Nouveau chemin 7/

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Le lendemain matin, Adelin s'éveilla avec la sensation d'être encore plus fatigué qu'à l'accoutumée. Il rejoignit son frère dans l'une des caves de leur domaine, vêtu d'une armure de cuir d'emprunt. Comme toujours, Albin s'échauffait déjà dans sa tenue de milicien rutilante. Ils se saluèrent dans les règles de l'art, Adelin put s'emparer d'une épée rouillée sur un râtelier d'armes. À l'exception du râtelier, de deux sièges et d'une pierre à aiguiser, la salle était vide et nue.

Suivant leur rituel, Adelin se mit en garde et son aîné surveilla sa posture. L'un en face de l'autre, ils excécutèrent des gestes basiques, les nommant d'une même voix. Ils s'échangèrent quelques passes d'armes de politesse, comme ils les nommaient, avant de passer aux choses sérieuses.

Adelin parvint à parer un coup à la tête, assez violent pour que son propre bras lui effleure le crâne. Alors qu'il voulait répliquer d'un coup d'estoc, Albin le contraignait déjà à reprendre une posture défensive. Harcelé, l'Allumé ne put placer le moindre coup.

Lassé de ce rythme, Albin lui laissa quelques ouvertures comblées en un clin d'œil. Adelin les repérait à peine que déjà, il devait se défendre lui-même.

  • Bon... et avec ta magie, que vaux-tu ?

Adelin jubila. D'un geste de bienvenue, il lança un sort découvert depuis peu. Avec bonheur, il sentit un champ répulsif émaner de ses os et le couvrir d'une agréable sensation de légéreté. La poussière à ses pieds s'écarta, tandis qu'ils reprenaient leur position initiale. Bien plus confiant, Adelin se permit plus d'agressivité.

De statiques, ils passèrent à combattants sans cesse en déplacement, se coursant, bondissant, feintant en tout sens. Tous deux testèrent leurs réflexes respectifs, l'arme d'Albin souvent déviée de son puîné sans raison apparente à quelques milimètres de son armure.

Désireux de l'emporter, Adelin s'enhardit. Il tenta quelques bottes inculquées dans la douleur. En vain, il tentait de prendre son instructeur au dépourvu. Ce dernier souriait avec férocité, mesurant l'évolution de son élève et ses propres améliorations.

Tous deux pris de frénésie, ils réduisirent la distance au point que leurs armes les gênaient. Ils les jetèrent pour en venir aux mains dans une lutte sans merci, s'enserrant la gorge, se mordant, se roulant dans la poussière. Le champ de force qui entourait Adelin amenait son frère à se fatiguer plus vite, lui laissant tout le loisir d'infiltrer ses doigts dans les interstices des yeux.

Malgré ses gants renforcés, Adelin grogna quand les dents de son frère se refermèrent sur ses doigts. De sa main libre, il lui martela le casque. Albin parvint à le saisir par une déchirure du plastron et le secoua comme une poupée de chiffon. Le souffle coupé, dans l'impossibilité de conserver un semblant d'air, la tête se fracassant avec frénésie contre le sol, Adelin cessa le combat et se rendit.

Dans un bel ensemble, ils se relâchèrent et s'étalèrent au sol, en sueur, étourdis et rendus euphoriques par l'effort. Leur rire joint retarda encore le moment où ils se redressèrent.

  • Tu progresses, l'épouvantail, félicita Albin en tendant la main.

Flatté, l'Allumé se saisit de cette aide salutaire et s'offrit une pause supplémentaire une fois debout. La tête lui tournait. Pendant ce temps, le milicien se défaisait déjà de son armure et établit un inventaire des dégâts. Adelin devait reconnaître que ce matin, il avait porté bien plus de coups qu'à l'accoutumée. À croire qu'une seule nuit plus longue suffisait.

