A la conquête du trône atlante

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Les jours qui ont suivis mon retour à Babel se sont écoulés si vite que j'ai du mal à croire que cela fasse à peine une semaine. Durant ce temps, j'ai aidé Safiye à s'améliorer en broderie ainsi qu'en danse et sa bonne volonté a bien payé puisqu'elle participe désormais à nos leçons avec les Roses impériales, lui permettant de tisser des liens amicaux avec Taiyo, Ameyalli et Blanche. Fidèle à sa parole, Madame a ordonné que les précepteurs lui apportent tous nos travaux depuis nos débuts et elle a effectivement pu constaté que notre véritable niveau est bien supérieur à celui qu'on a officiellement démontré jusqu'à maintenant. Autant dire qu'elle était furieuse de voir que ces derniers faisaient ouvertement du favoritisme vis-à-vis du statut social et non du talent puis à force de persuasion, elle a fini par apprendre que sa Majesté est en partie liée à cette attitude puisqu'il aurait fait cela pour ne pas froisser la réputation de sa belle-famille.

Si elle ne pouvait pas faire grand chose concernant l'animosité entre Blanche et moi si ce n'est tempérer, elle ne s'est pas gênée pour mettre fin aux brimades des princes Aryon et Séthi, déclarant qu'une attitude de la sorte serait à présent considéré comme une insulte à son égard. J'ai même ouïe dire par Ameyalli qu'elle avait été jusqu'à menacer de déchoir Aryon de son rôle d'échanson si une nouvelle altercation lui arrivait aux oreilles et autant dire que nous, ses favorites, sommes ses yeux et ses oreilles dans le palais. Hormis des regards assassins de la part des deux concernés, on peut dire que j'ai enfin du répit et de la considération.

- « Princesse... Je sais que je ne devrais pas poser cette question, surtout dans les jardins où on pourrait nous entendre mais... Concernant son Altesse Aryon... » Chuchote Safiye

- « Nous irons ce soir. Les tunnels sont un secret très bien gardé parmi les Roses impériales. »

- « En admettant que tes dires soient la vérité, comment comptes-tu y prendre pour le révéler sans éveiller les soupçons ? » Me demande mon amie.

- « C'est bien là le souci. Si tout est étalé sur la place publique, il se demandera naturellement à qui cela profitera et je n'ai que trois options possibles : soit il me soupçonnera par désir de vengeance, soit Laura pour évincer toute trace d'Aglaé du paysage soit une tierce personne qui lui est inconnu. »

- « Il faut donc qu'on ne puisse pas remonter jusqu'à toi ou qu'il y ait tellement de possibilités qu'on ne peut désigner celui qui tire les ficelles. »

- « On peut très bien commencer par répandre des rumeurs calomnieuses à son compte, histoire de voir comment il va gérer la situation et surtout s'il est du genre prudent ou négligent. Il n'y a rien de tel pour agiter un peu la cour toujours en recherche de ragots. »

- « Tu comptes donc le jauger pour aviser ensuite ? »

- « Considérons ceci comme un test. On verra alors si son secret est aussi bien gardé qu'il le pense. » Dis-je en buvant un lait chaud que Safiye a préparé plus tôt. « D'ailleurs, j'aimerais que tu essaies ne robe que j'ai oublié de te donner. Je suis certaine qu'elle te plaira. »

Sur ces mots, je me lève de mon lit et ouvre mon armoire pour fouiller parmi les robes en ma possession. Comparé à mon ancienne vie, elles sont plus colorés même si le vert commence à prendre une place considérable. Trouvant l'objet de ma recherche, une robe semblable en tout point à celle que je portais au banquet de Noël à Byblos si ce n'est qu'elle est bleue, je la sors et la tends à Safiye qui touche le tissu de qualité. Je l'aide à se dévêtir pour la lui mettre en prenant soin de ne pas accrocher ses cheveux blonds.

- « Alors, qu'en penses-tu ? »

- « Elle est belle, princes... Elda. »

- « C'est toi qui embellit la robe et non l'inverse. »

Soudain, quelqu'un toque à la porte pour nous annoncer que Madame voulait me voir immédiatement. Safiye et moi nous nous regardons surprises ; que peut bien vouloir Elaine pour me convoquer ? Est-ce que les autres seront présentes ? Je rajuste la couronne tressée de mes cheveux ainsi que ma robe vert et jaune et pars en direction des appartements impériaux avec Safiye à ma suite. Cette dernière me tient discrètement la main pour me rappeller que je ne suis pas seule, me donnant un peu de courage. Le trajet me semble long et quand nous sommes enfin devant la porte, la servante entre à l'intérieur pour signaler mon arrivée avant de recevoir l'accord de me faire entrer.

- « Madame, vous m'avez fait mander. » Dis-je en m'inclinant.

- « Oui, Elda. C'est à propos de notre dernière discussion sur ton souhait d'ouvrir un hospice. J'en ai discuté avec sa Majesté dans la semaine et il m'a l'air d'être accord pour que le projet se fasse à condition que cela soit toi qui gère les travaux et les finances. »

- « Je remercie humblement sa Majesté pour sa bonté. Je suis certaine que vous ne serez pas déçu du résultat. »

- « Aussi ai-je décidé de t'annoncer quelque chose, tu feras ton entrée officielle à la cour après le tournoi du printemps en même temps que les autre Roses. Ce sera un grand banquet pour vous quatre donc il va vous falloir le préparer du début jusqu'à la fin, ce qui est une tâche considérable. Pour contraintes, vous ne pourrez commander à la même boutique votre robe du jour. »

- « Bien, Madame. Y-a-t-il autre chose dont vous souhaitez me faire part ? »

- « Pas pour le moment, tu peux disposer. »

Sur ce, je me retire et amène Safiye à l'atelier de broderie pour voir ses talents en la matière. Elle a une bonne technique, il faut l'admettre, et le choix des couleurs lui correspond totalement... Douceur, simplicité et légèreté. Je lui montre tous les travaux effectueux depuis mon arrivée à la cour pour qu'elle constate par elle-même de l'évolution et reconnait que les progrès ont été fulgurants.

