Fructueuses investigations

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L’allusion d’André Malandain quant à la licité des revenus de son frère n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Renouf en fit part au procureur qui nous donna, quelques jours après, l’autorisation d’enquêter sur les comptes de Pierre Malandain et de la victime.

Je m'étais immédiatement rendu auprès de son banquier à la Banque Lemoine et Delaunay. Le Directeur, M. Lemoine, me reçut, après avoir examiné ma plaque de police et ma commission rogatoire, ses yeux fureteurs derrière ses lunettes de myope traduisant une certaine inquiétude. Il me fit entrer dans son bureau et appuyant sur le bouton de son interphone, donna la consigne à sa secrétaire de ne nous déranger sous aucun prétexte.

J’avais l’impression d’être entré dans un bunker. Les conversations à voix basse, les moquettes épaisses, les murs tapissés de tissu mural ainsi que la porte capitonnée, tout semblait se conformer à l’atmosphère étouffante du culte du secret.

— Je suppose que vous êtes venu m’interroger au sujet de mon client, M. Bernard Malandain. J’ai appris son assassinat dans la presse et au journal télévisé. Ce fut un choc !

— Oui, et aussi sur ceux de son fils. Nous savons qu'il détient des comptes ici.

— En effet, j'ai déjà été prévenu de votre venue par un courrier du parquet. Mais, alors, vous savez qui l’a tué ?

— Je ne peux rien révéler. Je suis tenu au secret de l’instruction. Y avait-il des mouvements importants sur le compte de M. Malandain récemment ?

— Oui, bien sûr, car il a vendu toute sa chaine de magasins ainsi que la société qui les gérait J'ai pensé qu'il voulait tout simplement prendre sa retraite, mais cela me semblait si précipité ! Si vous le souhaitez, nous pouvons vous fournir les relevés de ses comptes.

— Bien sûr et cela vous sera demandé. Sinon, quel genre de client était-il ?

— Un très bon client du point de vue financier. Son entreprise, dont nous gérions les comptes aussi, se portait bien, et il n'y avait aucun problème avec ses comptes personnels.

— Donc, il n'avait aucun souci d'argent ?

— Pas que je sache !

Il hésita.

— Pas comme son fils, en tout cas. Contrairement à son père, ses comptes fonctionnent de manière… bizarre.

Devant mon air interrogateur, il poursuivit.

— Il a tendance à tirer beaucoup de chèques sur son compte personnel, que nous rejetons parfois faute de provision.

— Puis, j’ai vu que son père le renflouait de temps à autre, mais il semble avoir arrêté de le faire il y a quelques mois. Cependant, il y a autre chose. Le compte de son entreprise, par exemple. Son fonctionnement est très chaotique. Il semble puiser dedans pour régler des dépenses personnelles.

— Il ne le devrait pas !

— Je vousl'accorde. Et depuis peu, notre caissier nous a alerté sur des remises d'espèces mportantes et régulières. Lorsque l'on l'interroge, notre client reste évasif.

— Vous soupçonnez donc une origine illicite de ses revenus ?

— Ce ne sont que des soupçons et nous étions sur le point de le signaler à la police.

— Et son associé dans l’affaire ? Le connaissez-vous ?

Il me lança un regard surpris.

— Son associé ? Quel associé ? Il n’en a pas. Et il n’y a aucune procuration sur son compte professionnel.

— Et il n'a pas de comptable non plus ?

— Pas à ma connaissance.

Pierre nous avait donc raconté des histoires.

— Je vous remercie pour tous ces renseignements. En attendant, faites nous parvenir les copies de ses relevés de compte. Mais surtout, ne dites rien à votre client, et surtout pas que ses comptes sont surveillés.

— N'ayez crainte, nous serons discrets.

Je pris congé du banquier et me retrouvai dans la rue, songeur.

Je pensai que ces informations étaient intéressantes. Ce Pierre Malandain semblait de plus en plus suspect de ce côté là. Alertée, la brigade financière ira sûrement mettre son nez là-dedans. D'ici à ce qu'il ait un contrôle fiscal...

Comme j’étais à Rouen, j’envisageai de passer à la galerie où exposait André Malandain, dans le vieux centre-ville, à l’adresse que m’avait indiquée Pierrette Lefebvre.

Son altercation avec Pierre et sa façon de dire ses quatre vérités à Marie me l'avait rendu encore plus sympathique. Bien qu'il ne mit pas toujours les formes et qu’il semblât parfois se ficher carrément du monde, il n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait. Je ressentais une légère aversion pour Pierre et sa femme, Marie. Mais je devais rester impartial.

J'arrivai à la galerie où ses toiles étaient exposées. Je demandai à les voir et j'engageai la conversation avec le galeriste. Contrairement à ses contemporains, André Malandain ne sacrifiait pas son art à la mode de la peinture abstraite, actuellement en vogue. C’était un pur et dur. J’aimais ses toiles représentant des paysages, peints avec beaucoup de sensibilité, proches du style des impressionnistes.

— Il a beaucoup de talent, me confia le galeriste, mais sa production est irrégulière. Ses tableaux sont du genre figuratif, mais ce qui plait maintenant, c’est l’art abstrait. Beaucoup de peintres se prennent maintenant pour Picasso. Cependant, comme j'ai beaucoup d'estime pour lui, et que c'est un ami, je continue à les exposer. Malheureusement, j'en vends rarement.

Après avoir quitté cet endroit, je me mis en quête d’informations sur Marie Malandain, née Lemarchand, le 15 avril 1938. Elle n'avait pas déclaré posséder de pièce d'identité. Curieusement, nos fichiers ne trouvaient rien sur elle.

J’allai consulter la Mairie de Rouen. J'y retrouvai l’enregistrement de son mariage avec Pierre Malandain, en mai 1960 à Rouen. Il mentionnait que ses parents étaient Jean Berton, porté disparu en 1943 et Jacqueline Duval, décédée en 1942, ce qui me fut confirmé lorsque je consultai les registres des naissances.

Pourtant, elle avait dit s’appeler Marie Malandain, née Lemarchand. Pourquoi donc nous avait-elle caché ses origines ? Détenait-elle un secret ?

J'avais beaucoup d'éléments à communiquer à Bertier et au commissaire.

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