Hors des sentiers battus 43/
Adelin se permit de contempler le feu. Bien que fort éloigné, l'espace d'un instant, il put l'entendre crépiter comme s'il se tenait à côté. Il avait toujours chaud, sentait une rougeur aux joues inédite dans son existence. Autant couper court aux projections de son esprit. En s'intéressant de nouveau à sa voisine, il surprit le regard de cette dernière sur ses gants. Aurait-elle remarqué les marques d'usures laissées par son sceau ?
- Sinon, pour ce soir, je te propose de te laisser l'lit.
Cela rompit le charme. Elle battit des cils, surprise.
- Que, quoi ?
- J'te propose de t'céder l'lit. Qu'tu sois peinarde.
- Ben... ça m'gêne, Bertrand... T'en paies la moitié, c'pas pour que j'te foute par terre.
Puis elle se pencha en avant d'un air complice, lui offrant une vue imprenable sur son décol... Quelle merveille ! Ah, oui, la nuit à venir et l'organisation... Lumière divine, qu'il faisait chaud... Son esprit déraillait, une agréable odeur de chair brûlée le surprit. Tout commençait à se mélanger.
Une envie subite de la caresser, la saisir, plonger le nez dans son cou, l'embrasser, l'embraser, la sublimer de feu...
Non, l'heure était au professionnalisme. Négociation, voilà ce qui se passait dans l'immédiat. Il rêvassait depuis trop longtemps. Adelin s'imposa de réfléchir avec l'accent des gens de la terre de Guarrèr, pour faciliter sa communication.
- Si j't'propose ça, c'est-y qu'ça m'dérange pas.
Iris changea brusquement de sujet, voulut qu'il parle de lui. L'Allumé en profita. Il raconta la vie d'un de ses cousins, le même à qui il empruntait l'identité. L'aubergiste vint débarrasser et recevoir le paiement, qu'ils se partagèrent comme convenu.
De nouveau pris dans leur échange, ils n'écoutèrent que d'une oreille la représentation du barde et de sa guitare, louant la grandeur du Sanctum, indisociable de la grandeur de la Sainte Matriarche, Elue de Rhamée.
Par respect, nul n'osa quitter la salle. Il n'était pas rare, lors de telles représentations, que des membres du culte surveillent les civils... ou le barde. Il s'agissait parfois d'une rédemption. Difficile de savoir, mieux valait ne pas s'en mêler.
Les deux futurs voisins de chambrée devisèrent encore longuement. Adelin s'offrit de l'eau, chercha à s'occuper les mains. Tout, pour ne penser ni au feu, ni à ses émois. Il regrettait déjà sa bonne action.
Graduellement, Iris prit les rênes de la conversation. Le barde s'éloigna de la scène, ils en étaient toujours au même point, à ne pas savoir comment se répartir dans la chambre. Le jeune notaire sentait bien le décalage de gêne, entre lui et la femme. Cette dernière ne semblait pas gênée par l'idée... il commençait à craindre la nuit à venir. Et à l'espérer. Curieuse dissonnance...
Vaincu le premier par la fatigue, il s'excusa et monta. Peu de temps après, Iris le rejoignit. L'Allumé avait pris le temps de se changer, de ranger ses affaires dans la table de nuit et cherchait une position confortable par terre. Avec l'épaisseur du tapis de laine, il ne doutait pas de trouver un bon arrangement, malgré les courbatures dues à son voyages en cours d'incrustation.
La plus si inconnue s'offrit une toilette raisonnable, qui pétrifia Adelin malgré le fait qu'il lui tournait soigneusement le dos. La situation le rendait moite. Mais quelle idée à la con... Devant lui, des flammes dansèrent sur le mur, exceptionnellement il s'autorisa à y rêver. Cela valait peut-être mieux que d'autres pensées...
Malgré sa concentration sur les hallucinations, son corps avait une conscience aigüe, surnaturelle de l'approche d'Iris, puis de l'installation de cette dernière sur le lit. Sur la couette.
Elle prit ses aises, sans le lâcher du regard. Le silence pesait, valait sûrement mieux que ce que sa compote d'esprit pouvait bien l'amener à déblatérer. Cela lui promettait une sale nuit, cette affaire... Vraiment, quel con.
- Té fais pas l'con, viens, céda Iris.
Adelin bafouilla, bredouilla, puis tomba en arrêt, figé par la jeune femme qui venait de lui caresser l'épaule. Ses oreilles sifflèrent. Une envie prenait le pas sur celle du feu. Il ne savait pas la quelle était la moins lourde de conséquences. Quelle pulsion sui...
Iris lui attrapait le bras !
Par Rhamée, mais il ne savait pas comment se comporter ! Quel était le protocole, pour ce type de situation ? À quelles attentes devait-il répondre, et de quelle manière ? Il ne la connaissait même pas, il avait envie de...
Feu ? Découvrir ce nouveau pan de l'existence ?
Les deux ?
Etait-ce seulement possi...
Iris lui caressait la veste, depuis le lit ! Elle lui parlait ! Elle lui parlait ! Lumière Divine, il perdait la raison !
Iris avait un toucher doux et agréable. Adelin souffrit de porter sa veste. Sa peau ne voulait qu'une chose, celle d'Iris. Déjà le souffle court, il leva un regard perdu vers elle.
Qu'elle était belle. Là, allongée sur le lit, les cheveux cascadant sur ses épaules, donnant un contraste plaisant avec sa douce peau pâle.
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