- « Princesse ? Ah, je me disais bien aussi que c'était toi... Que fais-tu ici ? » Demande Blanche en nous voyant.

- « Son Altesse voulait voir mes talents en broderie pour voir si elle peut m'apprendre quelques techniques. J'ai pu voir les siens et elle est douée. » Répond Safiye.

- « Ce n'est pas ce qu'en pensent les précepteurs... »

- « Parce qu'ils veulent avoir les faveurs impériales en flattant ta personne, tout simplement. Ils te valorisent pour ton rang et tes relations non pour ton talent. Mais cela, tu le sais parfaitement vu comment Madame les a sermonnés. »D Dis-je sans lui accorder un regard.

- « Tu dis n'importe quoi ! »

- « Vraiment ? Parce que tu es la petite soeur de l'Impératrice, cela t'autorise-t-il à avoir des passe-droits ou des privilèges ? Ce que tu peux être stupide, Blanche...»

- « Répète ce que tu viens de dire ! »

- « Tu es stupide, Blanche. Tu crois que tout t'es dû parce que tu es liée à Madame et que sa Majesté te protège. La vérité est que tu vis dans une illusion, tu crois que le mariage est faite d'amour et de beauté, que tout est simple... La vérité est que tu te trompes, on n'épouse pas la personne qu'on veut dans ce monde, tout n'est qu'alliance politique ou d'intérêt. Si tu lisais moins de littérature courtoise avec des relations adultères et fantasmait moins sur Amour, tu t'en serais aperçue depis longtemps. En soi, qu'est-ce qui différencie le prince Séthi des autres prétendants potentiels excepté leurs races ? »

- « Parce que son Altesse en sait mieux que quiconque, peut-être ? »

- « C'est en observant que j'ai compris tout cela, c'est l'avantage d'être dans ton ombre : remarquer ce que les gens comme toi ne peuvent pas voir tant la lumière trouble leur vue. Maintenant, j'aimerais apprendre à Safiye à broder des animaux et pour cela, j'aimerais avoir du silence et son attention donc si tu n'as rien d'autre à ajouter, tu peux te retirer. » Ai-je conclu.

Blanche part aussitôt, vexée que je lui ai dit quelques vérités blessantes. Safiye doit trouver que je suis dure dans mes propos mais c'est également une leçon pour elle au vu de sa bonté, elle doit savoir se protéger elle-même surtout à la cour remplie de serpents aussi venimeux les uns que les autres. Elle reprend place à mes côtés tandis que je lui explique comment broder un ours, on dirait que le prince Bjorn lui a fait forte impression vu toute l'attention qu'elle porte à mes explications avec ses questions.

- « Dis-moi, Safiye... As-tu un genre d'homme ? »

- « Grand, très bien bâti, avec des yeux qui enivrent autant que l'alcool et une allure sauvage. »

- « Une allure sauvage, c'est-à-dire ? »

- « Qu'il respire la nature à plein poumons, qu'il en incarne les forces vives,... Qu'il soit en communion avec elle. »

- « Je vois... Et en terme de caractère ? »

- « Tant qu'il est doux et courtois, je ne ferais pas la difficile. »

- « Tu sais que je pourrais t'aider à te marier si tu le souhaites. Cela ne t'empêchera pas de continuer à me servir, au contraire. »

- « Si c'est le cas, alors... Serais-tu d'accord pour être la marraine ? » Demande Safiye.

- « Ce serait avec joie, Safiye. » Dis-je, heureuse d'entendre une telle décision.

- « Pardonne ma curiosité mais... Pourquoi défends-tu autant le troisième prince d'Egypte ? Hier, tu as vivement répondu à Blanche quand il est arrivé à la cour.»

- « Comme tu as pu le voir, Blanche ne porte d'intérêt qu'à un type de personnes : celle derrière qui elle peut se cacher comme une damoiselle en détresse pour verser ses larmes de crocodile. Ramsès a beau ne pas avoir d'esprit politique, il n'en reste pas moins lucide. Tu as pu remarquer qu'elle avait un fort attrait pour le prince Séthi, son jumeau. »

- « Oui, j'ai pu les voir côte à côte et il faut dire qu'ils ont beaucoup de similitudes. »

- « J'aurais été de ton avis il y a plusieurs années. Petits, il était impossible de les différencier à part à la couleur de leurs yeux et ils adoraient en jouer pour échapper aux punitions des précepteurs. Ceci dit, ils avaient déjà des caractères opposés malgré leur proximité... »

- « C'est-à-dire ? »

- « Séthi a toujours été beau et attire n'importe qui à lui alors que Ramsès, loin d'être laid, déteste être un objet d'attention et se sent comme le mouton noir de sa famille. Le premier a toujours été très studieux pour devenir l'héritier de l'Egypte tandis que le second a un tempérament plus timide et n'a jamais été à son aise lors des banquets. »

- « On pourrait presque penser que ces jumeaux sont vos alter-ego à toi et Blanche. Il y a beaucoup de ressemblance entre vous quatre. »

- « Séthi m'a toujours détesté à cause de Laura et de ce fait, je n'ai jamais parlé à son frère une seule fois. Quant à Bjorn, je me souviens l'avoir rencontré petite aux écuries. Oncle Atlas m'avait offerte une jument pour mon anniversaire et quand j'y suis allée, je l'ai pris pour un gros ours sauvage qui allait l'attaquer alors j'ai crié en pleurant. Cela a ameuté les gardes et quand ils se sont rendus compte du malentendu, ils m'ont calmés et en guise d'excuse, je lui ai donné des rayons de miel.»

