Hors des sentiers battus 46/
La cave entière prenait feu, de la terre battue au plancher au-dessus de sa tête. Cette beauté enchanteresse lui permit de trouver du sang froid. S'imposant une respiration sereine, il poursuivit sa recherche dans des restes calcinés, si plaisants.
Non contente d'onduler, sa vision se brouillait à cause des larmes de stress. Sa seule marque d'appartenance à sa famille... Impensable qu'il l'égare.
Pourquoi cherchait-il dans cette masse de chair et d'os entremêlés, déjà ?
Ses oreilles sifflaient. Il devait se calmer. Le feu l'entourait, bienveillant. Rassurant. Apaisant...
Une raideur dans la nuque lui laissa supposer qu'il fouillait les cendres, à hauteur de l'estomac depuis un certain temps. Par dépit, il chercha plus haut. Ses mains rencontrèrent des chairs agréablement chaudes, non pas de vie, mais du passage récent du feu. Ceci l'aida grandement à retrouver son calme. Il se trouvait dans son élément. Les choses allaient s'arranger.
À force de remonter en palpant, il fouilla le crâne rendu méconnaissable. De voir des éclats d'os surgir de chairs fondues lui fit penser qu'il avait mal aux mains, et que l'impact correspondait à ses poings. Curieux. Néanmoins, ses doigts rencontrèrent une surface qui ne pouvait appertenir à une substance organique. Non, à la manière dont cela avait emmagasiné la chaleur, il s'agissait de métal.
Dans un gloussement surpris, Adelin exhuma, entre les molaires et la langue calcinée sa bague, enfin ! Intacte ! Aussitôt, il embrassa l'objet. Une fois, deux fois, cent fois, mille fois. Le métal lui brûlait les lèvres, mais peu lui importait. Il aurait des cloques sous la moustache, ce léger inconfort en valait la peine.
Il s'autorisa un certain temps prostré, se balançant, tentant de se débarrasser ainsi de ses angoisses. Son sceau était intact. Le soulagement s'avéra tout aussi violent que les peurs traversées.
Quand, enfin, il se sentit assez apaisé pour se relever, il s'étira soigneusement chaque membre, chaque muscle. Par la Lumière, qu'il se sentait mieux. Ceci fait, il observa son environnement et marcha dans quelque chose de creux. Dépité, il observa sa semelle à la lueur de son feu. Une masse noirâtre et grasse, grumeleuse lui promettait un bon récurrage... Où se trouvait-il, déjà ? Il avait eu une absence...
Un sous-sol, à priori. En présence de restes informes. Autour, quelques boîtes et sacs fumaient, il ne se gêna pas pour s'y servir. De vagues souvenirs lui précisaient que ces biens avaient été dérobés de la même manière que sa bague.
Des livres malmenés par le feu et l'humidité, de vieux vêtements inutilisables, quelques bijoux en toc. Au moins retrouva-t-il son sac. Déçu du butin, il remonta. Soigneux, il referma la trappe, replaça le tapis en désordre et sortit en quête de son cheval.
L'animal broutait quelques dizaines de mètres plus loin, sursauta quand son propriétaire voulut l'approcher. À moins qu'il ne s'agisse des crépitements du feu. Dans tous les cas, la bête prit la fuite, emportant la selle, ainsi qu'une part non négligeable des économies du mage. Ce dernier, mortifié, tenta de le suivre... mais bien vite, trop vite, même ses capacités à détecter les métaux ne suffirent plus. Trop loin.
Essoufflé, confus, Adelin préféra encore abandonner. L'esprit plein de pensées peu amènes pour les équidés, leur lâcheté et leur inconfort il reprit sa route à pieds. Il connaissait la direction approximative pour rejoindre une route plus fréquentée dans la forêt, de là il ne doutait ni de pouvoir mieux s'orienter, ni de tomber tôt ou tard sur des panneaux.
Décidément, ce n'était pas sa journée. Après la violence de son réveil, son absence, désormais il se retrouvait piéton... pauvre et boiteux. Quel con, mais quel con... Evidemment, une bruine s'ajouta à tout le reste, le rendant plus morose encore. Pendant une bonne partie de la demi-journée, il regretta amèrement son bureau, sa chambre, le domaine familial...
La décision des Fêlés, Bathilde, la pression due à son nom, sa folie qui les menaçait tous. Mieux valait, s'il tournait mal, qu'il s'isole et prenne quelques distances.
Il ne sut comment, mais il réussit l'exploit de retourner auprès du hameau d'Iris, qu'il jugea préférable de contourner. Merveilleux, à force de se perdre dans ses pensées, il se perdait aussi tout court. Il était midi passé, quand, enfin, il retrouva la route principale, dont il dut s'écarter pour esquiver un groupe de voyageurs. Il n'avait pas envie de parler.
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