Chapitre 24 — Le face-à-face
Il s’appelle Léo.
Il a grandi. Moi aussi.
Mais il est toujours là, dans cette même maison, avec ce même regard tranquille qui me donnait envie de lui faire confiance, avant.
Quand il ouvre la porte, il est surpris.
— Sarah ?
— Ferme-la. Et écoute.
Il fronce les sourcils.
— Qu’est-ce que tu—
— Non. Cette fois, c’est moi qui parle. Et toi, tu vas la fermer.
Il ne dit rien. Alors je commence.
— J’avais treize ans. Treize putain d’années.
Mon cœur bat trop vite. Ma gorge est sèche. Mais je continue.
— Et tu m’as fait croire que c’était normal. Que c’était "notre secret". Que j’avais voulu ça.
Il baisse les yeux.
— Sarah, j’étais jeune aussi. Je…
— Non. Tu savais très bien ce que tu faisais. Tu savais que je disais non. Que j’étais tétanisée.
Je sens mes mains trembler.
— Et après, t’as fait comme si de rien n’était. Comme si t’avais le droit de me voler ça et de continuer à exister.
Il reste là, immobile, sans défense.
— Tu m’as volé mon corps. Ma confiance. Tu m’as enfermée dans une prison pendant des années.
Je fais un pas vers lui.
— Mais aujourd’hui, je reprends ma voix.
Il tente encore une excuse :
— J’étais con. Je voulais pas te faire de mal…
— Tu m’as détruite. Et tu t’en es sorti comme si de rien n’était.
Je le regarde droit dans les yeux.
— Tu ne mérites pas mon pardon.
Silence.
— Je suis pas venue pour que tu te sentes mieux. Je suis venue parce que maintenant, je sais que c’est toi qui devrais avoir honte. Pas moi.
Il murmure quelque chose, mais je ne l’écoute plus.
Je tourne les talons.
Et je pars.
Pas en courant.
Pas en fuyant.
Je pars la tête haute.
Pour la première fois depuis trois ans…
Je respire.
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