A l'écoute de cette histoire, Safiye éclate de rire en imaginant la scène. Etant plus grande, c'est vrai que c'est assez drôle d'y repenser mais pour une petite de huit ans face à une montagne de muscles âgé de seize ans avec des oreilles d'ours, cela avait de quoi impressioner surtout que c'était la première fois que je voyais un berserk en vrai et de près. Lassée d'être enfermée, je propose d'aller dehors nous dégourdir les jambes avant le déjeuner. Sur le trajet, nous passons près de l'ancien harem où plusieurs servantes nettoient le sol et s'inclinent à mon passage. C'est la première fois que je passe ici et il faut admettre que les lieux sont fastes, on voit la richesse architecturale qui a tant caractérisé l'époque de l'ancien régime... Un lieu de pouvoir pour les femmes qui étaient prêtes à tout pour s'en emparer et survivre aux dépends des faveurs d'un homme puissant. Une cage dorée, en somme.

- « Comment est le climat avec les autres servantes ? »

- « Pour l'instant, tout va bien. Les plus anciennes veillent à ce que les nouveaux venus s'aclimatent avec rapidité et aisance. »

- « Serait-ce possible de me faire visiter ? J'ai toujours voulu découvrir cette face cachée qui a tant fait fantasmer l'Occident. » Ai-je demandé à un intendant des serviteurs.

- « Bien sûr, princesse. Par ici, je vous prie.» M'invite l'intendant en m'ouvrant la voie.

Il me présente alors là où ceux qui travaillent aux cuisines et au ménage dorment et mangent tous ensembles avant de me montrer l'étage réservé à ceux qui servent directement la noblesse dont Safiye qui y a été installé il y a trois jours. Beaucoup s'inclinent et me regardent avec étonnement puisqu'il est rare qu'un noble entre dans cette partie du palais.

- « Est-ce qu'il arrive que des petites fêtes s'y déroulent ? Jouer de la musique, danser,... ? »

- « Oui, chaque samedi et dimanche après le service, Altesse. »

- « J'aimerais beaucoup voir de quoi on l'air ses rassemblements si cela ne pose aucun problème. » Dis-je.

- « Altesse, vous n'y songez pas. Une noble princesse comme vous ne peut se mêler à des gens d'aussi basse condition. » Intervient l'intendant.

- « Et pourquoi pas. Me soucier de peuple et chercher à les comprendre peut justement être utile pour savoir comment répondre à leurs doléances... Se mettre le peuple à dos est le meilleur moyen d'écourter un règne et d'enchaîner les ennuis sans fin. »

- « Si c'est un ordre de son Altesse... »

- « Je vous tiendrais informée de ma venue en temps et en heure par le biais de Safiye. Rassurez-vous, je n'exigerais pas un festin de roi mais plutôt quelques mets légers. »

- « Comme vous le voudrez, Altesse. Souhaitez-vous voir les hammams ? »

- « Ce sera avec grand plaisir. Sont-ils encore utilisés ? »

- « Oui, princesse. Sa Majesté estime que ce serait du gâchis de ne pas en faire usage alors nous sommes autorisés à les utiliser. »

Sur ce, il nous emmène voir les hammams qui sont recouverts de mosaïques par souci d'humidité. Il m'explique que du temps de l'ancien régime, les femmes venaient s'y laver mais aussi s'éduquer aux arcanes de l'amour entre elles... Démontrant que l'homosexualité féminine était tolérée uniquement dans le cadre éducatif. Il m'explique aussi qu'ils prennent grand soin à entretenir cet espace pour que cela soit aussi accueillant que possible.

- « Je vous remercie de nous avoir accordé un peu de votre temps pour cette visite. »

- « Le plaisir était pour moi, princesse. Avoir de la visite de la part d'une personne comme vous est exceptionnel. »

Après l'avoir salué, Safiye et moi partons pour aller dans les jardins et plus particulièrement dans un recoin isolé menant à la lagune, un autre de mes endroits préférés du palais. J'adorais venir m'y baigner étant petite pour me reconnecter à l'océan dont je suis nativem mais pas que... Je demande à Safiye de me dénouer la robe pour me retrouver en simple chemise avant de m'avancer vers les premières vagues et d'utiliser ma magie pour la remplacer par un exomide.

- « On pourrait te voir ! Reviens ici... » Supplie Safiye en me voyant aller plus loin.

- « Qu'est-ce qui te gêne ? Personne ne vient jamais ici, c'est trop isolé. » Dis-je en plongeant dans l'eau une fois l'eau à ma taille.

Revenant aussitôt à la surface, j'expire un grand coup. Cette sensation de ne faire qu'un avec la mer m'avait manqué, je m'y sens si bien, en harmonie avec la nature et libre. Safiye s'assoit sur un rocher proche de la rive et m'observe tandis que je profite pleinement du beau temps et de ce petit coin de paradis.

- « E-Elda... Là-bas, quelque chose approche ! » Crie-t-elle en pointant quelque chose du doigt.

En me tournant, je remarque du mouvement à la surface et devine de qui il s'agit. J'ouvre grand les bras et c'est un dauphin femelle qui sort sa tête de l'eau pour me faire une fête.

- « Mais oui, toi aussi tu m'as manqué ! Oui, je viendrais nager plus souvent maintenant qu'il fait plus chaud... Je ne t'ai pas oublié, ma belle. » Dis-je avec une voix un peu enfantine. « Safiye, approche. Il est temps de te présenter à ma seule amie des mers. »

Safiye s'approche lentement du rivage rocailleux tandis que je nage en sa direction avec le messager de Poséidon. Cette dernière tape des nageoires dans l'eau pour signifier sa joie de rencontre mon amie, l'éclaboussant au passage.

- « Je te présente Delphis, mon dauphin. Elle est très joueuse mais adorable comme tout... Surtout très demandeuse d'affection.»

