Hors des sentiers battus 48/

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Avec déjà une bonne journée de retard sur ses prévisions, il atteignit la seconde auberge prévue. Dès qu'il le put, il se barricada dans sa chambre, se changea et s'abandonna au meilleur remède du monde : le sommeil.

Ceci le conduisit de la fin de matinée au début de soirée, où il émergea le temps de grignoter quelque chose qu'il paya sûrement trop cher, avant de retrouver la moiteur des draps. Cela faisait très longtemps qu'une fièvre ne l'avait pas ainsi gardé au lit. Cette fois, nul serviteur pour s'enquérir de son état, nul membre de sa famille pour amener un médecin à son chevet.

Le lendemain, malgré la rupture nette avec ses habitudes, il se leva aux aurores - tardives selon ses critères - et reprit la route comme un golem. Sans émotion, sans hésitation. Simplement, il se rendait à sa prochaine destination. La fièvre, bien qu'encore présente lui permit plus de capacités de réflexion que la veille.

Pour cette partie du trajet, il avait prévu de parcourir plus de distance au trot et, s'il s'en était senti le courage même un peu de galop. Finalement, ne lui restaient que ses pieds inhabitués à un tel traitement. Lui et ses idées à la con... et saleté de lâcheté équine...

Dans un grognement agacé, il songea à l'état de ses économies. Il lui resterait de quoi se payer environ une semaine d'auberge, peut-être un peu plus en se montrant économe. Plus vite il se trouverait un métier, mieux ce serait. Mieux valait aussi qu'il s'empresse d'acquérir une chambre de bonne, en attendant d'investir dans un réel logement. Pour cela, il ne s'inquiétait guère. Il connaissait les droits, les aides, quelques bras de fer administratifs lui feraient du bien. Le plus dur serait certainement de se trouver un travail.

S'il s'installait comme notaire, sa famille ne manquerait pas d'en avoir vent. Il pouvait toujours tenter de se placer comme apprenti souffleur de verre... même si en règle générale, il s'agissait de quelque chose de familial. Il doutait aussi que son apparence lui permette d'exercer des métiers au contact d'une clientèle. Que lui resterait-il... plongeur, des métiers de nuit, peut-être artisan en collaboration avec un tiers qui s'occuperait de la partie vente. Assistant apothicaire, chimiste, alchimiste ou artificier, vues ses connaissances acquises au contact de François. Encore lui faudrait-il apprendre et officialiser ses savoirs. Il restait confiant en ses capacités d'adaptation.

Penser à Souffreux lui serra le cœur. Comment prenait-il sa disparition ? Passé le choc, évoluerait-il ? Dans quelle direction ?

Sentant que l'abattement revenait et menaçait son pas déjà lent, Adelin chassa ces pensées. Avec une boule dans la gorge, il s'interdit de penser aux gens de Guarrèr, à tout ce qu'il abandonnait.

Alors, il avança. Trouva de l'intérêt aux plantes autour de lui, se remémora les effets de celles qu'il reconnut, assez peu nombreuses au final. Cet exercice lui permit au moins d'avancer d'un pas plus régulier, une victoire au vu de son état.

L'espace d'un instant, il fut tenté d'user de ses notions de botanique pour se soigner avec les plantes... mais la crainte de s'empoisonner le retint.

Le soir lui imposa une halte inconfortable, qu'il passa relativement au sec. Le lendemain, ses courbatures et douleurs aux pieds le firent grogner une part non négligeable de la journée, menaçant de venir à bout de son peu de moral. S'il estimait correctement les temps de déplacement et les distances, il verrait l'entrée de Vert Pont... trop loin pour qu'il y entre le jour même. Avec le brigandage, le bourgmestre avait jugé préférable de monter des fortifications, associées à un couvre-feu depuis plus de vingt ans.

Le voyage d'Adelin se poursuivit ainsi, dans la douleur, jusqu'à ce que, comme il s'y attendait, la forêt s'interrompe brusquement pour céder la place à des champs et une vue dégagée. Les remparts le narguèrent, et lui révélèrent une spécificité dont personne n'avait jamais jugé bon de lui parler.

Le village se composait de deux parties, chacune sur sa propre rive. La rivière entre les deux était enjambée de la construction ayant donné son nom aux lieux, à la fois vert vieux bronze et vert lierre. Du côté du voyageur se trouvait la partie pauvre. Plus petite, plus sombre, aux rues tortueuses. De l'autre côté, tout semblait plus propre, moins enfumé, moins poussiéreux... et surtout plus vaste. Voilà où il devait se rendre. Cela devait aussi lui épargner les proches de Bathilde, la première partie du village correspondait mieux à ses descriptions que la seconde.

Le lendemain au matin, le jeune notaire prit soin de son apparence du mieux qu'il put. Son miroir de poche s'avéra salutaire, de même que ses stocks de maquillage qu'il entamait pour la première fois depuis son départ.

Le ciel mêlait bleu encourageant et gris menaçant. Adelin se concentra sur ses espoirs, et, le cœur battant à tout rompre, se lança dans sa dernière longue marche en pleine nature avant longtemps.

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