Chapitre 3 — Treize ans
Je ne voulais pas y penser.
Mais parfois, la mémoire revient sans demander.
C’est comme une pièce que je ferme à double tour, et dont la serrure cède la nuit.
Il faisait chaud ce jour-là. Une de ces soirées d’été où tout semble tranquille. Où les rires remplissent les rues, où les lampadaires clignotent comme des lucioles modernes.
J’étais chez lui.
Mon meilleur ami.
On riait. On parlait de musique. On écoutait une vieille playlist sur son ordi. Il me montrait ses morceaux préférés.
J’étais en short.
Je me rappelle encore la sensation du canapé en tissu contre mes cuisses nues.
Il a posé sa main sur ma jambe.
J’ai ri.
Je croyais qu’il plaisantait.
Puis il s’est approché. Il a dit que j’étais belle. Que je devrais me détendre. Que je pouvais lui faire confiance.
Et après…
Après, tout devient flou.
Des mains. Trop de mains. Une pression sur mes bras.
Et mon cerveau qui disait "non", mais ma bouche qui restait muette.
Parce que c’était lui.
Parce qu’on m’avait appris à ne pas faire d’histoires.
Quand tout s’est arrêté, j’ai voulu vomir. Il riait. Il a dit que c’était "juste un jeu".
Je ne suis plus jamais retournée chez lui.
Mais ce jour-là, j’ai quitté moi-même.
J’ai laissé Sarah à treize ans. Je l’ai laissée là, figée, muette.
Depuis, je fais semblant d’avoir grandi.
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