La fin des illusions - partie trois ou l'Antéchrist

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Je ne peux retenir un hoquet de surprise.

- Lucifer ? L'ange déchu devenu le Diable en personne ?

- Je n'ai jamais été un ange, réplique-t-il. J'en avais simplement le rang. Les anges sont incapables de désobéir à Dieu. Ils ont été créés pour le servir éternellement. En revanche, nous, démons et et humains, avons le choix.

- Plus tu parles et plus tu t'enfonces. Comment pourrai-je faire confiance au Diable en personne ?

- Ha ha ha ! Si tu n'étais pas ma fille, tu n'aurais en effet aucune raison de me faire confiance, mais tu l'es. Tu es bien la seule à qui je ne mentirai pas, Jessica.

- Si tu es vraiment mon géniteur et que tu tiens à moi autant que tu veux me le faire croire, pourquoi n'as-tu jamais été là pour moi jusqu'à maintenant ? Pourquoi nous as-tu laissées seules, maman et moi ?

Mes mains tremblent, mais je ne lâche pas le regard du démon. Il se frotte le menton en contemplant la peinture du plafond, puis répond :

- Si je me souviens bien, elle t'expliquait que je ne pouvais être avec vous parce que mon travail me retenait, ce qui n'est pas faux. J'étais occupé à multiplier les pactes avec les humains, notamment avec cette femme que tu as rencontrée et tuée au couvent, mais ce n'est pas la seule raison. Je souhaitais te faire grandir à mes côtés. Hélas, les membres des différentes armées saintes étaient déjà au courant de ta naissance. Nous avons réchappé de peu à leurs attaques. Je me suis alors dit que loin de moi, vous seriez en sécurité, jusqu'à ce que soit venu le moment pour toi d'accomplir ton destin.

- Quel destin et pourquoi fallait-il attendre jusqu'à maintenant ?

- Je pense que tu précipites un peu les choses. Commençons par répondre à toutes les questions concernant le passé et le présent avant de nous concentrer sur les questions concernant l'avenir, d'accord ?

- Tu dis donc que je suis le fruit de ton union avec une humaine. Et bien, commençons par cela : maman savait-elle que tu étais un démon ?

- Bien sûr que oui. Elle était au courant de tout et attendait avec impatience le jour où tu commencerais enfin à accomplir ton destin. . . Quel dommage qu'elle ne puisse pas assister à cela, elle qui en rêvait depuis tant d'années. . .

- Quel était son rêve ?

- Elle ne rêvait que d'une seule chose : la perte de l'Humanité, même si elle devait pour cela se perdre avec elle.

- Comment ? ! C'est impossible ! Elle est humaine ! Comment peut-elle souhaiter la perte de sa propre race ?

- Ne détestes-tu pas toi-même des êtres humains ? Avoue que tu leur souhaites tout le mal du monde et que tu ne rêves que de te venger d'eux, me murmure-t-il à l'oreille.

Je sens à nouveau mon corps trembler, mais je ne peux pas le nier. Ma haine et ma rancoeur son telles que je leur souhaite de souffrir éternellement !

- C'est bien ce qui me semblait aussi, dit-il en s'écartant, révélant ainsi un sourire satisfait. Cette haine et ce désir de vengeance que tu as en toi, elle les éprouvait envers toute l'Humanité. Voilà pourquoi elle n'a pas eu peur de moi. J'étais le seul à pouvoir lui apporter ce qu'elle désirait. Elle m'a aussitôt accordé sa confiance, son amour et son avenir. En résumé, elle s'est abandonnée corps et âme à moi. J'ai commencé par faire d'elle mon assistante personnelle. Elle devait m'aider à réaliser autant de pactes que possible et elle était douée en affaires. Il faut aussi dire que les êtres humains sont pour la plupart mauvais dans ce domaine : ils demandent toujours plus que ce que leur âme vaut réellement. Ils finissent irrémédiablement par s'endetter et ils en subissent les conséquences. . . Ha ha ha !

Je comprends mieux les paroles de la fausse religieuse, maintenant. C'est ce genre de pactes qu'elle a réalisé avec Lucifer. . . Visiblement, en plus de son âme, il lui a demandé qu'elle m'apporte à lui en échange des pouvoirs avec lesquels elle nous a affrontés. En parlant de ça. . .

- Tu disais ne pas me vouloir de mal, mais tes serviteurs étaient prêts à me tuer pour s'emparer de moi, puisqu'ils ne lésinaient pas sur les attaques enflammées. J'aurais pu en mourir !

- Ne t'en fais pas. Ce n'est pas un simple feu qui aurait raison de toi. En fait, tu es même la créature la plus résistante qui puisse exister sur Terre. . .

- Comment ça ? demandé-je, étonnée.

- Ne t'es-tu jamais demandée comment se fait-il que tu ais survécu à un "accident" de la route qui a tué ta mère ou comment ton corps était-il capable de se régénérer ?

- Oh ! fais-je en regardant ma main.

Il est vrai que celle-ci a guéri sans aucun soin et en un temps record. Je replonge mon regard dans celui du démon. Celui-ci poursuit :

- Ta nature de démonne te permet de survivre à tout ce qui est mortel pour les êtres humains, mais ta nature humaine t'est aussi utile pour survivre à tout ce qui serait fatal à un démon. . .

