Chapitre 4 — Quelqu’un qui sait
— Tu veux du thé ou du silence ?
C’est comme ça qu’elle me dit bonjour, Mila. Toujours avec son air de rien et sa tendresse maladroite.
— Silence, je réponds.
Elle me tend une tasse de thé quand même.
On est dans sa chambre, deux oreillers par terre, des vieux vinyles affichés au mur, et une guirlande qui clignote au-dessus de son lit. Il y a une odeur de vanille et de livres oubliés.
Mila est la seule à qui je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi je parle peu. Elle le sait.
Elle était là. Pas ce soir-là. Mais après.
Elle m’a trouvé le lendemain, recroquevillée dans mon lit, incapable d’aller en cours. Elle m’a regardée longtemps. Elle a compris. Elle n’a pas posé de questions.
Et elle ne l’a jamais dit à personne.
— Alors, ce duo avec le garçon chelou ?
Je fronce les sourcils.
— Noah ? Il est pas chelou.
Mila arque un sourcil.
— Ah. Tu défends. Intéressant.
Je hausse les épaules.
— Il est... calme. Il me regarde pas comme les autres.
— Et tu lui as parlé ?
J’hésite. Puis je dis :
— Un peu. Je lui ai dit que je connaissais la chanson.
Mila me regarde comme si je venais de gagner un marathon.
— Mec. Tu lui as parlé. C’est énorme.
Je baisse les yeux dans ma tasse.
— Je sais pas ce que je fais.
— Tu fais ce que tu peux, Sarah. C’est déjà beaucoup.
Elle me prend la main, doucement. Pas fort. Pas pour me consoler. Juste pour être là.
— Si un jour tu veux lui dire... ce que tu m’as dit à moi... tu pourras. Ou pas. C’est toi qui décides.
J’hoche la tête. Un petit nœud se défait quelque part sous ma poitrine.
— Tu crois qu’un jour, je vais pouvoir aimer quelqu’un ? Genre... vraiment ?
Mila sourit, triste et lumineux à la fois.
— Je crois qu’un jour, tu vas t’aimer assez pour laisser quelqu’un t’aimer.
Je la regarde. Et pour la première fois depuis longtemps... je crois que c’est possible.
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