- « Je vois cela... J'espère qu'elle va m'apprécier. » Dit-elle en tenant sa main, hésitante.

- « Il n'y a aucune raison qu'elle ne t'aime pas. Veux-tu te joindre à nous ? L'eau est bonne. »

- « J-je... N'y-a-t-il aucun risque que quelqu'un vienne ici ? »

Aussitôt sa phrase terminée, on entend deux voix masculines au loin qui approchent. On se regardent toutes les deux avant de réaliser de qui il s'agit, Bjorn et Ramsès.

- « Je ne savais pas qu'il y avait cette lagune au palais. Je me demande bien d'où tu la connais, petit frère. »

- « Etant donné que je ne passe pas mes journées à faire le paon comme Séthi, j'explore les recoins du palais et on peut trouver ce genre d'endroits. »

- « D'accord mais pourquoi me traîner ici ? »

- « J'ai envie de me baigner un coup tout d'abord, ensuite il n'y a personne qui y vient et enfin... On peut y faire de charmantes rencontres contrairement à ce que je croyais. » Enumère le plus jeune avant de voir Safiye.

- « Vos Altesses... » Dit Safiye en s'inclinant, prenant soin de ne pas glisser.

- « Je ne pensais pas vous revoir si vite. Votre maîtresse vous accapare trop à mon goût. »

- « J-je ne fais que la servir comme mon rôle l'exige, mon p-p-prince. »

Aucun doute, Bjorn plait à Safiye et ce dernier ne semble pas insensible à ses charmes ou alors il sort sa meilleure perfomance de comédien. Cachée près des rochers pour ne pas être vue, je les observe en train de parler à mon amie. Ces deux-là n'ont rien de princier comparé à Séthi bien que Bjorn porte une tunique longue vermeil qui s'ouvre par des boutons à l'avant avec une ceinture de cuir à la taille à laquelle son épée Odin est nouée. A l'inverse, le benjamin a plus des allures de bretteur avec sa chemise blanche retroussée dans son bas et ses manches remontées aux coudes.

- « D'ailleurs, où est-elle ? Ne devriez-vous pas être son ombre ? » Demande Bjorn.

- « Et bien, il se trouve que... Son Altesse m'a permis de venir ici pour renouer avec la mer. »

Oh non, le prince Bjorn commence à se douter qu'elle n'est pas seule et je ne suis pas présentable ainsi, trempée et en tenue légère. Comment allons-nous sortir de ce pétrin ?

- « Que diriez-vous de vous mouiller un peu ? Nous sommes des hommes bien élevés et respectueux de ces dames, pas vrai ? Et puis, l'eau m'a l'air rafraîchissante. »

- « Pas sûr que cela soit une excellente idée... Imagine si... Sa maîtresse venait à le savoir, qui sait ce qu'elle pourrait penser ? Tu oublies que la réputation d'une dame ne tient qu'à un fil qu'il est aisé de couper. Et peu importe la vérité, ce qui importera à la cour est ce qu'ils perçoivent. » Tente son frère, soucieux de problématiques à venir.

- « Son Altesse votre frère est lucide, voilà pourquoi je ne peux accepter votre charmante invitation. »

Sans crier gare, Ramsès se rue sur son ainé et tous deux tombent à l'eau, me donnant une ouverture pour sortir de l'eau avec l'aide de Safiye et de filer à l'anglaise. Ma magie me permet de recouvrer ma chemise sèche et mon amie s'empresse de me remettre ma robe et de la nouer dans le dos avant de retourner à la cour en écoutant Bjorn râler que son épée puisse être rouillée avant de s'amuser avec son benjamin. On peut dire qu'on a eu chaud toutes les deux, s'ils m'avaient vus, je n'ose imaginer ce qu'il serait arrivé. Je vois que Safiye reste pour les voir sortir de l'eau et on peut dire qu'elle se rince l'oeil : Bjorn enlève de suite sa tunique pour plus d'aisance, dévoilant un corps d'Héraclès digne de sa nature berserk. Pour un peu, sa machoîre tomberait au sol avec un filet de salive.

- « L'eau est rafraîchissante, en effet. On peut dire qu'il porte sur lui le fruit des entraînements aux armes et plus encore... » Dit Safiye en fixant le corps trempé de Bjorn.

- « Voyons, Safiye ! Ils pourraient te voir et c'est pour le moins déplacé ! » M'exclamai-je en donnant un coup de coude.

Je dis cela mais je ne suis pas sûre de valoir mieux. Quand le prince Ramsès sort de l'eau à son tour, tout habillé, avec l'aide de son frère adoptif, sa chemise blanche mouillée épouse le haut de son corps et en dévoile un peu plus. Safiye le remarque et ne se gêne pas pour le faire savoir. De retour dans les jardins, Ameyalli et Taiyo vont en ma direction pour qu'on aille ensemble voir Madame. Sur le chemin, toutes les trois font connaissance et cela me rassure de voir que le courant passe aussi bien, comme autrefois, jusqu'à ce qu'Ameyalli me demande s'il y a une quelconque raison à ma froideur envers Blanche puisque jusqu'à maintenant et même dans mon ancienne vie, nous n'avions jamais eu de rapport aussi conflictuel.

- « Tu sais pourtant que nous voulons l'une et l'autre être la première dans les faveurs de Madame. »

- « Tout de même, on dirait qu'il y a autre chose que juste cette petite compétition de favorites. »

- « Vous avez vu comme moi combien elle est favorisée par rapport à nous, elle ne se fait jamais gronder ou punir... Maintenant, ce ne sera plus le cas vu que l'Impératrice a mis le nez dedans et quand cela nous concerne, même l'Empereur ne peut intervenir. »

- « Pardonnez ma curiosité... Mais étant donné que son Altesse a un rang supérieur aux vôtres et à celui de Dame Blanche, ne devriez-vous pas ... ? » Demande Safiye, confuse.