Il pose son doigt sur mon cou pour continuer :

- Cette petite marque de brulûre. . . Elle est presque invisible, maintenant et elle ne tardera pas à disparaître, mais je peux te garantir que c'est de l'eau bénite qui l'a causée. Un démon n'aurait pas survécu à une telle substance sur une partie du corps aussi vitale. . .

Je me souviens du moment où l'une des gouttes d'eau bénite de l'ASM m'a éclaboussée. J'avais ressenti une sensation de brulûre, mais je pensais que c'était dû à la température de l'eau. . . En fait, l'eau bénite m'a brûlée parce que je suis en partie démonne !

Je sens mes jambes fléchir face à la réalisation de la véracité de ses dires. Il me rattrape d'un geste souple et élégant, puis m'installe sur la chaise où il était assis un peu plus tôt.

- Je. . . Je suis donc immortelle ? bredouillé-je d'une voix confuse et incrédule.

- Non, répond-il dans un mélange d'amusement et de déception. Il est possible de te tuer, mais il faut pour cela user d'une chose qui soit mortelle pour tes deux natures. La lance de Longin, par exemple. . . En tant que lance, elle est mortelle pour tout être humain, mais en tant qu'objet saint et béni, elle est aussi mortelle pour les démons. Il suffit de te la planter dans un organe vital pour pouvoir t'achever. Ce n'est cependant pas le seul objet capable d'une telle chose. Si les soldats de l'ASM étaient parvenus à te ramener jusqu'à La Mecque et que le Conseil des grands oulémas avait ordonné ton exécution, ils t'auraient certainement décapitée avec Zulfikar, la légendaire épée à deux pointes du prophète Mohammed. . .

- Tu savais qu'ils comptaient me tuer et tu ne m'as pas empêchée d'entrer à Rome ? m'indigné-je en me relevant brusquement, mais un soudain vertige me contraint à me rasseoir.

Lucifer pousse un soupir, puis explique calmement :

- J'ai bien tenté de t'empêcher d'aller là-bas, tu ne peux pas le nier. Pourquoi t'aurais-je poursuivie, sinon ? Le soir-même de "l'accident", j'étais là, prêt à te ramener à mes côtés, mais ces maudits catholiques m'ont mis de l'eau dans les flammes. Il est vrai que lorsque nous nous sommes croisés à l'entrée de Rome, j'aurais pu tous les tuer et te ramener de force, mais je voulais que tu me suives de ton plein gré et que tu aies confiance en moi. Je voulais que tu comprennes que je suis désormais la seule personne en qui tu peux croire. Je me suis dit que la meilleure façon d'atteindre cet objectif était de te laisser subir leur trahison de plein fouet. Rien de mieux que d'échapper à la mort pour se réveiller pleinement et voir la réalité en face, n'est-ce pas ?

- Tu as tout de même pris l'immense risque que je me fasse tuer ! rétorqué-je pour toute réponse.

- Je n'étais pas loin. Comme tu as pu le constater, j'attendais en toute discrétion aux alentours de la basilique Saint-Pierre pour te récupérer aussitôt que l'occasion se présenterait à moi. Tu me diras que tu aurais pu mourir dans l'édifice sans que je ne puisse intervenir, mais je savais que ça n'arriverait pas. Tu es bien plus puissante que n'importe quel être humain. Certes, tu as rencontré des difficultés, car tu ne t'étais encore jamais éveillée à tes pouvoirs de feu, mais tu t'en es sortie merveilleusement bien pour une débutante, crois-moi. Tout comme je crois en toi. . .

Je ne peux réprimer un petit sourire. Je rêvais depuis ma plus tendre enfance du jour où mon père aurait ces mots tendres envers moi et il est enfin arrivé !

- Je crois en toi, papa. Tu m'as prouvé que tu es le seul en qui je peux avoir confiance désormais, mais j'ai encore une question. . .

- Je t'écoute. . .

- Quel est ce destin dont tu m'as parlé et pourquoi fallait-il attendre jusqu'à maintenant pour que je le réalise ?

- C'est bien simple. Je devais attendre que tu atteignes ton adolescence, la période à partir de laquelle la pureté, l'innocence et la naïveté des enfants disparaît. Tu es maintenant suffisamment mature et consciente pour voir et comprendre le mal sous toutes ses formes, mais aussi pour l'apprécier. . . ajoute-t-il avec un sourire gourmand. Comme tu l'as fait dans le couvent, par exemple. . . Le spectacle de cette bonne à rien t'a plu, n'est-ce pas ?

- Je ne peux pas nier qu'il avait quelque chose. . . de fascinant et de plaisant, mais il était en même temps terrifiant, j'en ai eu le sang glacé !

- Ha ha ha ! C'est normal. C'est le propre de l'horreur. . . Et puis, tu as été élevée comme une enfant humaine ordinaire, à quelques détails près. Il te faut un peu de temps pour t'habituer à ce genre de spectacles macabres.

J'acquiesce en silence, puis lui demande :

- Il est maintenant temps que tu me parles de ce destin qu'est le mien.

- Oui. C'est vrai. Il est temps que tu saches que la créature qu'attend et redoute à la fois le monde depuis la mort de Jésus Christ est enfin arrivée. Celle qui va mener la plus grande partie de l'Humanité à sa perte, pour le plus grand bonheur de ses parents et le sien, se tient juste devant moi, Jessica. C'est toi. Tu es l'Antéchrist. . .

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