Ma chambre est minuscule.
Un lit, un bureau, une armoire, et des murs pâles comme si la couleur avait peur de rester.

J’ai collé des stickers dessus, il y a longtemps. Des étoiles, des coeurs, des mots en anglais.
"Love", "Dream", "Smile".

J’avais treize ans.

Depuis, je ne colle plus rien.

Le soir, quand je rentre du lycée, je monte directement ici. Je balance mon sac au pied du lit, j’enlève mes chaussures sans bruit. J’évite le regard de ma mère. Elle fait semblant de ne rien voir. Elle croit que je vais bien, parce que je mange. Parce que je me lève le matin.

Mais elle n’entend pas le silence.
Elle ne l’écoute pas.

J’ouvre mon carnet de musique. Il y a les paroles de la chanson que Noah a proposée. Say Something. J’en connais chaque mot. Je l’ai déjà chantée, seule, il y a des années. Avant.

Je pose mon doigt sur la première ligne.
Say something, I’m giving up on you.

J’aurais voulu la chanter ce soir-là.
Mais je n’ai rien dit.
J’ai laissé mon corps geler. Ma gorge se nouer. J’ai laissé la honte me piéger dans une cage invisible.

Et le pire, c’est qu’après… il m’a dit :
"C’était rien, Sarah."

Rien.

Je serre les poings. Mon cœur tape trop fort dans ma poitrine. J’ai l’impression que ma peau veut s’arracher.

Je me lève. Je marche jusqu’au miroir.

Je me regarde, longtemps.

Est-ce qu’il verra ça, Noah ? Est-ce qu’il verra que je suis fendue, que je suis restée bloquée à treize ans ?

Et s’il entendait ma voix, vraiment ?

Est-ce qu’il entendrait aussi mes silences ?