- « Etant donné que nous sommes toutes les quatre les Roses Impériales, nous sommes égales face à elle... » Explique Taiyo.

- « Mais si on fait abstraction de notre position de favorite, on se doit de montrer des marques de respect entre nous ainsi qu'aux rangs supérieurs. » Ajoute Ameyalli. « Chose qui est très peu respectée si on regarde attentivement au niveau des privilèges. Beaucoup jugent que les privilèges sont des passe-droits qui les autorisent à prendre littérallement de haut n'importe qui. »

Une fois devant la porte menant aux appartements de notre maîtresse, nous écoutons des voix féminines dont celle de Blanche. Ne voulant interrompre la conversation, nous restons devant pour les entendre et autant dire que nous n'avons pas été déçus de ce qui a été dit en notre absence.

- « Dame Blanche, votre robe est sublime, vous ressemblez à un ange d'une grande pureté avec votre teint de porcelaine, vos cheveux d'or et vos yeux améthyste. » Flatte l'une de ses femmes de chambre privée.

- « C'est un présent de sa Majesté pour mon dernier anniversaire. J'adore les fleurs brodées sur mon col et les côtes, l'or met en valeur le doux tissu bleu ainsi que ma beauté louée partout à Schinéar. »

- « Pour la modestie, on repassera. » Chuchote Ameyalli.

- « Je me suis toujours demandé ce que votre soeur pouvait aimer chez vos trois compagnes... »

- « Elles ne sont en rien comparables à vous que cela soit en beauté, en courtoisie et en manière. C'est à peine si on les remarque.»

- « Allons, vous parlez d'elles comme si elles n'avaient aucune qualité. » Rétorque Blanche.

- « Parce qu'elles n'en ont pas par rapport à vous... » Disent-elles en riant comme des ânes.

Excédée, Safiye ouvre en trombe la porte malgré nos protestations. Il vaut mieux attendre quelques instants avant d'entrer pour faire mine de ne pas avoir entendu ces paroles blessantes, Ameyalli est totalement impassible tandis que Taiyo est partagée entre l'offense et la déception.

- « Je ne vous permets de parler ainsi de ma maîtresse ! Ce que vous avez dit est très irrespectueux, même envers Dame Taiyo et Ameyalli. » Dit Safiye, enragée ce qui me surprend puisque je ne l'ai jamais vu s'emporter de la sorte même dans le passé.

Toutes celles présentes dans le petit salon se retournent en sa direction, surprises de son entrée soudaine. Taiyo me regarde pour dire que derrière ses allures de petit poussin mignon se cache une poule prête à écharper quiconque oser s'attaquer aux plus faibles. On l'entend demander à Blanche qu'elles retirent leurs mots blasphématoires sous peine de m'en rapporter chaque syllabe. Face au silence de leur maîtresse, un ange passe avant que l'une d'elles n'éclate de rire.

- « Mais fais donc ! Va jouer les rapporteuses à ta maîtresse, elle ne te croira jamais puisque ta parole n'a guère de poids face à celle de la nôtre.» Dit la plus jeune.

- « Est-ce le fait de servir une parente de l'Impératrice qui te permet de me parler comme si tu étais au-dessus de moi ? Ou même de proférer des paroles aussi blessantes que celles que vous avez prononcés plus tôt ? Vous vous croyez intouchables à présent. »

- « Nous ne faisons que dire la vérité, Safiye. Nous n'y pouvons rien si ta maîtresse est aussi bête qu'un cochon et sans beauté à cultiver à force de vivre hors de Babel. »

- « Ose le redire pour voir ! » Rétorque Safiye en lui empoignant le bras.

La porte étant entrouverte, on peut aisément entendre et voir ce qu'il s'y passe. La jeune femme de chambre pousse Safiye qui tente de se rattraper à la table, manquant de se cogner la tête sur le rebord de peu. Ne pouvant supporter une seconde de plus leur arrogante attitude, je fais irruption dans la salle et tout de suite les quatre servantes se font petites et s'inclinent. Ignorant Blanche qui voulait m'accueillir, je m'agenouille près de mon amie pour voir si elle n'a rien avant de me tourner vers celle qui l'a blessée.

- « Quel est ton nom ? » Dis-je sur un ton calme et froid.

- « P-pardon ? » S'exclame-t-elle.

- « Il me semble t'avoir posé une question... Serais-tu aussi bête qu'un cochon ? » Répondis-je sèchement en reprenant mot pour mot sa dernière phrase, la rendant livide.

Ses trois compagnes sont silencieuses et inquiètes, Blanche ne sait pas quoi faire ou dire, celle à laquelle je parle tremble comme une feuille et les deux Roses entrent à leur tour dans la pièce. Pendant plusieurs secondes, le silence règne.

- « Réponds-moi ! Toi et tes amies aviez la langue bien pendue tout à l'heure. Mieux vaut pour toi que je ne repose pas ma question. »

- « A-Anne, princesse. »

- « Anne... Alors, comme cela, je n'ai aucune qualité susceptible d'être à la hauteur de ta maîtresse parce que j'ai davantage vécu à Byblos auprès d'Atlas qu'ici avec Madame. Et est-ce que servir Blanche te donne la moindre autorité pour calomnier ceux qui ont un rang égal ou supérieur au sien ? »

- « B-bien sûr que non. »

- « A genoux... »

- « Q-quoi ? »

- « A genoux ! Toutes les quatre ! » Hurlai-je.

Toutes me regardent avec de grands yeux, prêts à sortir de leurs orbites. Autrefois, j'aurais gardé le silence pour ne pas faire de vague mais cette fois, elles ont blessés Safiye et je ne laisserais plus personne ni me manquer de respect ni me marcher dessus sans subir de conséquences adéquates. Tremblante, les quatre femmes se mettent à genoux au bord des larmes et prêtes à me supplier. Blanche s'apprête à intervenir mais je la dissuade d'oser ne serait-ce que d'ouvrir sa bouche en un regard. Taiyo va vers Safiye pour l'aider à se relever, lui tenant le bras pour l'asseoir sur une chaise.