Soudain, il vomit. Trop de coups à la tête. Sans écouter Albin qui lui conseillait de s'asseoir et d'attendre quelques minutes, il s'empressa de brûler ses renvois. Mal lui en prit, Adelin cracha sa bile encore un moment. Pendant ce temps, son aîné allait et venait avec du sable, de la sciure et tout ce qui effacerait les traces de leur entraînement matinal. Il poussa le vice jusqu'à retirer l'armure de son cadet, celui-ci se trouvant toujours pris de hauts-le-cœur. Ce nettoyage parachevé, Albin émit un compte-rendu de la séance à son protégé, avant de conclure :

  • Tu veux une revanche avec ton bâton qui n'existe pas ?
  • Toujours !
  • Bouge pas, je reviens avec les protections.

Cela laissa le temps à Adelin pour s'essayer à une magie capricieuse. Le bras tendu, il se concentra sur ses intensions belliqueuses pouvant s'incarner en un bâton de combat bien concret. Des spasmes le traversaient, sa magie illuminait sa main levée. Attentif, Adelin tenta de deviner ce qui lui permettait de créer une arme. Un à un, ses doigts se tendirent et se détendirent, tandis qu'il guettait un mouvement dans sa propre magie, une infime sensation de chaleur qui le mettrait sur la voie. Ce pianotement se poursuivit, accompagné de rotations du bras et du poignet.

Avec l'expérience, Adelin savait que sa magie réagissait à la fois à sa volonté, à ses émotions et à ses gestes. Ses doigts en triangle lui permettaient de sentir les métaux sur une vingtaine de mètres, plus quand il parvenait à canalyser sa magie... puis il s'était apperçu que sa main gauche seule, avec la concentration suffisante lui offrait le même résultat. Il pouvait aussi imprégner ce qu'il tenait de son feu. Son champ répulsif s'était activé dans un geste de frustration, après une énième défaite contre Albin lors de leurs entraînements matinaux. Et, deux semaines plus tôt, son envie de revanche avait invoqué un bâton d'une composition étrange, à mi-chemin entre le bois et un métal inconnu, s'imprégnant sans peine de sa magie, lui facilitant le combat. Depuis, il cherchait le geste.

Albin revint, déjà carapaçonné dans une tenue de maître-chien. Il laissa tout son temps à son frère pour tâtonner à l'aveuglette. Parfois, il lui sembla discerner comme un éclat argenté qui pouvait correspondre aux prémices d'un sort réussi. Enfin, il n'en savait foutre rien. Voilà des années qu'il rassemblait tous les textes ésotériques qu'il pouvait, en vain. Il n'était pas mage et ne le serait jamais, à moins de devenir un prêtre assez haut placé et aimé de Rhamée pour espérer obtenir quelque chose. Sans garantie aucune. Le plus simple aurait été de déclarer Adelin comme mage, que ce dernier reçoive la formation idoine. Mais alors il serait surveillé, par des religieux. Avec sa pyromanie... on le supprimerait. Trop instable. Dangereux. Alors que si on lui laissait sa chance... aucun officiel ne prendrait ce risque, ne ferait ce pari. On éliminait le danger. Ou on le brisait pour le neutraliser.

En transe, Adelin tressaillit quand la montre de son aîné sonna. Ce dernier ôta son casque et lui sourit.

  • Même heure mardi prochain ?
  • Volontiers !

Ils scellèrent leur accord d'une poignée de main, partirent se laver, s'habiller puis se signèrent un contrat en bonne et due forme, frappé de leurs deux chevalières respectives. Une journée chargée les attendait tous les deux.

Adelin releva que si son esprit dérivait plus volontiers, sa pyromanie s'estompait. Voilà de quoi valider deux théories de son frère... l'importance du sommeil, et son besoin de se servir de ses pouvoirs. Bien sûr, un essai unique concernant le sommeil ne suffisat à rien infirmer ou confirmer.

Quand vint le soir, il passa chercher Albin, l'accompagner un bout de chemin pour sa ronde nocturne.

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