d'ici vivante !

Remotivée par cette volonté de vengeance, je tourne les talons et retourne en courant dans notre chambre. Je referme la porte en la poussant avec mon dos et me dirige vers le lit de la capitaine de l'ASC. Je n'apprécie certes pas son attitude quelque peu hautaine à mon égard, mais nous avons besoin de son sang-froid.

Je la secoue énergiquement en lui ordonnant :

- Réveille-toi ! Réveille-toi, capitaine !

Son premier réflexe est d'agripper brutalement mon poignet et de me plaquer face contre le matelas. Elle me relâche cependant aussitôt qu'elle me reconnaît en s'excusant :

- Pardon. C'est un réflexe. Ne me réveille plus aussi brutalement à l'avenir, d'accord ?

- Je n'ai pas le temps pour la délicatesse, répliqué-je en me relevant. Il. . .

L'image du corps de la nonne me rappelant automatiquement celui de maman, je m'interrompts pour déglutir, puis reprends :

- Une femme a été tuée dans la chambre d'à côté.

Les yeux marrons de mon interlocutrice s'écarquillent, puis elle fronce les sourcils en déclarant :

- Nous ne sommes pas autant en sécurité que nous le pensions, ici, mais ça ne peut pas être l'oeuvre de démons : ils ne peuvent pas entrer dans les lieux sacrés tant qu'ils ne sont pas abandonnés ou cessent tout simplement d'être bénis.

- Si ce n'est qu'un simple être humain, nous n'avons plus de soucis à nous faire, soupiré-je.

- Je crains que ce ne soit un peu plus complexe. . .

Elle quitte ensuite le lit pour aller réveiller ses subordonnés et les mettre au courant de ma découverte. Ils semblent tout aussi choqués d'apprendre ce qui se trouve dans la chambre d'à côté, mais comme leur cheffe, ils ne se laissent pas aller à la panique.

- Allons voir ce qui se passe dans ce couvent, décide-t-elle. Tu viens avec nous, Jessica. Tu seras toujours plus en sécurité à nos côtés que seule.

Je les suis de bon gré : je veux aussi savoir quel sombre secret cache cet endroit.

Nous commençons par la chambre dans laquelle j'ai découvert le corps pour qu'ils puissent constater et examiner par eux-mêmes la situation, puis nous ouvrons toutes les portes de l'étage : à notre grande surprise, dans chacune d'entre elles gisent les corps de religieuses, parfois ceux de visiteurs. Le sang recouvre le sol, les meubles, les murs. . . Certaines tâches atteignent même le plafond ! Je n'avais jamais vu un spectacle aussi macabre et sanglant. . . Je suis à la fois choquée, horrifiée, même, sentant de temps à autre un long frisson parcourir ma colonne vértébrale, mais aussi. . . émerveillée. Ces deux sentiments contradictoires me plongent dans une grande confusion. Ce drôle de mélange me fait penser à celui que l'on ressent quand on regarde un film d'horreur : un mélange de peur et de plaisir, de dégoût et de délectation. . . mais en plus intense.

Une fois arrivés au bout du couloir, nous nous immobilisons. La capitaine déclare alors :

- Il faut retrouver la religieuse qui nous a accueillis. . . si elle est bien religieuse. . .

- Elle ne l'est certainement pas ! rétorque Noëmie. Comment une femme abandonnant tous les plaisirs de la vie pour se consacrer uniquement à Dieu pourrait se rendre coupable d'un tel crime ? Pour moi, c'est une imposteuse.

- Nous serons vite fixés, dit-elle en faisant demi-tour pour se diriger vers l'escalier.

Pendant que nous marchons à sa suite, je demande :

- N'est-il pas possible qu'elle soit innocente et qu'elle ne soit pas au courant de ce que cachent les autres chambres, pensant simplement que ses invités dorment ?

- Elle nous a bien dit que toutes les chambres étaient occupés par des personnes extérieures au couvent, réplique Enzo. Or, certaines ne contenaient que des religieuses. Elles devaient donc être vides, initialement. Si elle était vraiment innocente, elle m'aurait ouvert une autre chambre et nous aurions découvert ensemble le carnage.

- Et puis, elle ne semblait pas inquiète par la disparition d'un bon nombre de ses consoeurs. . . ajoute Gwenn.

Sur ces mots, nous arrivons dans le jardin, désormais plongé dans la pénombre. Nous traversons les allées, jusqu'à passer devant la chapelle, d'où des chuchotements résonnants nous parviennent. Nous nous figeons pour tendre l'oreille. Les mots me sont personnellement inconnus, comme s'ils étaient dans une autre langue, mais mes compagnons froncent les sourcils et se signent en murmurant :

- Que le Seigneur nous garde et nous soutienne.

Ils approchent ensuite de l'entrée de la chapelle et la capitaine place un bras protecteur devant moi en poussant la porte déjà entrouverte. Nous faisons quelques pas dans la salle, puis nous arrêtons pour observer les lieux.

Sur les bancs sont assises des nonnes, leurs voiles recouvrant leurs visages. La brune s'approche de l'une d'entre elles pour soulever le tissu noir, révélant une expression de terreur figée et des yeux vitreux. Elle rabaisse doucement le voile en murmurant :

- Dieu ait leur âme. . . Ces femmes sont toutes mortes.

Nous continuons d'avancer en direction de l'autel. Sur ce dernier repose la tête d'un homme, entourée de sang. Je devine aux vêtements du corps gisant sur le sol qu'il était prêtre.

En bas de l'autel, une religieuse est agenouillée au centre d'un cercle de bougies. C'est d'elle que proviennent les chuchotements. Les trois soldats dégainent épées et armes à feux. Au son métallique des lames frottant leurs fourreaux, la nonne s'interrompt et tourne lentement la tête dans notre direction en nous demandant avec un large sourire glauque :

- Alors ? Que pensez-vous de ma mise en scène ?

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