- « Demandez pardon... Pas seulement à moi, aux autres Roses impériales. » Ordonnai-je, intransigeante.

- « Veuillez nous pardonner, vos Altesses...»

- « Nous n'oublierons pas cette offense, mesdames. Soyez assurées qu'à la prochaine incartade, une punition tombera. Prenez ceci comme une leçon d'humilité et de modestie, vous devez savoir rester à la place qu'est la vôtre et ne point faire preuve de condescendance. » Annonce Ameyalli, toujours impassible.

Elles s'apprêtent à se relever quand j'en force une à rester à genoux, celle qui a poussé Safiye. En serrant son épaule, je lui fais comprendre que ce n'était pas terminé pour elle et que la suite pourrait bien être humiliante pour elle selon ce qu'elle dira. Je lui ordonne de s'excuser pour ce qu'elle a fait à Safiye en insistant bien sur le fait que sa chute aurait pu être fatale à cause du rebord de la table qui lui a provoqué une éraflure à la main tout à l'heure. Celle-ci s'exécute aussitôt, la voix tremblante, à genoux devant Safiye.

- « Tu peux me maudire autant de fois que tu voudras dans ta tête, cela ne changera rien du tout à mes yeux. » Lui chuchotai-je. « Et si j'apprends de ma demoiselle de compagnie que l'une de vous a encore fait des tiennes à son égard ou toutes ensembles, attendez-vous à ce que je sois sans pitié. » Déclarai-je, sérieuse, en lâchant ma prise sur l'épaule de la femme de chambre.

C'est à ce moment-là que Madame entre dans le salon, nous faisant nous incliner pour l'accueillir. Elle n'a nul besoin de nous demander pour comprendre que l'air est lourd et qu'une querelle a éclaté. Elle prend place sur un fauteuil et nous invite à en faire de même pour nous parler de notre premier bal.

- « Pour le mois de mai, vous organiserez vous-même le banquet toutes les quatre. Je tiens à ce que vous collaborez toutes ensembles pour l'une des premières célébrations du printemps. Je pose cependant une contrainte à savoir que vous alliez commander à des endroits différents pour ne pas surcharger les artisans. »

- « Bien, Madame. »

Je me lève et va m'asseoir près d'une fenêtre que j'ouvre ou aérer la pièce. Safiye m'imite et va à mes côtés pour savoir pourquoi je n'ai rien dit sur l'altercation ayant eu lieu avant son arrivée, ce à quoi je réponds qu'il est inutile d'embêter Madame avec ces idioties mais que tout vient à point à qui sait attendre, Anne et ses compagnes paieront tôt ou tard le prix de leur vantardise. En attendant, c'est un tout autre projet qui m'occupe l'esprit... Aryon. J'ai beau ruminer et je n'arrive pas à trouver un moyen sûr de faire éclater son secret sans éveiller les soupçons, en particulier les siens.

Une lettre anonyme ? Une bonne idée mais il est possible d'y reconnaître mon écriture à moins que cela soit quelqu'un autre qui le fasse et je ne peux prendre un risque aussi élevé à quelqu'un qui n'est pas impliqué dedans, Safiye la première. Surtout que je ne peux savoir à l'avance si la personne est capable de me dénoncer ou de tenir sa langue.

Faire circuler des rumeurs sur l'ambiguité de ses relations avec les favoris voire l'Empereur ? Ce serait un excellent début pour installer le doute à la cour, affecter sa répuation et le faire paniquer.... Y impliquer l'Empereur serait un plus qui le mettrait dans une position délicate mais c'est à coup sûr une condamnation à mort si ce dernier est le bouclier d'Aryon. Pour ce plan, je me dois d'agir avec prudence dans mes propos.

Laura ferait une parfaite coupable puisqu'elle est la seule, pour le moment, à qui ce secret honteux pourrait être utile, écarter la progéniture de la défunte Aglaé pour m'asseoir sur le trône en tant que marionnette et elle qui tire les ficelles dans l'ombre. Que faire ? Dans tous les cas, faudra apporter des preuves irréfutables pour le destituer...Mais, et après ? Et s'il planifiait des représailles ? Dans le cas où les preuves sont des témoignages de personnes dont la parole a plus de poids que la sienne, les choses seraient aisées.

Une fois l'entretien avec Madame passé, nous quittons le salon à ses côtés pour le repas du soir dans la salle d'apparat. Réparties selon nos familles, je me retrouve à la table d'Aryon et de Laura tandis que Blanche reste auprès de sa grande soeur tandis qu'Ameyalli est aux côtés de son père et de son frère Tezca et Taiyo rejoint sa mère accompagnée de son époux. Si la joie est aux retrouvailles pour mes deux compagnes, c'est sous haute tension que le repas se fait pour moi ; nous n'échangons aucune parole seulement des regards en coin méprisants pour Aryon à mon égard ainsi qu'à la reine atlante, hautains de la part de cette dernière à ce dernier pour lui rappeler qu'elle lui est supérieure et observateurs pour ma part. Je guette Persès, l'intendant de la reine atlante qui a toujours été à ses côtés depuis plus de trente ans, ses yeux et ses oreilles partout où elle se trouve, son meilleur pion et certainement son arme secrète la plus redoutable de par sa loyauté et sa malice. Il se tient comme toujours aux côtés de sa maîtresse, droit comme un piquet à observer tout ce qui se passe et se dit. Ce dernier risque d'être un obstacle de taille pour moi une fois débarassée de mon demi-frère.

- « Mon prince, je suis navré de vous interrompre en plein repas mais j'ai un mot pour vous. » Annonce Ezio, le serviteur attitré d'Aryon avant de lui murmurer quelque chose.

