(Point de vue de Noah)

Je n’ai jamais été du genre à parler beaucoup.
Ce n’est pas que je n’ai rien à dire. C’est juste que les mots, chez moi, se bousculent trop fort à l’intérieur. Et que la plupart du temps, je ne trouve pas la bonne porte pour les faire sortir.
Quand mon père est parti, j’avais dix ans. Il a dit qu’il avait "besoin de respirer", que "ça n’avait rien à voir avec moi".
Sauf que depuis, je retiens mon souffle.
Ma mère travaille trop. Elle a les cernes d’une femme qui n’a pas dormi depuis plusieurs années. Elle sourit pour moi, mais je sais que parfois, elle pleure dans la voiture avant d’entrer.
Alors j’ai appris à être calme. À ne pas en demander trop.
Je me suis réfugié dans la musique. Le piano, surtout. Il ne crie pas, lui. Il écoute.
J’ai changé de lycée cette année. Nouvelle ville. Nouveau début. J’étais prêt à passer encore une année sans attaches.
Et puis, il y a eu elle.
Sarah.
Elle est entrée dans la salle de musique comme une ombre. Silencieuse, mais pleine de choses qu’elle n’a pas dites. Je l’ai regardée une fois. Puis une autre.
Et j’ai compris.
Pas tout.
Mais assez.
Je connais ce regard. Celui de ceux qui ont appris à se protéger.
Je ne sais pas ce qu’elle a vécu, mais je sais que ça a laissé des traces.
Alors, j’ai parlé doucement. J’ai attendu.
Et quand elle a chanté...
Ce n’était pas juste une voix.
C’était une douleur qui avait trouvé une sortie.
Et peut-être, au fond, une lumière qui cherche encore son chemin.