Hors des sentiers battus 47/
Pour finir en beauté, sa santé de fer habituelle choisit cette journée pour faillir. À quatorze heures, alors qu'il avançait enfin dans la bonne direction, il se sentit la tête comme dans un heame. La musique de la pluie, de la forêt lui parvenaient assourdies. Moins d'une heure plus tard, il humidifia généreusement un mouchoir. Puis en fin d'après-midi, la fièvre le ralentit plus encore. Quelle journée de chiotte... Enfin, s'il s'agissait du prix de la liberté et de la tranquilité des siens...
Ayant moins avancé que prévu, il fut bien contraint de monter un camp de fortune pour passer la nuit. Cela n'avait rien à voir avec ses nuits aux côtés des Fêlés. Craignant qu'un feu n'attire une attention indésirable, il tâtonna de son mieux jusque tard dans la nuit... sans vraiment savoir ce qu'il devait privilégier. Un arbre, pour éviter la plupart des prédateurs nocturnes, mais s'exposer aux chutes et à la foudre ? Ou au sol, hors des deux dangers précédents, mais exposé aussi bien aux bêtes qu'à d'éventuels malandrins ?
Vaincu par la fatigue, il sortit de son sac une toile cirée dans laquelle il s'emmitouffla directement au sol, bénit les textes de conseils pour voyageurs, l'inventeur des chaufferettes de voyage, mâcha un pain déjà en passe d'abriter des moisissures, un bâton de viande séchée et acheva sa gourde. Ce dernier objet, il le laissa ouvert et le bloqua entre deux monticules de terre, au cas où la pluie pourrait le remplir de nouveau, au moins un peu.
Malgré la fatigue due à ses débuts de maladie, ses émotions de la journée, le froid ambiant, la longue marche qu'il venait de s'imposer, son sommeil s'avéra fuyant. Les sons de la forêt le gardèrent éveillé, tout lui paraissait menaçant.
Adelin se surprit à prier. Les litanies familières lui apportèrent un infime réconfort. Des souvenirs d'enfance, quand il croyait encore. Quand joindre les mains et murmurer les paroles idoines lui donnaient l'impression d'entrer en communion avec quelque chose de grand, un tout protecteur et bienveillant. Quand le cristal de psynergie en lévitation au-dessus de l'autel lui donnait espoir et confiance en l'avenir.
Perdu. Seul le vide et la solitude occupaient la place de sa foi désormais. Le laissant seul. Un isolement qu'il avait choisi, pourtant. Si dur à assumer, en cette nuit fiévreuse. Qu'espérait-il, en fuyant ses problèmes sans en résoudre aucun ? Dans l'immédiat, il grelottait, seul, vulnérable au moindre danger.
Son éternuement enroué effraya plusieurs créatures de l'ombre, qui déguerpirent. Décidément, il divaguait. Un peu de noirceur, un moment de faiblesse et déjà, il oubliait être le danger. Bon sang, il était mage ! Une mauvaise surprise d'ampleur, pour quiconque viendrait lui chercher noise ! Cette posture n'était que temporaire. Il n'aurait pas froid longtemps, juste l'affaire d'une nuit ou deux. Il pouvait bien traverser cela.
Malgré cette hausse de moral, sa nuit n'en demeura pas moins fort longue. À force de s'attendre à devoir fuir à tout instant, ses muscles, déjà courbaturés par la marche et la fièvre, s'ankylosèrent. Il alterna entre périodes de ruminations, de doutes, et périodes d'espoir, d'assurance presque.
Peu avant sept heures du matin, convaincu qu'il s'agissait de sa meilleure option, il reprit la route après un petit-déjeuner frugal. Sa gourde avait bien recueilli un fond d'eau, qui disparut en deux gorgées. Adelin s'octroya un brin de toilette minimaliste en marchant.
Sa troisième journée de fuite ressembla à la seconde moitié de la veille. Le jeune notaire esquiva les rares voyageurs locaux, piétina dans la boue, loua Rhamée quand la pluie cessa. Il La loua aussi quand il tomba sur un roncier où quelques mûres persistaient, qu'il manqua de peu d'achever, avant que le souvenir des effets indésirables d'une razzia engendraient.
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