- « Fort bien. J'y jetterais un oeil une fois dans mes appartements. »

- « Prince Aryon... Je me permets de vous adresser quelques mots au nom de son Altesse votre père. » Déclare Laura.

- « Qu'y-a-t-il donc ? »

- « Il a ouïe dire votre dévouement sans faille envers sa Majesté en tant qu'échanson et s'en est trouvé fort ravi qu'une telle confiance vous ait été accordée. Le conseil a beaucoup vanté votre capacité à gagner la confiance des autres avec aisance, une qualité fort recommandé pour votre statut d'héritier légitime. Il a également eu vent de vos progrès militaires de ces deux dernières années par l'intermédiaire du Comte Atlas.»

- « Vous m'en voyez ravi, ma reine. Pourquoi ne m'a-t-il pas écrit pour me faire parvenir ses mots ? » Lui répond ce dernier en buvant son verre.

- « Pour être honnête, votre père est souffrant depuis peu. Il s'épuise à grande vitesse sans que quiconque ait pu en trouver la cause dans l'immédiat. Nous gardons espoir que ce problème ne sera que temporaire et n'affectera en rien la stabilité de l'Atlantide. »

- « J'enverrais une lettre pour lui faire part de mes souhaits de rétablissement. »

Incroyable ! Ils font vraiment comme si je ne suis pas là voire n'existe pas. Je vois bien la preuve sans équivoque que je n'ai aucune valeur aux yeux de l'un comme de l'autre, même une babiole en a beaucoup plus, comment ai-je pu ne pas m'en apercevoir dans le passé ? Si j'avais su, nul doute que les choses auraient pu être différentes et maintenant, ce sera le cas. On va voir si je serais encore un fantôme errant dans peu. Sans même en dire un mot, je quitte ma table et me dirige avec Safiye dans les couloirs menant aux cuisines, prenant en filature les servantes chargés de servir les repas. Mille et unes odeurs embaument l'air et donne envie de manger, le feu doit encore être vif pour que les herbes qui parfument la viande et les mets régalent autant nos narines. Plusieurs s'inclinent à mon passage et quand un serviteur annonce ma venue, tous se stoppent et imitent leurs congénères en plein service.

- « Princesse, y-a-t-il un problème avec le banquet ? »

- « Pas du tout, au contraire. Toute la salle se régale de vos préparations et l'ambiance est à la convivialité. Si je ne me trompe pas, vous nous avez servi une grande omelette aux herbes pour débuter suivie par un potage aux amandes pour ouvrir notre appétit. Puis nous avons enchaînés sur plusieurs agneaux rôtis au sel et des gravés d'écrevisses. »

- « S-son Altesse a vu juste pour le festin. »

- « Et qu'est-ce qui est prévu pour finir le banquet ? »

- « Un grand pasté de poires crues, Princesse. »

- « Je constate qu'il y a beaucoup de restes, qu'allez-vous en faire ? » Ai-je demandé, curieuse de sa réponse.

- « Ils seront servis aux chiens. »

- « J'aimerais qu'ils soient plutôt offerts aux mendiants dans les rues de Babel. Ils souffrent déjà assez de ne point avoir de toit sous lequel dormir, ne les privons poins d'un repas aussi qualitatif qui pourrait leur donner du baume au coeur. Ne gâchez point ces mets quand les gardes impériaux nourrissent déjà de leurs propres restes les chiens, cela vous réduira un charge de travail par la même occasion. » Dis-je en sentant le regard de Safiye.

- « Son Altesse est bien trop généreuse. »

Je quitte les cuisines et avant même que Safiye n'ait le temps de me poser une question, je l'attire dans un couloir adjacent et tatonne les pierres pour trouver celle qui ouvre le passage. Prenant appui sur la plus haute, cette dernière s'abaisse et le mur s'entrouvre pour qu'on passent toutes les deux. Safiye est bouchée bée tandis que j'use d'une bougie pour nous guider dans l'obscurité des passages secrets du palais. Je prends le temps de regarder les traces de nos passages dans notre jeunesse, de lire les gravures sur les murs pour nous orienter vers la bonne direction, à savoir l'aile des favoris de l'Empereur.

- « Quels intérets as-tu d'aller en cuisine ? »

- « Ils se doivent d'entendre la satisfaction de leur travail, cela les pousse à rester ici pour espérer être dans les bonnes grâces pour nourrir leurs familles. Et puis, en quoi faire la charité est un mal ? »

Dans mon ancienne vie, j'effectuais beaucoup de travaux de charité pour échapper à Thurian, c'était pour ainsi dire mon seul bpnheur. Nourrir les pauvres, bâtir des hospices, aider aux soins était devenu ma seule sortie du château puisque mon époux me privait de tout contact avec ma famille et Madame et j'étais consolée de savoir que mon labeur payait puisque très vite, j'étais fort appréciée à Mannheim... Je tiens à le refaire dans cette vie et je sais que son utilité me sera bénéfique à la fois pour moi en tant qu'individu et en tant que princesse. Durant de longues minutes, nous scrutons les murs de pierre pour épier des conversations de genres différents, amusant Safiye qui ne pensait pas qu'on pouvait accéder ainsi à autant d'intimité... Elle n'est pas au bout de ses surprises puisque nous voilà à destination, il ne nous reste plus qu'à attendre le retour d'Aryon à ses appartements pour voir si ce soir il recevra Tezca ou non puisque les murmures d'Ezio laissent entendre que ce dernier est complice de leur liaison. Est-ce également le cas d'Alaric ? Peut-être que oui, peut-être que non... Avec cet homme, rien n'est sûr. En tout cas, Aryon ignore totalement que deux souris écoutent discrètement tout ce qu'il se passe dans sa chambre. Au bout d'une heure à attendre dans la pénombre malgré la faible lueur de la bougie qui se consumme peu à peu, ce dernier revient et se déshabille, au son de tissu qui se froissent et de bruits métalliques négligemment jetés, de ses riches accoutrements pour aller écrire la lettre à père. La porte s'ouvre et la voix de Tezca se fait entendre.

