La salle de musique sent la poussière et le bois verni. Un vieux piano trône au fond, les touches jaunes comme des dents de lait. Autour, des chaises en cercle, des pupitres tordus, et cette odeur de silence mal à l’aise.
J’entre toujours la dernière. Discrètement. Dos au mur, sac contre moi. Je sais me faire petite. Invisible.
La prof lève la tête, sourit trop fort. Elle a les yeux de ceux qui pensent pouvoir sauver les autres avec des chansons.
— Sarah ? Tu peux venir t’asseoir ici. À côté de Noah.
Je ne réponds pas. Je hoche la tête. Et je m’assois.
Noah. Je l’avais à peine remarqué depuis la rentrée. Nouveau. Yeux verts. Silencieux lui aussi. Peut-être un peu trop calme pour être populaire, mais assez beau pour être observé. Il m’adresse un petit sourire, timide. Je ne le lui rends pas.
— On va commencer les duos cette semaine, reprend la prof. Vous avez une semaine pour préparer la chanson. Le thème, c’est “connexions”.
Connexions.
Je me crispe.
Je ne touche plus personne. Je ne laisse plus personne me toucher. Alors chanter… avec lui ?
Noah tourne lentement la tête vers moi. Il parle doucement, comme s’il craignait de m’effrayer.
— Salut. On pourra choisir une chanson ensemble ?
Je hoche la tête. Encore. Mécanique. C’est tout ce que je sais faire.
Il ne me pose pas de questions. Il ne demande pas pourquoi je ne parle pas, pourquoi je fixe le sol, pourquoi je tremble quand il me regarde trop longtemps.
Il dit juste :
— J’ai pensé à “Say Something” de A Great Big World. C’est triste, mais… vrai.
Et là, sans le vouloir, sans le prévoir… j’ouvre la bouche :
— Je la connais.
Ma voix. Ma propre voix.
Noah ne dit rien. Il sourit simplement. Pas fort. Pas comme les autres. Juste assez pour me dire qu’il m’a entendue. Et pour la première fois depuis longtemps… je me sens un peu moins seule.