Alibi manquant

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6 Novembre

Les investigations visant les alibis des membres de la famille Laniste et de Jacques Buyr, le compagnon de Jacqueline Bouvier, ont donné des résultats contrastés. Tous sont couverts par des témoignages, d'une solidité aléatoire, mais témoignages tout de même.

Tous... sauf un : Alexis Laniste. Le jeune frère de Vanessa n'a pu produire d'élément attestant sa présence à Troyes, lieu de ses études, le soir du meurtre. Et pour cause. Le post-jouvenceau a été vu ressortant de l'immeuble paternel, aux alentours de 17h30, par une voisine, genre vieille toupie spécialisée dans l'espionnage riverain et le papotage, la bénédiction des limiers. Sainte Commère, priez pour eux.

Le camarade Alexis a été convoqué sans attendre à la PJ, où Andrew et John se sont mis en demeure de le tarabuster un minimum.

Le PV de l'audition a mentionné les affirmations suivantes de la part du témoin :

- À la question de savoir ce qu'il fichait à Paris, le blond filasse a répondu qu'il y avait rendez-vous avec une fille rencontrée sur la toile.

- À la question de savoir s'il n'existait pas de filles disponibles à Troyes, lieu de ses études, il a rétorqué que compte-tenu de son succès habituel auprès du beau sexe, il n'avait pas les moyens de se montrer difficile.

- À la question de savoir pourquoi il était venu rendre visite à son père ce même jour, il a expliqué, qu'ayant du mal à joindre les deux bouts sur cette fin d'année, il était venu lui demander une rallonge, en tout bien tout honneur, une avance sur le mois de novembre, ou le suivant.

- À la question de savoir s'il possédait une clé de l'appartement, il a indiqué qu'au départ de ses enfants du foyer, son père les avait récupérées. Il entendait être maître chez lui et n'affectionnait pas particulièrement les visites impromptues. Sans doute la créature Louvonaï en possédait-elle un jeu, en tant que maîtresse devenue officielle.

- À la question de savoir s'il avait obtenu ce qu'il était venu chercher, il a consenti que la journée avait été un échec sur toute la ligne, son père n'étant pas rentré du travail et la relation espérée ne s'étant jamais pointée au rendez-vous vespéral.

Pas très bien engagé, le duduche. Admettons que le témoignage du voisinage le couvre, étant donné qu'il a été aperçu partant du bâtiment à un horaire précédant largement celui du meurtre. Cependant, rien ne l'empêchait de revenir un peu plus tard, puisque, de son propre aveu, il avait trouvé porte de bois. En apparence, même en considérant que lui reviendra un tiers de l'héritage, il n'a rien à gagner avec la disparition immédiate de son père... cette absence théorique de mobile ne suffisant pas totalement à l'exonérer des soupçons nés de son emploi du temps. Un besoin urgent d'argent aurait-il décidé le seul membre de la famille ostensiblement affecté par la catastrophe à commettre l'irréparable ?

En ce qui concerne les autres suspects, la découverte de Coco relative à la 'couverture' de la Louvonaï a été recoupée plusieurs fois. Anastasia n'a pas pu, techniquement, se trouver dans l'appartement entre 17h heures et minuit.

Josepha Laniste, l'ex-épouse, dont on a décidé , en définitive, de vérifier les occupations, a été vue dans un club du XXe où elle a coutume d'aller cancanner pendant des heures, tout en lançant de perçantes lamentations sur ses cruelles insomnies, la malhonnêteté des politiques, ou encore le prix du ticket de métro. La soirée de l'assassinat n'a pas fait exception à la règle.

En ce qui concerne Vanessa et son micheton... les deux tourtereaux s'emmitouflent mutuellement d'un alibi qui n'aurait pas valu grand chose si leur dîner dans un deux étoiles n'avait été confirmé par plusieurs loufiats du luxueux établissement. Le sommelier, notamment, émoustillé au souvenir du cru commandé par l'ex-empereur de la bourse, a livré une identification exemplaire.

Nos enquêteurs, qui n'ignorent rien de la situation financière tangeante du futur fauché, se demandent comment il peut se permettre de tels excès. Certainement jette-t-il ses derniers feux, engoncé dans son obligation de paraître, et craignant de perdre l'usufruit de sa chercheuse d'or vulgaire.

Dans un autre ordre d'idée, les serveurs connaissaient-ils parfaitement Vanessa ? N'importe quelle blonde mal dégrossie n'aurait-elle pu duper ces salariés ?

Jacques Buyr, enfin, n'a regagné le domicile qu'il partageait avec Jacqueline Bouvier que le lendemain du drame. La veille au soir, à Bourges, il mettait un terme à un séminaire en partageant avec ses collègues un repas bien arrosé.

*****

C'est justement lui qui réussit à joindre Perle au cœur de l'après-midi...

Au programme de la discussion, ses relations avec sa compagne, et les renseignements qu'il a tenté de collecter au sujet des avoirs théoriques de Jacqueline.

Dans un premier temps, il valide le fait de ne pas avoir été marié, quand bien même il arrivait à la victime de le présenter au monde sous l'appellation de Jacques Buyr-Bouvier. Elle prétendait qu'il était plus classieux socialement d'avoir un époux qu'un concubin. Bien qu'il ne fût que modérément convaincu du raisonnement, ce principe d'union officielle n'ayant plus grande importance depuis près de trois quarts de siècle, ça ne lui avait rien coûté d'accéder à la demande de sa compagne.

Avec le recul, cette information l'éloigne même de la liste des suspects. Déja détenteur d'un alibi solide, il a désormais tout à perdre. Aucun héritage à guigner, et peut-être lâchage du domicile, si tant est que Jacqueline en possédât une partie, voire la totalité. En outre, il semble fermement déterminé à aider les policiers dans la mesure de ses moyens.

À cet égard, les services techniques lui ayant restitué le pc de la morte avec une précipitation douteuse, il en a exploré le contenu de fond en comble avant de se plonger dans ses papiers personnels. Perle a apprécié la démarche. En quoi pourrait-il se montrer plus efficace que les pros ? Tout simplement en pointant des éléments anodins pour des étrangers, mais parlants pour quelqu'un ayant partagé la vie de l'assassinée.

Les disques durs externes ont également eu droit à une fouille poussée de sa part. Sans succès, selon ses propres termes. Quelques économies substantielles, signifiées par des relevés de banque, mais nulle trace d'une parenté à héritage. Pourtant, il n'en démord pas. Jacqueline évoquait parfois une perspective d'enrichissement. Un prénom revenait souvent : Donnie.

Se rappelle-t-il le nom de famille de ce Donnie ? Jacques ne sait plus trop. Il est malgré tout tourmenté par l'impression fugitive que le matronyme était en rapport direct avec une couleur : Jaunet, Rougeot, ou Lenoir... voire Leblanc, allez savoir...

Perle a remercié son correspondant et lui recommandé avec ardeur de la contacter sans délai si le moindre détail lui revenait.

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