- « J'ai vu que ton humeur n'était pas au banquet, que se passe-t-il ? »

- « Je viens d'apprendre que mon père est souffrant par ma belle-mère... Qui sait quel poison elle a pu lui faire ingérer ? »

- « Vraiment ? Mais est-ce vrai, au moins ? »

- « C'est ce que j'aimerais savoir, justement. Avec cette vipère, on peut s'attendre à ce que le faux soit vrai et inversement. Je ne serais pas étonné si elle formentait quelque conspiration à mon égard pour mettre sa marionette sur le trône pour régner dans l'ombre. Je refuse que mon héritage revienne de quelque façon que ce soit à cette sorcière meurtrière et à quiconque partageant une goutte de sang avec elle. »

- « Je te trouve dur envers la princesse, elle n'a pas à payer pour les actes de sa mère et encore moins à subir ton courroux. »

- « Juste la voir suffit à me rappeller que ma mère aurait dû vivre et être reine au lieu de cette Laura en qui elle avait placé toute sa confiance... Elle l'a trahi en charmant Léandre par je ne sais quel sortilège ou philtre. »

- « Pour autant, tu as été maintenu comme héritier de l'Atlantide de par ton droit d'aînesse. La princesse Elda ne sera qu'un dernier recours si tous les candidats ne conviennent pas. »

- « Elle n'est rien qu'une marchandise à vendre au plus profitable... Qu'on peut récupérer quand bon nous semble et elle n'aura pas son mot à dire, c'est une fille et elle est la propriété de père ainsi que la mienne jusqu'à son mariage où elle sera celle de son mari. C'est ainsi que les choses fonctionnent et il serait temps qu'elle se mette bien cela dans son crâne sans cervelle. »

- « Allons, ne gâche pas ce joli minois atlante par ta mauvaise humeur. J'ai de véritable doigts de fées, tu sais... Capable de te faire oublier jusqu'à ton propre nom selon ce que j'en fais. »

- « Je serais curieux de voir cela, tiens. »

Sur ces mots, des gémissements de plaisir se font aussitôt entendre de la bouche du prince atlante. Privées de la vue, nous ne pouvons nous fier qu'à nos oreilles pour déterminer ce qu'il se passe dans la chambre princière. Le prince Tezca demande par moment si ses mains lui procurent du bien-être et la réponse est sans équivoque, c'est un plaisir d'être entre ses mains et sa future épouse sera aux combles du bonheur quand il sera question de devoir conjugal.

- « Malheureusement... Je crains que non. Les plaisirs que je te procure te sont exclusifs et je ne veux en faire profiter que toi, mon aimé... »

Les gémissements laissent place à des soupirs d'aise puis à des râles d'extase que je ne peux supporter au point de couvrir mes oreilles. Cela me rappelle trop d'horribles souvenirs de ma précédente vie, lui a eu droit à tout cela et moi... A rien d'autre que de la douleur et de l'humiliation. S'il me restait une once d'affection pour ce demi-frère que j'avais voulu aimer, je crois qu'avec ce que je viens d'entendre, il n'y a plus rien hormis l'envie de lui arracher ce bonheur, sa place d'héritier, tout ce qui lui appartient. Ayant désormais la preuve que mes dires étaient on ne peut plus fondés et remarquant mon mal-être, Safiye abrège ce supplice en me ramenant à mes appartements par les passages amenant directement à ma chambre où je suis censée me trouver. L'ouverture donne directement sur mon lit et se referme une fois sorties.

- « Je te crois maintenant. Faut à présent que cette liaison se sache sans qu'on nous soupçonnent... Et là, cela va être coton. On en revient toujours au même point et c'est frustrant. »


- « Safiye... Si je veux qu'il soit pris la main dans le sac, je dois m'assurer que ce sera une allié de poids pour cette affaire. Tu dois te dire que je suis injuste et cruelle envers mon frère, n'est-ce-pas ? »


- « O-oui, prince... Elda. Venant moi-même d'une fratrie, cela m'attriste de voir qu'il n'y a aucune entente entre vous. »


- « Tu as pourtant vu par toi-même combien Aryon m'aime en m'ignorant publiquement et en m'insultant de manière à peine déguisée. » Dis-je sur un ton ironique. « Un futur héritier du trône atlante qui se livre à des plairs illicites avec son propre sexe, ne peut apporter un quelconque bien à l'Atlantide, il n'a jamais montré le moindre intérêt pour la gente féminine donc un mariage politique de façade ne tiendra guère longtemps. Vu qu'on privilégie les descendants directs du monarque, il y a des alternatives pour parer à tout éventualité. »


- « C'est donc pour cela que tu fais preuve de considération envers le petit peuple. Tu veux en faire des alliés pour gagner en réputation. »


- « Oui et non. Il est évident que le peuple est un facteur déterminant pour obtenir une victoire selon les cas. Si on le traite avec bonté, on gagne sa loyauté et son soutien aussi longtemps qu'on le protège. Ce n'est pas différent de la relation qu'entretient un vassal avec son suzerain. »


- « Ne crains-tu pas justement que cette même bonté puisse un jour... Te coûter cher ? »


- « C'est pour cela que je préconise la prudence... Afin de mieux jauger jusqu'où elle me sera bénéfique et quand elle pourrait devenir une faiblesse à exploiter. Jusqu'à maintenant, j'ai toujours voulu avoir un lien avec mon frère mais ce dernier me rejette parce que celle qui m'a donné vie à pris à la fois la vie et la place de sa mère. A partir d'aujourd'hui, Aryon, Laura, Blanche et Séthi... Apprendrons qu'il n'est pas bon de réveiller les morts. »

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