Depuis toujours je les entends. Elles sont dans ma tête mais elles ne m’appartiennent pas ; toutes ces idées, toutes ces pensées, toutes ces voix... Je suis non pas né avec un don mais avec une malédiction. Car avec le temps, mon monde et ma perception s’est retrouvée biaisée par ce que je pouvais entendre et par la suite, comprendre. Quand j’étais enfant, je pouvais comprendre à ma façon, la trahison d’un père trop souvent absent. Il y en avait une autre. Et lorsque je l’ai dit à Maman, il y a eu une énorme dispute. A tel point qu’elle allait en prison, Papa est mort. J’ai découvert la jalousie en même temps que le secret. J’ai appris à me taire quand il le fallait.

J’ai vécu chez ma tante maternelle quelques années, en compagnie d’autres cousins et cousines. Des enfants qui n’étaient pas les siens. Une dame “au grand cœur" disait le voisinage, ah ça oui. Ce que les gens ne pouvaient entendre c’est à quel point elle attendait à chaque fin de mois la rétribution de l’état. De l’argent fait sur notre compte tandis que nous vivions entassés avec à peine de quoi nous vêtir convenablement. Aucun égard, aucun amour... je sais. Je l’ai entendu. Ma tante est en prison, quelqu’un a fini par appeler la police. Moi ? Peut-être que oui, peut-être que non.

J’ai grandi, ma malédiction m’a servi autant qu’elle m’a pourri la vie. Où que j’aille, je ne pouvais cesser d’entendre le monde tourner autour de moi. Les gens, leurs jugements, leurs avis “éclairé”, leur cupidité, leur hypocrisie. Cela ne s’est jamais arrêté. Le sommeil a fini par me fuir. Mes petites amies aussi. J’avais ce rêve d’adolescence que de pouvoir aider mon prochain comme j’ai pu “libérer” mes cousins. Seulement je n’avais simplement pas les épaules pour affronter cette cacophonie monstrueuse allant crescendo. Me portant aux portes de la folie. Je n’ai qu’une seule issue. C’est à mon tour de me libérer. Sortir leurs voix de ma tête.

C’est ce que j’ai décidé de faire. Ce matin même.